À propos de « Ni dieu ni maître, une histoire de l’anarchisme » et sur les deux épisodes à venir

Quelques notes et liens sur les deux premiers épisodes de la série de documentaires « Ni dieu ni maître, une histoire de l’anarchisme » de Tancrède Ramonet. On repose aussi des questions classiques sans prétendre y apporter des réponses... Comment raconter une histoire des luttes sans muséifier et donc trahir la révolution au présent ? Comment pratiquer la science historique en dépassant la seule histoire des personnages marquants et des martyrs ? Quel héritage pour les luttes contemporaines ?

Le documentaire

« Ni Dieu ni maître, une histoire de l’anarchisme » est une série de documentaires réalisés par Tancrède Ramonet en 2016 et coproduite par Temps noir et Arte. Les deux premiers épisodes sont :

  • La Volupté de la destruction (1840-1906)
  • La Mémoire des vaincus (1922-1945)

diffusés pour la première fois sur Arte en 2017. Deux épisodes supplémentaires, toujours avec le soutien du CNC et de LCP mais sans le soutien d’ARTE, sont à venir :

  • Des Fleurs et des pavés (1945-1969)
  • Les Réseaux de la colère (1965-2011)

grâce à une campagne de financement participatif sur Ulule qui en est à plus de 30 000 euros !?!

Notes sur les deux premiers épisodes

Les notes qui suivent ne remplacent pas le visionnage du documentaire. Elles donnent uniquement des indications sur les sujets traités dans les deux premiers épisodes (chacun d’une durée de 1h30). Elles ne reflètent pas mon point de vue, je ne suis ni historienne, ni experte des différents mouvements socialistes et révolutionnaires. Par ailleurs, ce ne sont que des notes, il n’y a pas d’effort de rédaction. La plus-value se trouve surtout dans les nombreux liens hypertextes vers Wikipedia et articles « Mémoire » internes à Paris-luttes.

Capitalisme et prolétaires

Au début du XIXe siècle, un nouveau système économique lié à la révolution industrielle, le capitalisme, met en exergue les contradictions de classe et en particulier la condition misérable des prolétaires :

celui qui ne possède rien que sa force de travail, sa journée dure plus de 12h et le salaire qu’il retire de son labeur ne lui permet pas de manger à sa faim. Il n’a ni jour de repos, ni assurance, ni retraite. Ces enfants travaillent dès qu’ils peuvent tenir sur leurs jambes et un sur deux meurt avant l’âge de six ans. Les carences, les épidémies et l’alcool font des ravages, l’analphabétisme est la norme et l’accident est la loi. En 1840, l’espérance de vie d’un ouvrier de dépasse guère trente ans.

L’anarchie comme courant socialiste

Différents courants socialistes tentent de résoudre ces contradictions de classe (exposées ici avec une terminologie popularisée et développée par les écrits de Karl Marx et Friedrich Engels). L’anarchisme va devenir un ensemble de courants socialistes fondés sur des aspirations de liberté, d’égalité, de solidarité et de pratiques antiautoritaires.

Quelques penseurs précurseurs :

1840 : Pierre-Joseph Proudhon écrit Qu’est-ce que la propriété et décrit celle-ci comme le fondement de l’ordre social. Il critique simultanément la domination politique par l’État, la domination économique par le capital et la domination religieuse. À l’opposition à l’État, à l’athéisme et au collectivisme, Mikhaïl Bakounine adjoint le principe de la violence révolutionnaire et de l’insurrection.

L’anarchisme est aussi un des rares mouvements politiques où des femmes sont et seront au premier plan :

  • Louise Michel
  • Emma Goldman
  • Voltairine de Cleyre
  • Leda Rafanelli
  • Virginia Bolten
  • Lucy Parsons
  • Kanno Sugako

1864 : création de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT) ou Première Internationale. L’anarchisme, promue par Bakounine est, parmi les tendances socialistes, majoritaire.

1870’s : rencontre/création de la fédération jurassienne avec Bakounine et les ouvriers horlogers de Saint-Imier (Suisse). Quelques membres :

1871 : les anarchistes participent lors de La Commune de Paris aux cotés des autres révolutionnaires, à une expérience de destruction systématique de l’État (on brûle les cadastres par exemple) via une prise en main de la vie politique et économique par la population.

La terreur contre-révolutionnaire fait 20 000 morts ainsi que de nombreux exils ou déportations au bagne

Antiautoritarisme

1872 : prise en main au congrès de La Haye en septembre de Marx et de ses proches sur l’AIT. Exclusion des membres de la fédération jurassienne Guillaume et Bakounine. Création de l’Internationale Antiautoritaire de Saint-Imier.

thèmes : autonomie, horizontalité, antiautoritarisme, solidarité internationaliste, prémices du concept de grève générale

la destruction de tout pouvoir politique est le premier devoir du prolétariat

toute organisation d’un pouvoir politique soi-disant provisoire et révolutionnaire pour amener cette destruction ne peut être qu’une tromperie de plus et serait aussi dangereuse pour le prolétariat que tous les gouvernements existant aujourd’hui repoussant tout compromis pour arriver à l’accomplissement de la révolution sociale, les prolétaires de tous les pays doivent établir, en dehors de toute politique bourgeoise, la solidarité de l’action révolutionnaire

La grève est pour nous un moyen précieux de lutte, mais nous ne nous faisons aucune illusion sur ses résultats économiques. Nous l’acceptons comme un produit de l’antagonisme entre le travail et le capital, ayant nécessairement pour conséquence de rendre les ouvriers de plus en plus conscients de l’abîme qui existe entre la bourgeoisie et le prolétariat, de fortifier l’organisation des travailleurs et de préparer, par le fait des simples luttes économiques, le prolétariat à la grande lutte révolutionnaire et définitive qui, détruisant tout privilège et toute distinction de classe, donnera à l’ouvrier le droit de jouir du produit intégral de son travail, et par là les moyens de développer dans la collectivité toute sa force intellectuelle, matérielle et morale.

Anarchisme insurrectionnaliste

1881 : Congrès international anarchiste à Londres

Considérant que l’heure est venue, de passer de la période d’affirmation à la période d’action, et de joindre à la propagande verbale et écrite, dont l’inefficacité est démontrée, la propagande par le fait et l’action insurrectionnelle.

thèmes 1880’s : propagande par le fait, presse dynamite, anarchisme insurrectionnel

Louise Michel :

Manque-t-il donc de pioches pour creuser des souterrains, de dynamite pour faire sauter Paris, de pétrole pour tout incendier ?

Kropotkine, Le Révolté (futur La Révolte), 1880 :

Notre action doit être la révolte permanente par la parole, par l’écrit, par le poignard, le fusil, la dynamite

1886 : massacre de Haymarket Square 340 000 travailleurs et travailleuses manifestent pour la journée de 8h le 1er mai. La police charge lors de la dispersion et assassine un manifestant. Le 4 mai, manifestation contre les violences policières (ou appel à l’insurrection armée pour d’autres ? on y reviendra). Une bombe explose (lancée par qui ?) puis affrontements armés entre policiers et manifestants.

1887 : Condamnation à mort par pendaison de Adolphe Fischer, Albert R. Parsons, George Engel, Louis Lingg, August Spies

1891 : affaire de Clichy

1892 : attentats de Ravachol qui s’est formé à la dynamite, nouvellement inventée par les frères Nobel (nitroglycérine stabilisée nécessitant un détonateur pour exploser), arrestation et condamnation à mort

nombreux attentats par Auguste Vaillant, Léon Léauthier, Amédée Pauwels, Émile Henry, au faubourg Saint-Jacques, faubourg Saint-Martin, rue de Vaugirard, Lyon, Angers, Loivre, Amiens, Marseille

La stratégie des attentats commence à être questionnée et remise en doute par Malatesta, Kropotkine, Reclus

sympathie des milieux artistiques :

1894 : assassinat de Sadi Carnot, lois scélérates, fichage des anarchistes

1898 : Conférence internationale pour la défense sociale contre les anarchistes, prémices d’Interpol

1880’s 1890’s 1900’s 1910’s nombreux assassinats, certains par des anarchistes

Anarcho-syndicalisme

thèmes : passage de la propagande par le fait à l’anarcho-syndicalisme, un syndicalisme d’action directe et révolutionnaire, hors du jeu des partis et des urnes.

1895 : Confédération Générale du Travail (CGT) avec pour secrétaire adjoint de la section des fédérations l’anarchiste Émile Pouget

Les bourses du travail, promues par l’anarchiste Fernand Pelloutier sont des lieux de conférences, de débats, de spectacles et d’éducation populaire.

la connaissance du monde est un préalable à la volonté de le transformer

syndicalisme puissant dans le monde : Confederación Nacional del Trabajo (CNT) en Espagne, Federación Obrera Regional Argentina (FORA) en Argentine, Industrial Workers of the World (IWW) aux États-Unis

1906 : Catastrophe de Courrières (anecdote : la langue française s’est enrichie d’un mot nouveau d’origine picarde : rescapé). Le 1er mai, grève générale pour demander la journée de 8 heures qui n’est pas obtenu mais le syndicalisme obtient des victoires, comme l’obtention d’un jour de repos par semaine

Anarchisme individualiste

thème : après la tendance insurrectionnaliste et anarcho-syndicaliste, des critiques sont émises à l’encontre d’un syndicalisme de moins en moins révolutionnaire. Naissance d’un nouveau courant individualiste :

Les Temps Nouveaux (qui suit Le Révolté et La Révolte) traite par exemple de multiples formes de domination : colonisation, racisme et antisémitisme, justice, militarisme et impérialisme :

Un tract d’appel à une conférence en 1925 :

Joseph Albert Libertad participe à l’essor des « causeries populaires », sorte d’universités populaires mais en moins formel.

Exemples d’expériences de nouvelles communautés :

Exemples de pédagogies nouvelles :

Non, nous ne craignons pas de le dire, nous voulons faire des hommes dont l’indépendance intellectuelle sera la force suprême, qui ne se soumettront jamais à rien, capables de discerner ce qui est bon, et qui aspireront à vivre mille vies en une seule. La société craint de tels hommes et il ne faut pas attendre d’elle qu’elle ne soutienne jamais une éducation capable de les produire.

1905 :

1907 : congrès anarchiste international d’Amsterdam, organisation en fédération nationale, grève générale en cas de guerre entre les nations. En réponse, certains états, comme la France, fichent les antimilitaristes qui seraient arrêtés : carnet B.

1909 : Semaine tragique en Espagne avec une grève générale et une manifestation antimilitariste qui se transforme en émeutes puis, après l’instauration de la loi martiale, en affrontements avec l’armée. Francisco Ferrer est condamné et exécuté. Manifestation de soutien dans le monde, en particulier à Paris, où lors d’émeutes, les rues sont dépavées et les conduites de gaz, percées et incendiées.

Autres exemples de mouvements de solidarité internationale :

  • suite à l’exécution de Shūsui Kōtoku en 1911
  • suite à l’exécution de Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti en 1927

Anarchisme illégaliste

Nouveau courant : illégalisme, banditisme révolutionnaire, expropriation, braquages :

1914 : les appels à la désertion des anarchistes à la veille de la Première Guerre Mondiale échouent.

Même Kropotkine appelle à la mobilisation aux côtés de la France face au « militarisme prussien et impérialisme allemand »

Révolution mexicaine

1910/1911 : protagonistes de la révolution mexicaine

Après des défaites du PLM face aux armées contre-révolutionnaires mexicaines et américaines, les espoirs se reposent plus sur l’ELS. Mais un fossé culturel entre les ouvriers des villes anarcho-syndicalistes du COM et les paysans des campagnes de l’ELS avec leurs rituels, signes religieux, ..., considérés avec condescendance comme des réactionnaires et des ploucs, va progressivement se transformer en opposition frontale jusqu’à ce que le COM crée les bataillons rouges et commettent des massacres de paysans qu’ils appellent « contre-révolutionnaires ». Zapata meurt dans une embuscade. Ricardo Flores Magone finit dans une prison américaine.

Révolution russe

février 1917 : renversement du régime tsariste de Russie pendant la révolution de février

octobre 1917 : les anarchistes et autres révolutionnaires socialistes s’associent aux bolcheviques pour prendre le pouvoir pendant la révolution d’octobre. Slogan anarchiste « Tout le pouvoir aux soviets ! » par Vladimir Illitch Oulianov « Lénine » qui n’est alors pas considéré comme un aspirant despote, il est antimilitariste et son Que faire ? est une référence au Que faire ? du révolutionnaire utopique Nikolaï Tchernychevski. C’est aussi le petit frère d’un propagandiste par le fait. Il critique l’État comme but dans L’État et la Révolution. Il est communiste au sens où il entend utiliser l’appareil étatique pour arriver à ses fins (le communisme) et les anarchistes ne se méfient pas trop de lui.

Exemples d’anarchistes ayant pris part à la révolution ou ayant exprimé de la sympathie pour la révolution :

D’autres exemples en Ukraine :

  • cartel Nabat à Kharkov
  • Maria Nikiforova, Michka Yapontchik (Moïse-Jacob Volfovitch Vinnitski)
  • Nesthor Makhno

L’efficacité de l’armée makhnovchtchina tient tête pendant plusieurs années face aux force contre-révolutionnaires : les austro-allemands, l’armée ukrainienne de Symon Petlioura, les armées blanches du général Anton Dénikine. Elle est alliée aux bolcheviques ukrainiens dont fait parti Pavlo Dybenko qu’on voit sur la photo suivante au coté de Makhno :

Au fur et à mesure, le régime de « communisme de guerre » et la bureaucratie bolchevique confisque le pouvoir aux soviets. Léon Trotski déclare vouloir :

débarrasser la Russie des anarchistes avec un balai de fer

1921 : mort de Kropotkine, funérailles nationales alors que beaucoup d’anarchistes sont emprisonnés et assassinés comme par exemple Lev Tcherny et Fanny Baron parmi d’autres dans les prisons de la police politique bolchévique Tchéka

puis anéantissement des deux derniers bastions anarchistes :

  • Krondstadt, où les marins, anciennement « gloire et honneur de la révolution », « foyer le plus ardent de la révolution d’octobre », insurgés, sont bombardés par l’armée de Trotski (anecdote : pour les 50 ans de la Commune de Paris) malgré une tentative de médiation d’Emma Goldman
  • les officiers de la Makhnovtchina sont pourchassés et fusillés, Makhno s’enfuit en Roumanie puis à Paris

Le mouvement anarchiste russe disparaît au goulag ou en exil et l’historiographie censure le rôle des anarchistes.

Exemples de la répression subie par les anarchistes dans d’autres pays :

Beaucoup d’anarchistes sont en diaspora : hors des États-unis, hors de Russie, hors d’Italie, beaucoup vont en France pendant les années folles. Ils bénéficient aussi de la sympathie des milieux artistiques :

La culture militaire de l’époque freine le développement de l’anarchie, c’est au contraire les structures hiérarchiques qui sortent gagnantes : le bolchévisme et le marxisme-léninisme s’empare des structures (bourses du travail), des syndicats (CGT) et des symboles des anarchistes (Internationale).

Quant au fascisme, aboutissement de la violence organisée et ordonnée, il rassure la bourgeoisie, qui parfois s’empare aussi des symboles de l’anarchie (exemple : le Cercle Proudhon avec l’Action Française de Charles Maurras)

Antifascisme

Exemples de réponses anarchistes à la menace fasciste :

idée : l’antifascisme se démarque de l’anarchisme à une époque où la lutte contre le fascisme deviendrait la priorité par rapport à la révolution sociale

Plateformisme et organisation

idée : l’expérience des échecs passés amène naturellement à la question de l’organisation

1926 : Piotr Archinov rédige avec Nestor Makhno, désormais ouvrier chez Renault à Billancourt, Ida Mett, Valesvsky et Linsky, Plate-forme organisationnelle de l’union générale des anarchistes ce qui lance le courant plateformiste qui divise les anarchistes

1927 : rencontre de l’Haÿ-les-roses. Participation du romancier Ba Jin. Durruti rencontre Makhno et lui décrit la situation spécifique espagnole : un anarchisme majoritaire parmi les courants socialistes et bénéficiant d’une très large assise populaire, solidement organisé dans la fédération espagnole de l’internationale ouvrière et via la CNT.

Révolution espagnole

1936 : les anarchistes appellent à voter, contrairement à leurs habitudes, pour le Front Populaire (avec les socialistes, républicains démocrates et les communistes minoritaires) qui gagne mais Franco prend le pouvoir lors d’un putsch militaire, le gouvernement du Front Populaire démissionne et c’est le début de la guerre civile.

A las barricadas par Valeriano Orobon devient l’hymne de la révolution. La colonne Durruti de combattants anarchistes, la colonne « rouge et noire » et d’autres bataillons marchent sur Saragosse, puis l’Aragon et font reculer le fascisme. Comme au temps de l’Ukraine libertaire, chaque ville libérée devient une commune dans laquelle est expérimenté le communisme libertaire (expropriation, collectivisation, abolition de l’argent).

Henri Ford et Mussolini envoie du matériel aux fascistes, massacre de Badajoz, massacre de Séville, bombardement de Guernica par la légion de volontaires nazis Condor, répression nationaliste, « nettoyage idéologique », de nombreux massacres sont commis.

Exemples de brigades internationalistes :

  • brigade Abraham Lincoln (IWW)
  • bataillon Malatesta
  • bataillon Louise Michel

Exemples d’engagés connus :

Pour la première fois de l’histoire, on peut filmer en direct une ville insurgée comme dans les films de Félix Marquet pour la CNT, ce qui permet de diffuser, dans le monde, la réalité du socialisme libertaire en Catalogne où 75% des entreprises sont autogérées (tramway, taxi, bus, hôtels, restaurants, boulangeries, pêche, métiers de bouche, ateliers textile, industrie du cuir et des chaussures...)

1936 : 4 « libertaires » accèdent à des postes de ministre dans le nouveau gouvernement d’union pour empêcher le gouvernement de prendre des mesures antianarchistes et pour obtenir des armes pour les milices. Leur trahison du mouvement anarchiste se concrétise lorsqu’ils votent des mesures confisquant le pouvoir et l’autonomie des milices anarchistes. Le 20 novembre, Durruti meurt (à priori accidentellement).

mai 1937 : bataille de la Telefonica de Barcelone, les libertaires se battent aux côtés du POUM (organisation marxiste antistalinienne) contre les staliniens et les républicains lors des journées de mai 1937

Les fascistes accèdent à Barcelone

1937/1938 : les mesures contre-révolutionnaires républicaines et staliniennes déconstruisent systématiquement toute l’autonomie acquise par les comités locaux auparavant, interdisent les critiques contre le régime soviétique, annulent les mesures de collectivisation et réintègrent les grands propriétaires capitalistes

1939 : la révolution est vaincue, les anarchistes sont fusillés ou fuient, notamment en France

À la veille de la seconde guerre mondiale, l’exacerbation des sentiments nationalistes est à son comble. Édouard Daladier réimpose la semaine de 48h, signe les accords de Munich (annexion de la Tchécoslovaquie par le régime nazi pour régler la crise des Sudètes) et désigne comme premier ambassadeur auprès de Franco, Philippe Pétain

La contre-révolution est partout : chez les fascistes, dans les Républiques socialistes et dans les démocraties libérales (Massacre du Memorial Day en 1937).

De nombreux anarchistes seront traqués et déportés, par exemple au camp du Vernet d’Ariège ou bien le camp d’Oranienbourg.

Les deux épisodes à venir

Trancrède Ramonet prévoit donc de traiter, entre autres :

  • Printemps de Prague
  • Murray Bookchin
  • Diggers de San Francisco
  • Summer of love
  • mouvement Provo
  • Mai 68
  • Angry Brigades
  • Mouvement du 2 juin
  • Action Directe
  • Weather Underground
  • mouvement punk
  • EZLN
  • Seattle et Black bloc
  • Indignés
  • Rojava
  • ZAD NDDL

Sans présager du contenu exact de ces épisodes, on pourra noter des thèmes parfois plus tournés du côté de la culture et la contre-culture que de l’anarchie. On pourra comparer aussi aux exemples (uniquement en France) d’autonomie des luttes choisis dans le documentaire de Philippe Roizès, Ici et Maintenant, LCP, 2013

qui traitait grosso modo :

  • décembre 1967 comités d’action lycéen
  • mouvement du 22 mars
  • mai 68, situationnisme
  • université de Vincennes
  • mouvement de libération des femmes
  • front homosexuel action révolutionnaire
  • entrisme des milieux trotskistes
  • squat de la rue des caves
  • mouvement des travailleurs arabes
  • LCR électoralisme, dissolution de la GP
  • Camarades, Marge, Organisation Communiste Libertaire
  • limite des débordements de manifestations
  • action directe
  • logement, squats du 19e, du 20e
  • comité des mal logés
  • revenu minimum d’insertion
  • Coordination des Intermittents et des Précaires - IDF
  • occupations, pillages
  • AG de Jussieu
  • Mouvement de l’Immigration et des Banlieues
  • Des lascars du Lycée d’Enseignement Professionnel s’expriment
  • émeutes de 2005 (quelques secondes)
  • CPE
  • contradiction travailleurs / autonomes fuyant le travail
  • tiqqun appel Tarnac comité invisible
  • tanneries de Dijon / potager des lentillères
  • ZAD NDDL

Une critique (mineure) sur les génériques de début et de fin

Lors du générique de début du premier épisode, on a les images d’une manifestation de type black bloc, sur fond de musique d’un mauvais polar et une voix nous sort ce texte inquiétant :

Quelque nuit, dans quelque rue ou quelque ville, un groupe s’est formé presque spontanément
Vêtu de noir, casqué, masqué, le cortège avance comme au hasard sans rencontrer de réelle résistance.
Des drapeaux, des slogans, des regards, une caméra tenue par l’un des leurs, saisit chaque détail.
Soudain des barres de fer jaillissent. Et ce jeune qui casse une vitrine, cette jeune femme qu’on entend crier et lui qui va bientôt graffer « Fuck the system » sur un mur (...)

Le tout fait vraiment grotesque.

Quant au générique de fin, on a le droit à une « super » chanson du groupe ACHAB :

Car notre sang bleu est noir
Notre drapeau rouge et noir
Notre étoile jaune et noire
Notre vie en rose et noire
Block
Block
Block
Et on fait block

On nage dans l’esthétique toute pétée et les niaiseries du pire concert punk-antifa possible et imaginable.

Une critique sur le fond et sur la forme

Sur la forme, le rapport au présent, la « muséification » de l’anarchie et de la révolution :

https://lesfleursarctiques.noblogs.org/?p=548

historiographie stalinienne à la française opérant ainsi la liquidation de ce qu’il peut en rester de subversif

piocher des figures quasi-mythologiques pour consolider une construction idéologique qui ne fait rien d’autre que valider le présent

cette époque qui voudrait faire de la révolution un souvenir du passé

Sur le fond, une critique insurrectionnaliste de l’innocentisme :

https://lesfleursarctiques.noblogs.org/?p=1049

en réécrivant une légende faite de héros et de martyrs, dans laquelle les épisodes de révoltes ou d’insurrections ne sont qu’une réponse « proportionnée » donc « excusable » aux attaques de l’État et du capital qu’il faut comprendre au nom de ce que l’anarchisme a pu apporter de « constructif » pour ce monde. Dans cette réinterprétation lénifiante, ceux qui ont pu réellement vouloir le détruire, ce monde, ne sont plus que des fous dangereux, auquel on réserve une larme romantique et un peu de fantasme.

par exemple avec l’épisode de Haymarket Square :

https://lesfleursarctiques.noblogs.org/?p=691

les dits « martyrs » de Haymarket, étaient en fait, comme beaucoup d’autres insurgés de ces temps agités, de simples anarchistes et révolutionnaires, ni innocents ni coupables, ni héros ni martyrs, qui ce jour-là, avaient pris la décision courageuse d’une tentative insurrectionnelle armée à Chicago

préférence d’une version victimaire et édulcorée d’un épisode qui devrait plutôt inspirer la fierté que la réécriture innocentiste et légitimiste

L’auteur de ces notes n’a pas assisté aux différents débats évoqués dans les articles de blog ci-dessus.

Autres critiques

Pour des retours critiques sur les documentaires ou sur ces quelques notes, que vous souhaitiez apporter des corrections ou que vous ayez envie de crier haut et fort que ce n’est que de la merde en barre, vous pouvez m’écrire par mail, ou mieux, publier (sur paris-luttes et ailleurs) vos propres (contre-)histoires de l’anarchisme.

nidieunimaitrenimari@protonmail.com