Ukraine libertaire (1918-1921)

Article initialement publié le 4 septembre 2014

La crise actuelle en Ukraine se déroule dans le Sud-Est du pays, le long de la frontière russe bien sûr, mais aussi dans une région qui a une relation très particulière au pouvoir de Kiev. C’est en effet autour de Donetsk, première ville industrielle et économique du pays, que se déroule l’Histoire de l’Ukraine libertaire et de la Makhnovtchina, chantée par les Béruriers Noirs.

Ce détour historique ne confère certainement pas à l’invasion russe un caractère libertaire, mais il permet de mieux comprendre les dynamiques de ce territoire au passé mouvementé. Le territoire de l’Ukraine actuelle a connu des dominations et des revendications nationales multiples : les empires ottomans, russes et autrichiens se le disputent au XVIIIe et XIXe siècles. L’histoire de l’indépendance ukrainienne est étroitement associée à celle de la révolution russe et de la makhnovtchina. La déclaration d’indépendance ukrainienne intervient en effet alors que la Première Guerre mondiale et la Révolution russe détruisent les Empires russe et autrichien [1] Cependant, l’offensive des Bolchéviks contraint le gouvernement à quitter Kiev en février 1918. En mars 1918, par l’armistice de Brest-Litovsk, Lénine livre l’Ukraine aux occupants allemands, qui permettent le retour du gouvernement à Kiev : corps francs allemands, troupes russes débandées, anarchistes de Nestor Makhno, différentes factions ukrainiennes (pro-alliées, pro-allemandes ou pro-bolchéviques) s’affrontent alors. Un article de Pascal Nurnberg paru dans le Monde Libertaire en 2010 revient sur cette histoire :

Il est nécessaire, tout d’abord, de replacer l’expérience anarchiste d’Ukraine dans le contexte à la fois historique et géographique qui lui sert de cadre. C’est dans le grand bouleversement de la révolution russe qu’elle va se situer, comme un îlot au milieu de l’expérience marxiste qui s’étend dans le reste de l’ancien empire tsariste.
L’Ukraine est alors un pays totalement différent des autres provinces russes. Pays agricole riche, qui a toujours suscité le désir de ses voisins, elle est marquée par un fort esprit d’indépendance de ses habitants, esprit d’indépendance allant parfois malheureusement jusqu’à un nationalisme exacerbé, mais ayant surtout donné au pays une tradition de « Volnitza » (vie libre) qui empêcha les différents partis politiques de s’y implanter fermement.
Cette absence politique explique pourquoi la révolution d’Octobre se déroula, en fait, un peu plus tard dans cette province. De l’abdication du tsar en mars 1917, et alors que Kérensky prenait la tête du gouvernement provisoire en Grande-Russie, on avait vu s’établir en Ukraine un pouvoir parallèle dirigé par la petite bourgeoisie nationaliste, désireuse de recréer un État indépendant.
Ce mouvement, animé principalement par Vinitcheuko et Petlioura, s’établit surtout dans le nord du pays, alors que dans le sud les masses paysannes, sous l’influence des groupes anarchistes, s’en détachaient pour former un courant révolutionnaire qui, en décembre 1917 et janvier 1918, expulsa les gros propriétaires et commença à organiser lui-même le partage et la mise en valeur des terres et des usines.
Mais tout fut remis en question lorsque, le 3 mars 1918, Lénine signa le traité de Brest-Litovsk qui permettait aux armées austro-allemandes d’entrer en Ukraine.
Celles-ci rétablirent aussitôt les nobles et les propriétaires fonciers dans leurs privilèges afin de s’assurer la neutralité de la région. La nomination de l’hetman [2] Skoropadsky à la tête de la Rada centrale [3] marqua véritablement le retour au tsarisme. En effet, les propriétaires chassés peu de temps auparavant se hâtèrent, par esprit de vengeance, de resserrer leur étreinte sur le peuple, qui subissait par ailleurs le brigandage des troupes d’occupation.
Devant cette répression impitoyable, le pays tout entier va se dresser et ce mouvement insurrectionnel des paysans et des ouvriers va se déclarer pour la révolution intégrale, c’est-à-dire ayant comme but la complète émancipation du travail. On assiste alors à une organisation simultanée de corps de francs-tireurs, cela sans aucun mot d’ordre venu d’un quelconque parti politique mais par les paysans eux-mêmes.
Mais les représailles de la Rada ukrainienne, appuyée par les troupes austro-allemandes, vont être sanglantes (juin-juillet-août 1918). La nécessité d’une certaine unification face à la répression se faisant sentir, ce sera le groupe anarchiste de Goulaï-Polé qui en prendra l’initiative (...) , duquel va se détacher un animateur de premier ordre, Nestor Makhno.

(...) Arrêté en 1908 par l’Okhrana (police du tsar), il est condamné à mort. Mais, en raison de sa jeunesse, sa peine sera commuée en réclusion à vie. (...) L’insurrection de Moscou, le 1er mars 1917, va lui permettre de recouvrer sa liberté et de rentrer à Goulaï-Polé où il reçoit un accueil triomphal. Il y retrouve le groupe anarchiste, avec lequel il va d’abord avoir quelques différends. En effet, sa détention lui avait permis de méditer longuement et, à son retour, il affirme vouloir que les paysans s’organisent d’une façon assez solide pour chasser définitivement les koulaks.
Bien que très hésitants, ses camarades vont tout de même le suivre et impulser une union professionnelle des ouvriers agricoles, une commune libre et un soviet local des paysans qui va partager les terres de façon égalitaire. Exemple qui sera rapidement suivi dans les villages voisins.
C’est à cette époque que se situe l’entrée des armées austro-allemandes en Ukraine.
Makhno est alors chargé par un comité révolutionnaire de former des bataillons de lutte contre l’occupant et la Rada centrale de l’hetman Skoropadsky. II va participer à de nombreux meetings, appelant les travailleurs à l’insurrection générale. (...)
Lorsque [les armées d’occupation qui protégeaient l’hetman] vont être rappelées dans leur pays à la suite de la défaite du bloc germanique sur le front occidental, c’est la débandade chez les propriétaires, qui trouvent refuge à l’étranger.
C’est à ce moment-là que se situe véritablement l’expérience anarchiste en Ukraine qui, avec sa théorie d’organisation libertaire, se trouve en confrontation directe avec la théorie d’organisation marxiste et les réalisations bolcheviques en Grande-Russie.

L’expérience anarchiste
Jusqu’à la fuite de Skoropadsky, le mouvement avait été surtout destructif. Avec l’unification, il va trouver une structure permettant un plan précis pour une organisation libre des travailleurs. Ce plan va être tracé au premier congrès de la Confédération des groupes anarchistes qui prend le nom de Nabat (le Tocsin).
Les principaux points en sont : le rejet des groupes privilégiés (non-travailleurs) ; la méfiance envers tous les partis ; la négation de toute dictature (principalement celle d’une organisation sur le peuple) ; la négation du principe de l’État ; le rejet d’une période « transitoire » ; l’autodirection des travailleurs par des conseils (soviets) laborieux libres.
On voit déjà dans ce plan les différences fondamentales avec les aspirations des bolcheviks dans le reste du pays. C’est pourquoi, dans un premier temps, le mouvement anarchiste va présenter et expliquer ses idées aux travailleurs, sans essayer pour autant de leur imposer. L’armée insurrectionnelle formée auparavant va être désormais uniquement un groupe d’autodéfense, car l’idéal anarchiste de bonheur et d’égalité générale ne peut être atteint à travers l’effort d’une armée, quelle qu’elle soit, même si elle était formée exclusivement par des anarchistes.
Ainsi, peut-on lire dans La Voie vers la liberté (organe makhnoviste) : «  L’armée révolutionnaire, dans le meilleur des cas, pourrait servir à la destruction du vieux régime abhorré ; pour le travail constructif, l’édification et la création, n’importe quelle armée qui, logiquement, ne peut s’appuyer que sur la force et le commandement, serait complètement impuissante et même néfaste.
Pour que la société anarchiste devienne possible, il est nécessaire que les ouvriers eux-mêmes dans les usines et les entreprises, les paysans eux-mêmes dans leurs villages, se mettent à la construction de la société antiautoritaire, n’attendant de nulle part des décrets-lois.  »
Et pendant six mois (de novembre 1918 à juin 1919), on va assister à une véritable expérience anarchiste pendant laquelle paysans et ouvriers vivront sans aucun pouvoir, créant ainsi de nouvelles formes de relations sociales. À côté de la gestion directe des usines par les ouvriers sur la base de l’égalité économique, vont se créer des communes libres.
« La majeure partie de ces communes agraires était composée de paysans, quelques-uns comprenaient à la fois des paysans et des ouvriers. Elles étaient fondées avant tout sur l’égalité et la solidarité de leurs membres. Tous, hommes et femmes, œuvraient ensemble avec une conscience parfaite, qu’ils travaillassent aux champs ou qu’ils fussent employés aux travaux domestiques […]. Le programme de travail était établi dans des réunions où tous participaient. Ils savaient ensuite exactement ce qu’ils avaient à faire » [4].

« Un nouvel état d’esprit naît aussitôt de ces expériences, car les paysans en arrivent rapidement à considérer ce régime communal libre comme la forme la plus élevée de la justice sociale. Ainsi, les membres du groupe se faisaient à l’idée d’unité collective dans l’action et tout particulièrement dans l’action raisonnée et féconde. Ils s’habituaient à avoir naturellement confiance les uns dans les autres, à se comprendre, à s’apprécier sincèrement dans leur domaine respectif » [5]
Poursuivant leurs recherches créatrices, ils vont s’apercevoir qu’une société nouvelle ne peut maintenir une éducation sclérosée ; c’est ainsi qu’ils se tournent résolument vers la pédagogie libertaire de Francisco Ferrer qu’ils déclarent vouloir appliquer dans les écoles. Cela posera, bien sûr, quelques problèmes de départ, car ils n’ont eu connaissance de cette pédagogie que très succinctement. Aussi demanderont-ils à quelques personnes, aptes à l’expliquer et à la mettre en pratique, de venir des villes, et c’est ainsi que Voline arrive à Goulaï-Polé.
Sur le plan des échanges avec les villes, les paysans vont rejeter tout intermédiaire. Sans passer par les structures de l’État, ils vont fournir aux ouvriers des villes céréales et nourriture, en contrepartie desquelles les ouvriers leur échangeront leurs produits, sur la base de l’estimation réciproque et de l’entraide définie par Kropotkine. [6] (...)
Tout cela n’est évidemment pas vu d’un bon œil par les autorités bolcheviques et Makhno sait qu’un jour, il y aura affrontement.
Il déclare : « Le jour n’est pas éloigné où le peuple russe sera complètement écrasé sous la botte des partis. Les partis ne servent pas le peuple, c’est le peuple qui doit les servir. Ainsi voyons-nous déjà que toutes les décisions concernant le peuple sont prises directement par les partis politiques. Ainsi va se trouver une fois de plus justifiée la parole de Bakounine : partout où il y a domination, il y a exploitation. Or, nous ne voulons accepter ni la domination ni l’exploitation. »
C’est un véritable défi. Pourtant, celui-ci ne sera pas relevé. Un événement important va retarder l’affrontement : c’est l’approche des troupes monarchistes de Dénikine. Mais, parallèlement, c’est aussi cet événement qui va servir de prétexte aux bolcheviks pour « normaliser » la situation en Ukraine.

L’affrontement
Face aux troupes blanches qui s’apprêtent à envahir le pays, les paysans du sud de l’Ukraine sont résolus à se défendre eux-mêmes. Mais Makhno sait qu’en face, il y a une très bonne armée, composée principalement de cosaques et d’officiers de l’ancienne armée tsariste. Il faut donc renforcer la makhnovchtchina et deux congrès régionaux sont convoqués (à trois semaines d’intervalle) pour examiner la situation.
Le second de ces congrès va décider une mobilisation volontaire et égalitaire ; il n’y a jamais eu de conscription dans la makhnovchtchina, comme ont voulu le faire croire certains. Les volontaires vont être nombreux, mais le gros problème est le manque d’armes. Cependant, durant trois mois, l’Armée révolutionnaire insurrectionnelle (c’est le nom adopté par les partisans ukrainiens) tient tête aux monarchistes.
Makhno se révèle être, de nouveau, un stratège extraordinaire. Toute la presse bolchevique chante même ses louanges, le qualifiant de « courageux partisan » et de « grand dirigeant révolutionnaire » !
C’est seulement au bout de trois mois que l’Armée rouge arrive. Aussitôt, un accord est conclu avec Makhno : l’Armée révolutionnaire insurrectionnelle se joint à l’Armée rouge, mais elle ne dépend d’elle qu’au point de vue strictement militaire ; elle a droit au même approvisionnement en vivres et en munitions ; elle garde son nom, ses drapeaux noirs et ses structures (volontariat, principe électoral, autodiscipline). De plus, elle n’accepte aucun pouvoir politique (commissaires) dans la région où elle évolue. Les bolcheviks vont accepter, pensant absorber par la suite la makhnovchtchina.
Ils vont bien vite se rendre compte qu’ils n’y arriveront pas et ils décident de ne plus approvisionner les partisans ukrainiens. Makhno réquisitionne alors les trains destinés à l’Armée rouge et refuse de livrer la houille et les céréales dont la région qu’il occupe est riche.
C’est l’épreuve de force qui commence avec les premières arrestations d’anarchistes, l’interdiction de leur journal "Nabat" – dont Voline était alors rédacteur –, une campagne de calomnie dans la presse, de Moscou et des autorités de plus en plus menaçantes.
Devant cette situation, un troisième congrès régional est convoqué pour déterminer les positions civiles et militaires à adopter. Ce congrès est aussitôt déclaré hors-la-loi et contre-révolutionnaire par le commandant de division Dybenko, décision à laquelle le conseil révolutionnaire de Goulaï-Polé va répondre d’une façon véhémente : « Peut-il exister des lois faites par quelques personnes s’intitulant révolutionnaires, leur permettant. de mettre tout un peuple plus révolutionnaire qu’elles hors-la-loi ? […] Un révolutionnaire, quels intérêts doit-il défendre ? Ceux du parti ou bien ceux du peuple qui, par son sang, met en mouvement la révolution ? » [7]

Cette réponse va aussitôt entraîner une nouvelle campagne de diffamation dans la presse communiste. Les hautes autorités vont alors venir sur place pour se rendre compte de la situation. L’envoyé de Lénine, Kamenev, a un entretien assez cordial avec Makhno ; il s’en va même en déclarant que les bolcheviks sauraient toujours trouver un langage commun avec les makhnovistes, et qu’ils peuvent et doivent œuvrer ensemble.
Mais à peine est-il parti que les paysans ukrainiens interceptent des messages donnant l’ordre à l’Armée rouge d’envahir Goulaï-Polé et qu’un attentat contre Makhno ait lieu. Un quatrième congrès des délégués ouvriers, paysans et partisans est convoqué. L’ordre de Trotsky ne se fait pas attendre : toute personne participant à ce congrès doit être arrêtée.
Et il déclare : « II vaut mieux céder l’Ukraine entière à Dénikine que permettre une expansion du mouvement makhnoviste : le mouvement de Dénikine comme étant ouvertement contre-révolutionnaire pourrait être aisément compromis par la voie de classe, tandis que la Makhnovstchina se développe au fond des masses et soulève justement les masses contre nous » [8]
Et il met aussitôt ses paroles en pratique en retirant ses troupes afin de permettre à l’armée blanche d’envahir la région. Il déclare, d’autre part, que c’est Makhno le responsable de la défaite et ordre est donné de l’arrêter et de fusiller les insurgés pendant leur retraite. Pris entre deux feux, Makhno a alors une astuce pour se tirer du traquenard : il démissionne de son poste de commandement de l’Armée révolutionnaire insurrectionnelle et s’évanouit dans la nature avec ses compagnons.
C’est une catastrophe pour Trotsky qui est battu à plate couture par Dénikine et qui doit retirer ses troupes d’Ukraine. C’est à ce moment que Makhno décide de revenir à la surface. Il reforme son armée et en trois mois va battre les troupes monarchistes, sauvant ainsi la révolution.
Devenue très puissante et très populaire, la makhnovstchina ne va pas user de sa force pour étendre sa domination. Elle va, au contraire, se tourner à nouveau vers l’auto-organisation du pays. Elle va également appliquer intégralement ces principes si chers aux anarchistes en détruisant prisons et postes de police, et en accordant entière liberté de parole, de conscience, d’association, de presse.
Mais Makhno commet une erreur. Sûr de lui et de l’appui des masses populaires, il ne pense pas à se préserver d’une nouvelle traîtrise des bolcheviks. Et lorsque la moitié de ses troupes sera décimée par une épidémie de typhus, Trotsky reprendra le harcèlement. Il y aura une nouvelle trêve en octobre 1920, à l’approche de l’armée blanche de Wrangel.
La makhnovchtchina acceptera encore d’aider l’Armée rouge. Quand les monarchistes seront définitivement éliminés, on assistera à la dernière trahison des communistes. Makhno va intercepter trois messages de Lénine à Rakovsky, président du Conseil des commissaires du peuple d’Ukraine ; les ordres : arrêter tous les militants anarchistes et les juger comme des criminels de droit commun. [9]
Août 1923, Makhno, épuisé, sera battu et devra s’enfuir en Roumanie, puis en Pologne, pour enfin venir à Paris où il terminera sa vie dans la misère et l’abandon.

Le 30 décembre 1922, l’URSS naissait du traité qui réunissait la RSFSR, la Biélorussie, l’Ukraine et la Transcaucasie. Quand Joseph Staline lança le premier plan quinquennal en 1928, l’Ukraine devint l’une des sources indispensables de son financement. Les années d’industrialisation furent marquées par la construction de la plus grande centrale hydraulique de l’Europe sur le Dniepr (le DnieproGuES), ce qui contribua à l’électrification de la République, ainsi qu’une importante mise en valeur du grand bassin minier et métallurgique, le Donbass, au coeur des enjeux actuels. En outre, dès l’indépendance de l’Ukraine en 1991, des conflits d’intérêt l’opposent à la Russie sur le statut de la Crimée et sur le contrôle de la flotte de la mer Noire. Autant dire que les populations du Sud-Est de l’Ukraine sont habituées à voir leur territoire en proie aux vautours autoritaires, et que les traditions d’insoumission sont encore vives et bien ancrées.

Note

Sources : Monde Libertaire, Wikipédia.
Bande-son : Les béruriers noirs, Makhnovtchina.
Bibliographie complémentaire : Piotr Archinoff, Le Mouvement makhnoviste ; Nestor Makhno, Mémoires et écrits ; Nestor Makhno, La Révolution russe en Ukraine ;
Voline, 1917-1921 : La Révolution inconnue.
Film : Nestor Makhno, paysan d’Ukraine

Notes

[117 mars 1917 : création de la Verkhovna Rada dont Mykhaïlo Hrouchevsky est le président jusqu’au 29 avril 1918.

[2Commandant en chef des armées

[3Corps politique représentatif, sorte de Parlement

[4Makhno, La Révolution russe en Ukraine

[5Ibid.

[6Selon une autre source : dans la région de Goulaï-Polié, des communes libres furent organisées ; elles étaient basées sur l’entraide matérielle et morale, et sur des principes « non-autoritaires » et égalitaires. Malgré une situation militaire difficile, trois congrès régionaux furent organisés du 23 janvier au 10 avril 1919. Ils avaient pour fonction de déterminer les objectifs économiques et sociaux que se fixaient les masses paysannes et de coordonner les efforts pour une réalisation rapide de ces mêmes objectifs. La makhnovchtchina fit tout ce qui était en son pouvoir pour encourager et favoriser cette « auto-organisation ». L’auto-organisation passait par la création de « communes du travail » ou « communes libres », formées à l’initiative des paysans, pauvres eux-mêmes et leur permettait d’organiser leur vie économique sur la base communale. En ce qui concernait les organes de l’auto direction sociale, les paysans et les ouvriers étaient partisans de l’idée des Soviets de travail libre (contrairement aux Soviets politiques des Bolchéviks et des autres socialistes, les soviets libres devaient être les organes de leur auto gouvernement social et économique). Elle permettait même une liberté d’expression, de parole de presse et d’association très importante pour les socialistes-révolutionnaires et les Bolcheviks, bien que ces derniers aient déjà commencé la lutte contre les anarchistes russes. L’armée bénéficie en outre d’une très bonne réputation auprès de la population. Les congrès de makhnovstchina regroupaient à la fois des délégués, des paysans et des combattants. En effet, l’organisation civile était le prolongement d’une armée insurrectionnelle paysanne, pratiquant la tactique de la guérilla. Elle était remarquablement mobile. L’armée était organisée sur les bases, spécifiquement libertaires, du volontariat, du principe électif en vigueur pour tous les grades et de la discipline librement consentie. Ces règles étaient observées par tous.

[7Archinoff, Le Mouvement makhnoviste

[8Ibid.

[9Une autre version de l’histoire, plus classique, soutient que le noeud de l’histoire est le fait que Makhno n’accepta pas de lancer son armée sous le commandement suprême de Trotsky, chef de l’Armée rouge. Cependant, il est admis que les deux armées se trouvèrent d’accord à deux reprises : lorsque la gravité du péril interventionniste exigea leur action commune ce qui se produisit d’abord en mars 1919 contre Dénikine, puis au cours de l’été et de l’automne 1920 quand menacèrent les forces blanches de Wrangel que finalement Nestor Makhno aida à mettre en déroute. Mais aussitôt le danger contre-révolutionnaire conjuré, l’armée Rouge reprenait effectivement les opérations militaires contre les guérilleros de Makhno qui lui rendaient coup pour coup. À la fin de novembre 1920, le pouvoir bolchevik n’hésita pas à organiser un guet-apens contre ceux que Léon Trotski considérait comme un mouvement formé par les riches fermiers « koulaks » cherchant à établir leur pouvoir dans la contrée.Les officiers de l’armée makhnoviste de Crimée furent alors invités à participer à un Conseil militaire, ils y furent aussitôt arrêtés par la police politique, la Tchéka, et fusillés sans autre forme de procès ou désarmés. À la fin, mis hors de combat par les forces très supérieures en nombre et mieux équipées, Makhno dut abandonner la partie. Les causes de l’échec du mouvement sont multiples et complexes. Tout d’abord, la liberté des paysans était garantie par une armée, qui manquait cruellement d’armes et de munitions. De plus, il y a un réel désengagement des partisans qui ne sont plus que quelques milliers en 1921. Le peuple est las des guerres, et de la violence aveugle, la famine, l’épidémie. En outre, des accusations d’antisémitisme et de pogroms ont terni leur image, bien que Makhno ait toujours affirmé le contraire. Finalement, les combats incessants contre les Armées blanches et rouges auront progressivement sapé les dynamiques populaires et la possibilité d’une nouvelle organisation sociale durable.

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