7 mai : un bilan provisoire et incomplet de la répression du mouvement contre la loi travail en région parisienne

Sur la période qui s’étend du 17 mars au 5 mai, nous avons tenté le bilan suivant, nécessairement incomplet, car il ne comptabilise que ce dont nous avons pu avoir connaissance directement ou indirectement. Il s’agit d’un bilan de la répression judiciaire, qui ne revient pas sur les multiples violences policières ou sur les sanctions disciplinaires prises par exemple à l’encontre de nombreux lycéens.

Gardes à vue

Le groupe de défense collective a dénombré au moins 93 gardes à vue qui ont concerné des manifestants arrêtés à Paris intra-muros (il n’est pas question ici des contrôles et vérifications d’identité qui se comptent par centaines, mais seulement des gardes à vue, dont beaucoup ont été prolongées et ont duré entre 24 et 48 heures). Ce nombre est un minimum et est sans doute largement sous-estimé. Ce chiffre tient compte des communiqués de la préfecture de police.

Il faut y ajouter un nombre indéterminé de gardes à vue de lycéens en banlieue parisienne, dont les 47 convoqués à Nanterre avec 13 gardes à vue, et deux gardes à vue dans le 93 suite à une action de blocage de l’économie le 28 avril.

Comparutions immédiates

La comparution immédiate est une procédure rapide, très répressive, qui conduit à juger la personne mise en cause de manière expéditive et sur la base d’une enquête policière souvent rapide et succincte. C’est pourquoi c’est elle qui a retenu le plus l’attention du groupe de défense collective.

Entre le 17 mars et le 5 mai, le groupe de défense collective a recensé 45 présentations de manifestants en comparution immédiate au tribunal (TGI) de Paris, 2 au TGI de Bobigny et une au TGI de Nanterre. Là encore, ce chiffre n’est pas exhaustif car certaines de ces comparutions immédiates ont pu nous échapper, surtout pour les TGI de Bobigny et Nanterre.

L’immense majorité de ces manifestants a été poursuivie pour « violences sur agents de la force publique », en général des jets de projectiles, et quelques uns pour « port d’arme » (des bâtons, par exemple) ou pour dégradations. Ces accusations, fondées uniquement sur les allégations de la police, ont été niées par nombre de prévenus.

Un peu plus de la moitié de ces prévenus a demandé un renvoi de leur audience et tous, sauf un, sont sortis, avec ou sans contrôle judiciaire, en attente de leur procès. Ces procès à venir s’échelonnent tout au long des mois de mai et juin. Le manifestant qui a été placé en détention provisoire sera jugé le 24 mai. Nous ne savons pas s’il a fait une demande de remise en liberté entretemps.

Sur les 20 prévenus qui ont accepté d’être jugés en comparution immédiate, nous avons compté six relaxes et une nullité de procédure. Les peines sont majoritairement de la prison avec sursis, plus rarement des TIG ou une amende. Il y a, selon notre recensement, cinq peines de prison ferme qui ont été prononcées, dont deux avec mandat de dépôt.

Autrement dit, à notre connaissance, il y a trois manifestants qui sont à l’heure actuelle détenus (deux condamnations mises à exécution et une détention provisoire). Les faits pour lesquels ces trois personnes ont été ou vont être jugées concernent la journée ou la soirée du samedi 9 avril (sur la soirée du 9)

Enfin, un procès sur renvoi a déjà eu lieu le lundi 2 mai (pour des faits remontants à la manifestation du 31 mars). Le manifestant a été relaxé.

Il faut noter que jusqu’à présent le parquet a fait appel de toutes les décisions de relaxes concernant les manifestants.

Perquisitions

A notre connaissance, trois perquisitions ont été menées chez des manifestants, dont un mineur. L’un des trois manifestants a été poursuivi suite à des relevés d’ADN (Il a été relaxé au moment de son procès).

Mineurs

De nombreux lycéens ont été interpelés, dont certains devant leur lycée. Il y a un nombre indéterminé de mineurs qui a été déferré et amené devant le tribunal pour enfants, qui a parfois pris des « mesures éducatives » les concernant.

Ouverture d’information judiciaire

Il y a eu trois ouvertures d’information judiciaire (enquête menée sous l’autorité d’un juge d’instruction) concernant des manifestants accusés de violences.

Convocation sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)

Il y a eu un nombre indéterminé mais sans doute important de peines prononcées par le biais de la reconnaissance préalable de culpabilité (le « plaider-coupable »). Dans ces cas-là, la personne ne passe pas en procès mais reçoit la peine proposée directement par le procureur puis homologuée par un juge.

Contraventions

Nous avons connaissance de trois contraventions dressées pour dissimulation volontaire du visage dans une manifestation.

Convocations pour procès ultérieurs

Un nombre indéterminé de manifestants est ressorti de garde à vue avec une convocation pour un procès ultérieur.
Au moins deux se sont vus aussi signifier en plus un contrôle judicaire en attente de leur procès après être passés devant le un juge des libertés et de la détention (JLD).
Au moins six manifestants, qui étaient hors délai pour une présentation en comparution immédiate, ont été présentés le dimanche à un JLD pour être placés une nuit en détention en attendant leur procès le lundi. Cinq sont ressortis avec une date de procès avec ou sans contrôle judiciaire. Un a été placé en détention une nuit et jugé en comparution immédiate le lendemain, ou il a été condamné à trois mois de prison avec sursis et libéré.

Bilan provisoire de l’action du groupe de défense collective et de ses avocats

Le groupe de défense collective (Defcol) s’est organisé à Paris au début du mouvement contre la loi travail et son monde. Depuis la mi-mars, les avocates et avocats qui travaillent avec le groupe de défense collective ont apporté leur assistance durant près de trente gardes à vue (initiale ou prolongée) que ce soit en entretien, auditions ou confrontations. Ils ont défendu 21 manifestants amenés en comparution immédiate, ainsi que trois qui ont fait l’objet d’une ouverture d’information judiciaire. Ils ont aussi assisté plusieurs mineurs devant le juge des enfants et cinq majeurs devant le juge de la détention et des libertés. De plus, il vont assurer la défense d’un grand nombre de manifestants lors des audiences de renvoi qui vont s’échelonner tout au long des mois de mai et juin (Defcol laisse les prévenus décider de rendre ces dates publiques ou non). Une de ces audiences de renvoi a déjà eu lieu le lundi 2 mai : le manifestant, défendu, donc, par une avocate de Defcol, a été relaxé. Ce qui porte le nombre total de manifestants relaxés à la suite de leur procès à sept (six en comparution immédiate, un en audience de renvoi).
Les membres de Defcol ont assisté aux comparutions immédiates à chaque fois que des manifestants étaient susceptibles d’y être jugés en essayant d’apporter tout le soutien nécessaire aux proches des prévenus. Une information aussi large que possible a été apportée durant les manifs et les actions du mouvement, ainsi que sur la place de la République à Paris. Depuis le 31 mars une ligne téléphonique (07 53 82 19 10) est ouverte à toute heure et une permanence continue est mise en place les jours de manifs et de mobilisation. Il faut rappeler que Defcol ne peut être véritablement efficace que si les proches des personnes interpellées nous contactent rapidement.

Les avocats de Defcol sont rémunérés par l’aide juridictionnelle ou le montant équivalent lorsqu’elle n’est pas possible. Pour leurs interventions en garde à vue, lors de déferrement et lors de la comparution immédiate, ils sont rémunérés selon des barèmes équivalents à ce que touche un avocat commis d’office. Pour payer les avocats, Defcol se finance exclusivement par des dons (https://www.helloasso.com/associations/cadecol/collectes/defcol)

Pourquoi avoir recours à Defcol ?

Les avocats commis d’office ont souvent beaucoup de dossiers à gérer en même temps et conseillent très rarement, voire jamais, au prévenu de demander un renvoi de l’audience de comparution immédiate. On peut dire aussi que l’on ne peut pas choisir l’avocat commis d’office et que dans le lot, il y en a bien entendu de très bons, mais aussi d’autres qui le sont moins. De plus, l’avocat commis d’office ne peut pas être le même en garde à vue, en audience de comparution immédiate et lors d’un renvoi ou d’un appel. Désigner un avocat ou une avocate dont le nom circule dans les manifestations ou sur la place de la République, c’est éviter tous ces inconvénients.

Dans tous les cas, il est très important que les proches des personnes interpellées appellent le numéro de téléphone de Defcol afin que tous les conseils nécessaires (et en particulier comment préparer des garanties de représentation) leur soient donnés. Ceci est essentiel, que les personnes en garde à vue aient désigné un avocat de Defcol ou non.

Le groupe de défense collective tient à préciser qu’il ne vise à aucune exclusivité dans la défense des personnes interpellées, et appelle tous les participants aux différentes actions à s’auto-organiser, dans des collectifs spécifiques, contre la répression. Si ces collectifs respectent les mêmes principes que les nôtres, et en particulier celui, évidemment non négociable, de ne pas se dissocier d’une partie des manifestants en les traitant de « casseurs », une coordination entre les différents groupes de défense pourra se faire facilement et naturellement.

Les principes de la défense collective

Parce que la répression concerne tout le monde dans une lutte, l’action contre la répression judiciaire doit être large et auto-organisée. Autant que possible, il faut que l’anti répression soit réinvestie par le plus grand nombre et ne reste pas le domaine de spécialistes militants ou avocats. La défense collective suppose aussi de ne pas faire de tri entre de « bons » ou « mauvais » manifestants ou entre des manières de faire qui seraient légitimes et d’autres illégitimes. Tous les participants aux manifestations et actions du mouvement en cours, ainsi que les personnes présentes sur la place de la République ou à ses abords à l’occasion des assemblées et forums Nuit Debout doivent être défendus quel que soit leur forme d’implication dans la lutte (mais ni les fachos, ni les conspirationnistes, ni Alain Finkielkraut ne font partie de la lutte).

La violence est d’abord le fait de l’État et du rapport social. La police cherche par tous les moyens à empêcher le mouvement de s’organiser et de se développer : on l’a vu clairement tant à Tolbiac le 17 mars, où les flics ont empêché violement une assemblée générale inter-luttes de se tenir, que sur la place de la République, régulièrement vidée par les CRS qui multiplient les entraves à l’organisation (en cherchant à saisir la bouffe des cantines, la sono, etc.). Quant aux manifs, elles sont encadrées par les mobiles et CRS de manière provocante. La violence de la police est une réalité tous les jours plus évidente et le nombre de manifestants blessés, certains très sérieusement, ne cesse d’augmenter.

Les communiqués de Defcol

Plus d’infos

Pour avoir plus d’informations juridiques, lire le guide juridique actualisé par Cadecol :
https://infokiosques.net/spip.php?article538

Pour donner à Defcol :

https://www.helloasso.com/associations/cadecol/collectes/defcol

Mots-clefs : justice | défense collective
Localisation : région parisienne

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