Calendrier des mobilisations
ACTE 1 | Contre le carnage du Canal Seine Nord Europe, une fête de l’eau | Compiègne | samedi 17 au mardi 20 mai |
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ACTE 2 | Contre Greendock, renaturons les berges ! Balade et gestes naturalistes | L’Ile-Saint-Denis | dimanche 1er juin, 14 h |
ACTE 3 | Contre l’artificialisation, 24 heures pour le triangle de Gonesse | Gonesse | week-end du 14 - 15 juin |
ACTE 4 | Contre le projet de mise à grand gabarit de la Seine, une rand’eau festive ! | La Bassée | weekend du 5-6 juillet |
Les infos sur telegram : t.me/soulevementseine
Le texte de l’appel
Nous avons fait des centaines de kilomètres pour nous mobiliser contre des projets de méga-bassines ou d’autoroutes d’un autre monde. Mais là où nous vivons, de la Normandie au nord de l’Ile-de-France, de son sud à l’Aube, les projets mortifères abondent : projets routiers et auto-routiers à la pelle, chantier pharaonique de canal fluvial, menaces de destruction d’une zone humide et canalisation de la Seine.
On pourrait croire que ces projets destructeurs de terres et du fleuve sont isolés les uns des autres, en un patchwork hasardeux. Mais ils forment au contraire un système d’une cohérence redoutable, dans lequel l’agro-industrie et le monde du béton sont au service d’un empire logistique toujours plus vorace en terres, en eau et en flux.
Nous, les luttes du bassin de la Seine, coalition de collectifs et organisations opposées à ces projets, décidons de nous donner la main pour établir notre propre calendrier d’actions à l’échelle de notre territoire. Alors qu’un nombre croissant des projets contre lesquels nous sommes en lutte ont du plomb dans l’aile, augmentons le rapport de force et passons à la vitesse supérieure. Organisons-nous à l’échelle de notre territoire, défendons la Seine, reprenons les terres !
La Seine et son territoire, cible d’industries mortifères
Le fleuve et ses affluents structurent l’espace dans lequel nous vivons. Leurs trames bleues sont essentielles pour la biodiversité, leurs berges et leurs recoins sont des espaces de balades, de respiration, de vie. Et pourtant la Seine n’a cessé d’être abîmée, détruite. Dès les débuts de la révolution industrielle, on l’a canalisée par le creusement de son lit, on a bétonné ses berges et pollué son eau. Au moment où nous parlons, de nombreux projets menacent le cours d’eau et le vivant qui se déploie autour, entravant toujours plus sa capacité à endiguer les inondations. Sans parler des délires capitalistes, d’une rare injustice, dont elle a été l’objet pendant les JO, vendus à grands renforts de communication : une Seine baignable en plein coeur de Paris mais des entrepôts et du béton sur ses berges en banlieue ? Mais plus largement, c’est dans tout son bassin versant que l’agro-industrie, le BTP et l’empire logistique font rage : artificialisation de terres agricoles, destruction de zones humides en bord de Seine, entrepôts sur les bords de Seine, chantiers de canaux pharaoniques. Alors que la Seine et ses occupant·es ont besoin de respiration, on les étouffe pour augmenter des courbes de profit sur les marchés internationaux. Alors que les risques d’inondation se font de plus en plus criants, on menace de détruire des écosystèmes qui sont en capacité d’absorber les débordements.
Les terres fertiles du bassin versant ravagées par le BTP et l’agro-industrie
Notre rapport à la Seine dépend d’abord de celui que l’on a aux terres. Or, en Ile-de-France par exemple, nous sommes loin du territoire d’il y a deux siècles avec sa Plaine des Vertus, où une agriculture paysanne permettait d’envisager une alimentation localisée. Ces mêmes terres fertiles ont été soit dévitalisées et déstructurées par le système agro-industriel, soit grignotées par le béton, et elles le sont encore. Au nord de Paris, sur le triangle de Gonesse, 700 ha de terres très fertiles sont menacées d’artificialisation par des géants du BTP comme NGE (unique concessionnaire désigné de l’A69) : zones logistiques, golf et maintenant, une gare de « super-métro » Grand Paris Express, en plein milieu des champs, sortie de terre [1]. Un projet validé par l’agro-industrie et son bras armé, la direction de la FNSEA, pour qui les profits de la vente comptent bien plus que la préservation des terres et du monde paysan. A la menace de bétonisation, s’ajoute le règne de l’agro-industrie : dans le bassin de la Seine, des géants comme Soufflet (aussi instigateur des méga-bassines) ont transformé des milliers d’hectares en cultures intensives de céréales gorgées de pesticides qu’ils destineront à l’export mondial. Un cauchemar agricole et social qui verrouille le devenir de la Seine et de son territoire.
Le transport fluvial à la botte du capital
Pour transporter les matières premières [2] le plus loin possible tout en générant un profit maximal, les géants du secteur ont besoin de massifier les transports fluvial et maritime. Des céréaliers comme Soufflet stockent d’énormes quantités de céréales en bord de Seine pour pouvoir maximiser l’export, lorsque le cours en bourse est avantageux. Mais au lieu d’avoir recours aux canaux existants - celui de l’Oise par exemple - qui sont pourtant fonctionnels, et même sous-exploités, l’ambition et la quête de profit des transporteurs justifie la folie des méga-canaux. C’est ainsi que naissent des projets pharaoniques comme celui du Canal Seine Nord Europe [3], qui menace de ravager 3000 hectares de terres entre Compiègne et Lille. Le « chantier du siècle », aujourd’hui au beau milieu d’une controverse, se chiffre à 10 milliards.
Qui dit méga-canaux, dit méga-bateaux. Mais pour faire passer les péniches géantes qui devront transporter des tonnes de blé et de maïs contaminés, ou les méga-conteneurs transportant les marchandises du capitalisme moderne - si le Canal Seine Nord Europe serait adéquat - la Seine, elle, est trop petite. À la Bassée [4], au sud-est de la région parisienne, l’agro-industrie et l’État, main dans la main, envisagent donc d’élargir et bétonner le fleuve dans un projet de mise à grand gabarit de la Seine, pour y faire passer plus de flux. Des travaux titanesques et mortifères là encore : entre 80 et 150 hectares de zones humides endommagées ou détruites - la plus grande d’Île de France - par l’artificialisation du réservoir de biodiversité qu’elle constitue. Sans compter que la mise à grand gabarit de cette zone causerait inévitablement des inondations plus fortes à Paris.
En réalité, pour les logisticiens du désastre, la Seine est un potentiel inexploité, un « AXE » à développer, un futur « corridor logistique » [5]. Ils rêvent d’une « autoroute fluviale » sous le prétexte que ce serait moins « carboné », greenwashing qui masque mal leur seule ambition : massifier les flux. Du Canal Seine Nord Europe au projet de grand port HAROPA (pour le Havre, Rouen, Paris), tous veulent concurrencer les giga ports d’Anvers et Rotterdam et leurs millions de conteneurs. Plus de colis importés pour accélérer la prolifération du e-commerce. Plus de céréales exportés pour clouer l’agriculture aux règles écocidaires des marchés internationaux. Plus de sable et de granulats, pour bétonner sans fin.
Du flux sans fin pour des intérêts privés
Tous ces flux doivent bien être stockés quelque part : c’est le moment où les méga-entrepôts arrivent dans la partie, générant leur lot de flux routier. A la frontière du 92 et du 93, voici le projet Greendock, grand comme deux Stade-de-France côte-à-côte. Un temple de la logistique, qui pourrait générer 1200 rotations de véhicules par jour, dans une zone d’habitat déjà sur-polluée. Au fin fond d’une zone industrielle ? Non, sur les berges de Seine. 600 mètres de long, pile en face de l’une des rares zone Natura 2000 de l’Ile-de-France. Le promoteur immobilier veut à toux prix faire croire, en l’appelant « Greendock », à du trafic fluvial : mais l’entrepôt serait bel et bien une usine à camions de plus [6]. Au nord comme au sud, à Gonesse ou dans le Val Bréon [7], les plateformes logistiques sont partout.
Mais le fluvial ne permettrait-il pas de diminuer la quantité de camions sur les routes ? Absolument pas. En augmentant les flux de conteneurs, on augmente aussi les flux de camions en amont et en aval des ports. C’est pour cette raison que des projets routiers et autoroutiers s’ajoutent inexorablement aux délires de l’Axe Seine, comme l’A104bis dans les Yvelines [8], l’A133-134 autour de Rouen [9] ou le grand projet LINO à Lille [10]. Heureusement en 2024, les opposants au BIP ont montré qu’une autre voie est possible, en faisant tomber ce projet de 2x2 voies qui était censé relier les zones logistiques de Roissy à celles de Gennevilliers [11].
De tels projets sont portés par des promoteurs immobiliers (Goodman), des géants de l’agro-industrie (Soufflet) ou du BTP, mais ne peuvent se réaliser qu’avec la complicité d’opérateurs publics qui s’activent, soulevant des montagnes d’argent public et contournant les réglementations environnementales (VNF, les régions IDF et Hauts-de-France, HAROPA, la Société du Canal-Seine-Nord Europe, l’État). La logistique, les pesticides et le béton, ça rapporte, peu importe les dégâts.
Transport massifié, travailleur·ses sacrifié·es
Mais l’emploi nous direz-vous ? Comme souvent, le faux paradoxe de l’écologie versus l’emploi est brandi pour justifier le massacre de la Seine et de ses berges. Le mensonge est vicieux et cache le fait que ces grands projets signent la fin de la petite batellerie et de ses métiers vivants, aggravent davantage le déclin d’une agriculture paysanne soutenable et suppriment tout simplement des emplois [12]. En retour, nous aurons droit à des jobs de manutentionnaires pénibles et sous-payés (en témoigne la récente grève des ouvrier-es de Geodis), à des métiers du transport téléguidés et à des agriculteurs contaminés et surendettés. Ce n’est pas un hasard si des syndicats de travailleur·ses rejoignent les luttes autour de la Seine, comme c’est déjà le cas pour sur le triangle de Gonesse, pour Stop Greendock et Méga Canal Non Merci. Et ces alliances sont l’une des clés du rapport de force qu’il faut instaurer.
Retrouvons notre autonomie en prenant soin de l’existant
Le transport de masse mondialisé condamne à l’échec toutes les tentatives de relocalisation, puisqu’avec lui, il sera toujours moins cher d’importer la production de marchandises à bas coûts, dans la poursuite d’une logique coloniale et impérialiste, à l’échelle mondiale et intra-régionale (la banlieue nord parisienne, considérée comme « territoire servant » de la capitale).
D’autres options sont pourtant possibles. Lorsqu’il n’est pas massifié, le transport doit produire de l’utilité sociale tout en respectant les écosystèmes. Osons imaginer un monde tout à fait atteignable, dans lequel des péniches de gabarits raisonnables et des wagons de fret ferroviaire public traverseront le bassin de la Seine, transporteront une alimentation locale produite sur les terres de Gonesse, pour livrer le Port de Gennevilliers en utilisant intelligemment les infrastructures existantes. Un monde où le fret ferroviaire cesserait d’être démoli, où le transport fluvial et la Seine cesseraient d’être instrumentalisés et où la pollution liée aux émissions routières déclinerait. Un monde où la biodiversité cesserait de s’effondrer, où les oiseaux reviendraient dans les quartiers et les poissons repeupleraient la Seine.
Alors pour cette saison territoriale, faisons se lever la puissance du fleuve, activons l’hydre de nos luttes et renversons le monde de l’artificialisation, du conteneur et de la pollution ! Portons nos contre-projets pour transformer l’approvisionnement et relocaliser nos vies. Réapproprions-nous la Seine et son bassin versant, diminuons les flux, défendons les fleuves, ses berges et leur territoire.
Bassin versant, bassin vivant.
Nous sommes les Soulèvements de la Seine !
