Lundi 26 juin était publié sur Paris Luttes Info un article nommé Blocage du cortège d’En Marche ! à la Pride parisienne et dont le résumé était le suivant : Des pédés, trans, bi-es, gouines ont bloqué le cortège d’En Marche à la pride parisienne pour protester contre la politique raciste de Macron et Collomb.
L’article est composé assez simplement du tract qu’ont distribué les personnes participant à cette action et de 2 photos, pas spécialement spectaculaires.
La page facebook de Paris Luttes Info (PLI) est alimentée automatiquement au fur et à mesure des parutions, ce qui signifie que l’équipe d’animation de PLI n’intervient pas. Facebook récupère donc le titre, le descriptif, et la photo (logo) de l’article.
Le lendemain, Facebook supprimait la parution. Motif : elle ne respecte pas les standards de la communauté.
Pour quelles raisons ?
La première est certainement un grand nombre de signalements. Un grand nombre de militants virtuels de l’extrême-droite passe son temps à essayer de répandre leur haine dans les commentaires. Un article précédent Polémique des bouches d’incendie : entre hypocrisie et mépris de classe a été énormément partagé et a fait l’effet d’une petite bombe dans le milieu raciste. De quoi attirer l’attention de ces derniers sur les publications de PLI.
Très amusant en effet alors que les identitaires, les fans de Dieudonné et les racistes du genre Henry de Lesquen passent leur temps à appeler à la haine sur ce réseau social, au meurtre d’immigré.es, de juif.ves, d’homosexuel.les...
L’utilisation ici des termes « pédés » et « gouines » a sûrement était la raison officielle de la suppression. On pourra argumenter qu’il était clair que ces deux termes étaient utilisés dans leur sens militant, par les concerné-e-s elles/eux-mêmes, qu’il n’y avait rien d’offensant, et que depuis des dizaines d’années le mouvement militant radical LGBTQI se les sont réappropriés. Or, il y a 3 jours - le jour même de la suppression, l’un des dirigeants de la politique publique de Facebook, dans un paté sur la modération des « discours de haine », pointait précisément cette utilisation [1] :
En Italie, « le mot “frocio” (“pédé”) » est par exemple considéré comme du discours de haine lorsqu’il est adressé à une personne, mais il est aussi utilisé par les militants des droits LGBT pour dénoncer l’homophobie »
Dans l’explication officielle de Facebook, l’entreprise explique donc que la modération est faite en fonction du contexte. Ce n’est donc pas l’utilisation de ces deux mots qui ont motivé la censure.
Deux explications se proposent donc :
- Le modérateur de facebook est un admirateur zélé de Macron, et il n’a pas apprécié l’action.
- Le texte allait à l’encontre du principe des « bulles communautaires » imaginé et mis en pratique par Marc Zuckerberg.
Zuckerberg, le patron de Facebook, s’est récemment fait le défenseur de la cause LGBT, et signe de son engagement, a proposé une icone « arc-en-ciel » pour réagir aux publications. Une prise de position qui a ses limites. Dans un pamphlet (!) publié en début d’année 2017 et nommé « Construire la communauté globale » [2] il propose sa vision idéale de facebook : un ensemble de bulles communautaires partageant un même espace virtuel (facebook !). Ces bulles, ensemble de personnes ne se connaissant pas mais partageant une même sensibilité (les chats mignons, les cakes aux épinards ou même le nazisme) sont déjà en place sur facebook, à travers les algorithmes d’affichage et de propositions. C’est à travers un mélange d’intelligence artificielle et de choix individuels qu’il imagine leur coexistence pacifique dans la communauté globale. Homophobes ou LGBT, nationalistes ou anarchistes, côte-à-côte, du moment qu’il ne se croisent pas. De toute évidence un tel article qui mélait, pour facebook, les bulles LGBT + migrants + Macron (et qui circulaient dans ces différentes bulles facebook) allaient à l’encontre de l’harmonie facebookienne et ne convenait pas au méga-réseau-social.
De manière générale, le bébé de Mark Zuckerberg cherche avant tout à devenir hégémonique. Un article récent (en anglais) tend à montrer que Facebook fait en sorte que les posts avec lien (ceux disponibles vers Paris Luttes Info par exemple) soient de moins en moins distribués. Comprenez que Facebook souhaite devenir complétement autonome des autres sites (et des autres usages d’Internet) et que les textes soient publiés en intégralité sur le réseau social... Autant dire que les pratiques de censure, de suppressions aléatoires et de blocage de compte rendront les usagers complétement démunis.
Une des seules solutions à ces pratiques de censure c’est de ne pas se livrer pieds et poings liés à une multinationale publicitaire.
Au delà des aspects de sécurité, il est très inquiétant de voir des groupes militants s’organiser uniquement sur une plateforme commerciale et devenir complétement dépendant d’algorithmes developpés pour des usages capitalistes. Algorithmes qui ne garantissent évidement aucun archivage, algorithmes qui enferment des publications dans un groupe social déterminé, algorithmes qui t’obligent, à terme, à payer Facebook pour devenir compétitif...
Business is business.
Des participant-e-s à Paris Luttes Info