Ces mots, ils sont là pour nous faire croire à l’image de la fin paisible de personnes condamnées à court terme par une maladie incurable. En somme le choix entre une mort imminente, et une mort imminente mais sans douleur. Un coup du sort imprévisible, qui pourrait toucher n’importe qui.
Entendons-nous bien : oui, le droit à disposer de son corps inclut le suicide, et le droit à une mort dans les meilleures conditions possibles, mais ce n’est en réalité pas la question ici. Cette loi n’a rien d’émancipateur, y compris pour les personnes qui souhaiteraient mourir, car ce choix sera toujours psychiatrisé et contrôlé par le pouvoir médical.
D’autant que, dans les conditions politiques et historiques qui sont les nôtres, ce n’est pas un coup du sort que de vouloir mourir, c’est socialement situé. En réalité, celleux qui seront le plus largement concerné·es par cette loi, ce n’est pas une maladie qui les condamne à une mort certaine : c’est une société validiste qui les condamne à la perte d’autonomie, aux violences médicales, et à un accès aux soins dégradé voire inexistant.
Et ceci n’est pas le fruit du hasard. Les attaques répétées contre l’Allocation Adulte Handicapé·e, la volonté affichée de faire des économies sur les ALD (protocoles de soin pour les Affections Longues Durées, incluant le remboursement de traitements coûteux et réguliers), et maintenant la loi « fin de vie » sont les manifestations les plus frappantes de cette société validiste et eugéniste. C’est à dire une société qui se permet de décider qui est assez productif et « mène une vie qui vaut la peine » pour avoir le droit de vivre, et qui devrait souhaiter la mort pour retrouver sa « dignité ».
Depuis le début de la pandémie de COVID 19, on a construit la catégorie de « personne fragile », on y a mis les vieilleux, les handicapé·es, les malades chroniques, les plus précaires… et peu à peu, on est devenu·es à l’aise avec leur élimination par l’organisation politique du déni. En somme, on a appris l’eugénisme.
Cet eugénisme, il est aussi une manifestation de la fascisation qui accélère chaque jour un peu plus dans la sphère euro-occidentale. C’est la nécropolitique des états coloniaux qui, après avoir mis en place les politiques de violence, d’asservissement et de mort dans les espaces colonisés, étendent peu à peu leur droit à décider de la mort sociale ou physique de celleux qui sont jugés indésirables.