Comme l’a annoncé un certain Nicolas Sarkozy, défendant la candidature française quand il était président :
En France, on pense que le sport est un réponse à la crise. C’est justement parce qu’il y a une crise, qu’il y a des problèmes, qu’il faut mobiliser tout un pays vers l’organisation de grands événements.
En effet rien de mieux qu’un opium du peuple au pouvoir anesthésique pour cacher les revendications populaires. L’ex-président s’inscrit ici dans la lignée des dirigeants s’attachant à étouffer l’injustice sociale par les divertissements de masse. Alors que la couverture médiatique de la compétition s’emparera des temps de cerveaux disponibles, le prolongement de l’État d’urgence qui l’accompagnera va justifier la répression croissante des mouvements sociaux par la force.
Derrière le divertissement, d’immenses multinationales dirigent le fructueux marché du sport, les sponsors, annonceurs, chaînes de télé et partenaires de l’événement organisé par la toute puissante UEFA, l’association des fédérations européennes. Plus riche que la FIFA qui organise la coupe du monde, l’UEFA se finance en organisant la Champions League chaque année et l’Euro tous les quatre ans. Outre les énormes soupçons de corruption internes à l’association, ce sont les pratiques utilisées dans l’organisation de cette compétition qui font scandale.
Alors que l’UEFA exige [1] pour les constructions et rénovation des stades des dépenses faramineuses et inutiles des collectivités [2] auxquelles elle ne verse pas un centime, elle a fait voter en 2010 une loi l’exonérant de tout impôts pour la compétition [3]. En tout, ce sont 2 Milliards d’Euro investis par le contribuable français [4].
Au Brésil, on estime entre 200 et 250 milliers le nombre de personnes déplacées autour des infrastructures dédiées à la coupe du monde et aux Jeux Olympiques, tandis que la même loi d’exonération de taxes est entrée dans la constitution brésilienne pour le CIO et la FIFA.
Si le sport se veut être un formidable ascenseur social pour les jeunes prolétaires, le mythe du joueur de foot issu des favelas reste une exception qui ne résout en rien la lutte des classes au Brésil ou dans le monde. Le joueur ayant réussi devenant à son tour élément de propagande d’un modèle discriminant.
Le modèle des joueurs exclusivement masculins surpayés qui s’affrontent au nom de leur pays respectif n’est jamais remis en cause, et malheureusement les stades professionnels sont devenus avec le temps des théâtres où l’on légitime et valorise les injustices inhérentes à nos sociétés.
Il y a une sorte d’homologie […] entre la société et le sport. Il y a à la fois la méritocratie qui s’est développée un peu partout dans le sport, surtout le sport professionnel qui est assez méritocratique. Il y a la concentration des gains, [...] "The winner take all" – c’est-à dire le vainqueur gagne tout – le sport fonctionne dans cette logique. On essaye d’être vainqueur car on gagnera la part la plus substantielle, il faut être qualifié en Champions League car on va gagner beaucoup d’argent. Et la société fonctionne comme ça. La crise dans laquelle on est résulte du fait que les banques, les traders, les spéculateurs sont des gens qui fonctionnent au "winner take all", je dois gagner mon pari sur le cours de l’euro ou je dois gagner mon pari sur les prêts aux ménages américains pour qu’ils achètent des logements et je vais moi m’enrichir, quoi qu’il arrive par ailleurs. C’est une logique qui pour certains économistes – dont je fais partie – est assez désastreuse, je veux dire que ça ne donne pas une vue de notre société et de son avenir qui soit très prometteuse.
Wladimir Andreff, intervention dans « Regards sur le sport »
C’est en effet le monde capitaliste et non le football qui est à revoir. On peut aujourd’hui proclamer : « Vive le foot, nique la FIFA et l’UEFA ! » et apprécier le sport sans cautionner l’utilisation économique et politique qui en est faite.
Réapproprions-nous le football. Le 10 juin, nous manifesterons contre cette compétition sexiste et nationaliste, et pendant toute la durée de la compétition, nous retrouverons la joie d’un football populaire, sur nos places, comme nous avons joué le 31 mars dernier au bout de la nuit. L’Euro Debout sur les places occupées, c’est un football populaire pour toutes et tous, sans compter les buts, sans drapeaux ni sponsors !
N’en déplaise à Sarkozy et aux politiques qui vendent les peuples au plus offrant, cet été le championnat d’Europe de l’UEFA ne sera pas un moyen de mater l’insurrection présente, mais bien un événement de plus rappelant combien elle est inévitable.