Lorsque le RN sera installé il sera trop tard. L’Ordre des beaufs va régner à coups de schlague.
La vie pour les personnes racisées et sans papiers est déjà un cauchemar, elle sera désormais un Enfer réalisé. Les rues sentent le souffre. Des bandes de « justiciers » s’en donneront à cœur joie, organisant leur ratonnades façon Orange mécanique. Sous prétexte de « contrôle d’identité » combien d’autres Nahel vont périr, combien d’autres séquestrations, d’autres humiliations et d’autres expulsions ? Nous ne le savons pas mais nous l’imaginons. Des CRA à chaque coin de rues voilà l’avenir. Je pense à toutes celleux sous OQTF. Aux rescapé.es de juntes militaires et à toutes mes amies ayant fui les mariages arrangés, séquestrations ou persécutions pour homosexualité ou ayant fui en s’opposant aux politiques autoritaires locales. Pour ces personnes l’idée d’un retour au pays signifie une condamnation à mort et c’est ce qui arrivera si nous ne reprenons pas la rue pour faire barrage au vortex qui approche.
La vie deviendra, secondairement, impossible pour toutes celleux que le système capitaliste nomme les « improductifs » : chômeurs dépressifs, toxicos, schizophrènes en HP ou sur le pavé, taulards, malades sous chimio, personnes âgées en EPHAD, habitant.es des squats par nécessité. Le cauchemar arrive pour les fragiles, les difformes et tous ceux qui n’ont pas assez de maille pour joindre les deux bouts. Tout le monde va morfler.
Nous seront concerné.es. La vie deviendra l’enfer pour tout.es les camarades anti-autoritaires, pour les minorités sexuelles persécutées parce qu’elles refusent ce patriarcat de merde, pour les travailleuses du sexe brutalisées, taxées, violées par les maffias et les flics. La vie va très vite devenir impossible pour nous. N’en doutons pas un seul instant. Moi-même, je suis une inutile, je ne travaille pas, je vis avec une allocation d’adulte handicapée. Je suis donc une « parasite sociale », je ne produis rien, je n’ai aucune force de travail. Et je ne m’étonne guère que le débat sur l’Euthanasie se soit déroulé précisément sous Macron. Quel destin commun alors sous le RN ? Il me reste suffisamment de lucidité pour imaginer quel sort est réservé sous un régime ultra-autoritaire aux diminuées de mon espèce. Déjà en 1937 Edouard Herriot pourtant républicain et membre du parti radical, s’indignait de l’agaçante « durée de vie prolongée des aliénés ». Il s’exclamait :
« Un malade qui reste dix ans à l’asile aura coûté à la collectivité environ 80.000 francs, et je suis peut-être en droit de me demander s’il n’y a pas des réserves à faire sur des progrès qui, sans guérir l’aliéné, prolongent sa misérable existence pendant tant d’années. »
Le fascisme, qu’il soit « fleuri » ou décomplexé, signifie corrélativement un durcissement des conditions de « vie » en psychiatrie. Dans son livre « L’hécatombe des fous », Isabelle Bueltzingsloewen explique comment sous le régime de Vichy 45000 malades mentaux sont morts dans les hôpitaux psychiatriques. Le gouvernement français ayant, avec cynisme, laissé mourir « ces bouches inutiles » pour des raisons budgétaires (réduire les « dépenses sociales »).
Guère à envier on le voit, avec le programme T4 (extermination des malades mentaux) en Allemagne qui, entre 1939 et 1941 fait 80.000 morts. Chez nous aujourd’hui ou demain, les fous, les vieux dans les mouroirs, les sans-abris, les racisées enfermés dans des CRA, les femmes séquestrées, tout.es les invisibles seront dans le « premier wagon » mais qui s’en indignera puisque personne ne les verra ?
Combattre le désastre politique en cours impose d’en comprendre, fut-ce partiellement, la forme.
Une croyance à la vie dure : le vote d’extrême droite serait exclusivement celui des régions rurales. Ici il faut hurler que cette analyse est insuffisante. Le RN c’est aussi la grande bourgeoisie aux commandes, c’est le Capital et son obscénité, c’est la grande jouissance capitalistique relancée. Le RN sans pognon n’est rien. Le RN sans la peur entretenue n’est rien. Et qui donc nourrit la peur ? Pas besoin d’aller très loin.
La peur a un nom : Cnews, c’est-à-dire Bolloré. On ne change pas une équipe qui gagne. Pardon pour le cliché. Cnews et sa maffia de mercenaires de l’image. Bolloré qui se rêve en nouveau Citizen Kane. Bolloré patron capitaliste de chaînes et catholique blanc d’extrême droite.
Que désigne le monde de Bolloré ?
Il faudrait dire plutôt « Qu’est-ce qu’il symbolise ? »
Bolloré est à la fois l’obscénité sub-culturelle du Capital et la violence infinie de ses moyens financiers. Bolloré est un fasciste catholique en col blanc, c’est un conquérant dans l’ordre du profit. L’idéologie d’extrême droite à l’antenne atteint avec lui son climax. Rarement l’indécence dans la désinformation fut aussi manifeste que ces six dernières années. Cnews fait l’opinion. Bolloré règne, il arme, il utilise, il recycle, il rit, il jouit. Plus méphistophélique, tu meurs.
Et puisqu’il faut dire les choses simplement, disons juste que le RN marche pour Bolloré. Et d’ailleurs on a beau le dénoncer, lui cracher à la gueule in abstentia, Bolloré s’en fout, il est au-dessus de la mêlée et nous sommes au -dessous. Bolloré est à la lettre une « Chimère ». Une entité composite qui se résume à deux mots : fascisme capitalisé.
Le monde de Bolloré a faim, alors il mange. Il mange tout ce qui lui passe par l’audience. Il n’a honte de rien. Après le « coming-out fasciste » de Ciotti et le ralliement abject de (presque) toute la classe politique à la famille Le Pen (ralliement symbolique ou réel), dont l’ex-ministre et philosophe kantien Luc Ferry, il ne reste que les « fous » pour crier à l’imposture.
Il ne reste que la « folie » puisque c’est être fou de penser contre la raison politique, contre ce « réalisme ». Cela fait-il de nous des immatérialistes ? Non. Il suffit d’interroger les victimes du système capitaliste pour comprendre où nous allons et où nous en sommes. Le Capital c’est d’abord une souffrance dans l’univers mal nommé du « travail ».
Le RN/Bolloré exprime un monde, celui de l’exploitation, ce mot venu (semble-t-il) du fond des âges a tout son sens aujourd’hui. Le monde bolloréen c’est la banalisation des pratiques de harcèlement au travail. Pratiques meurtrières (elles rendent mortellement malades, elles poussent au suicide). Le fascisme capitalisé que nous promet Bardella/Bolloré existe déjà sous Macron et là encore, plus personne n’y croit vraiment, sauf celleux qui en font les frais dans leur chair : les salarié.es maltraité.es dont les cris ne troublent jamais la sieste des patrons. La maltraitance irrigue notre monde. Le monde du travail est devenu un abattoir. Tu trimes à Auchan comme caissière.e, comme manutentionnaire, comme femme de ménage dans les tours de la Défense, comme Bête de somme sur les chantiers, comme aide-soignant.e dans les hosto, alors tu fais partie du bétail des invisibles. Le monde bardella-bolloréen n’a pas d’autres couleurs. Le monde de Bolloré en plus d’être catholique et raciste est expansionniste dans ses vues ultra-libérales. Il n’a aucune limite. Il vend tout à la découpe. Bolloré recycle : culture, politique, spectacle et même couleurs de peau. Il a ses « journalistes utiles » qui indifféremment seront des mecs ou des femmes, des racisés, histoire pour Bolloré, d’enfoncer le clou qu’il n’est pas raciste, ni sexiste. C’est qu’il est malin, le gars. Exemple : cette merde de Cyril Hanouna est sa caution pour laisser croire qu’il n’est pas antisémite, pareil pour Jean Messiah, magrébin invité, ô combien fréquent, ou pour Laurence Ferrari et la question du genre à l’antenne. Les chroniqueurs indifféremment seront blancs, noirs, métisses, magrébins, juifs, minces, gros, jeunes, vieux, femmes, hommes, peut-être même trans demain.
Bolloré qu’il le sache ou non, présente une certaine familiarité avec Soral et Dieudonné, dans le talent manipulatoire. Leur antisémitisme fétide et leur virilisme transphobe si invraisemblable qu’il soit, opère réellement dans les quartiers populaires mais aussi dans les hautes sphères. Dieudonné a su toucher les banlieues et séduire beaucoup de personnes de culture musulmane, tout comme aujourd’hui Bardella séduit certaines personnes issues de la communauté juive. Sur ce point personne ne me plongera dans la confusion. La guerre des mondes voulue par le système Bardella-Bolloré (jeter les communautés juives et arabes les unes contre les autres) ne passera pas par moi. Du fond de mon abîme, je vois comment tout système autoritaire gouverne par la peur et le fantasme : hier le complot judéo-bolchévique ou judéo-capitaliste, aujourd’hui le complot islamo-mondial. Hier le juif aujourd’hui le musulman (ces positions sont compossibles et réversibles) Ha ! si seulement les juifs et les arabes pouvaient s’exterminer mutuellement ! comme cela arrangerait le système. Mais non. Cette obscène manipulation ne s’infusera pas en moi. Vous connaissez l’histoire ? cette vieille histoire qui consiste à diviser les masses pour régner.
Sur la question communautaire, il est frappant de constater que Dieudonné et Soral sont précisément l’interface entre quartiers populaires et extrême droite blanche. Le rêve d’Houria Bouteldja se voit directement réalisé par l’alliance Dieudonné-Soral (blancs, antisémites et racisés). Un autre cauchemar débute : le renversement des signes de la colère.
Bolloré applique la leçon de Malcom Mc Laren dans « The great rock’n’roll Swindle » et celle de Guy Debord à la lettre, sans distance : Oui, vous l’aurez compris, Bolloré est un punk situ inversé. Un de ceux qui aurait fait commerce avec la croix gammée de Sid Vicious et aurait (finalement) épuré le punk de toute sa dimension sociale pour un faire un vulgaire bizness. C’est qu’avec la provocation on peut faire du fric, en jouant avec les « signes » on tient la foule en haleine et on peut même (et surtout) restaurer la famille patriarcale.
Bolloré est à l’aise dans tous les discours et dans tous les espaces, à Matignon comme à la maison Blanche ou à Dubaï. Bolloré a les codes, il tient l’Image, il instaure le monde du simulacre. Non pas la chose même, mais l’image de la chose. Il ne perd jamais la face, en Afrique, au Maroc, en Hongrie, partout il est à l’aise, il a ses entrées au Ciel.
Dans un monde réellement renversé, Bolloré est l’homme providentiel. Bref, que l’on s’y trompe pas, cette violence capitaliste là n’est ni genrée, ni colorée, elle est de partout. Bolloré, Arnault sont les symboles français de ce monde de merde. La puissance anesthésiante de Cnews est infinie, terrible. En 2023 tout le monde est retourné bosser et la grève des éboueurs n’a pas repris. Les raffineries n’ont pas été prises d’assaut. Et La CGT (comme à chaque fois) a lâché la lutte.
Pour conclure
Que décider ? tellement peu de temps
Il faut....prendre « d’assaut le Ciel » comprenne qui pourra…
Cibler matériellement les choses
Ne pas se laisser dissoudre
Ne pas se laisser mélancoliser
Bref, rendre la vie impossible aux dominants sociaux, et là pas de recette, tout est à « inventer », à imaginer, à bâtir mais vite
Vite…et fort
une improductive et quelques autres
« (…) Son Altesse ne tarissait pas en plaisanteries légères et irréfutables (…) Elle ne se plaignit en aucune façon de la mauvaise réputation dont elle jouit dans toutes les parties du monde, m’assura qu’elle était, elle-même, la personne la plus intéressée à la destruction de la superstition, et m’avoua qu’elle n’avait eu peur, relativement à son propre pouvoir, qu’une seule fois, c’était le jour où elle avait entendu un prédicateur, plus subtil que ses confrères, s’écrier en chaire : « Mes chers frères, n’oubliez jamais, quand vous entendrez vanter le progrès des lumières, que la plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas ! »
Baudelaire (1869), Le joueur généreux