Pour empêcher le journaliste Raphaël Godechot de filmer un contrôle de titres de transport, plusieurs agents de la RATP le molestent : portable jeté au sol, étranglement, coups... Les contrôleurs tentent ensuite d’effacer les images.
Raphaël Godechot est journaliste indépendant, il collabore à plusieurs rédactions dont StreetPress. Vendredi 17 novembre, alors qu’il se rendait à une soirée, il est témoin d’un contrôle des titres de transport dans le métro parisien. La situation est tendue. Il décide de filmer, ce qui déclenche une réaction violente des agents de la RATP : pour l’empêcher de filmer, ils l’étranglent, le jettent au sol et le frappent. Il a depuis porté plainte et fait constater par un médecin ses blessures. StreetPress publie son témoignage.
Il est 22h, station Denfert-Rochereau. Au niveau des portiques qui mènent aux quais des lignes 4 et 6, une dizaine d’agents de la RATP procèdent à un contrôle des titres de transport. Parmi eux, 2 ou 3 agents en civil. Au départ rien de spécial :
« Titres de transport messieurs. »
Je sors ma carte navigo. Pour moi pas de problème je suis en règle. Dorian, l’ami avec qui je projette de passer la soirée, n’a pas de ticket. Ce sera 50 euros à payer sur place ou le double plus tard. Il s’acquitte de sa dette immédiatement. Sans rechigner. Puis ça se gâte. 2 ou 3 agents encerclent un homme sur le côté. La situation est claire : l’homme n’a pas de papiers. Sa voix tremble, il parle une langue étrangère. La peur se lit sur son visage. L’attitude agressive des agents, la façon dont ils ont de le tenir à l’écart dans un coin n’est pas rassurante.
Les contrôleurs veulent appeler la police, ce qui placerait le fraudeur dans une situation plus que délicate : les forces de police vont arriver, embarquer le type pour une garde à vue, puis direction le centre de rétention administrative (CRA). J’ai déjà écrit des articles sur les CRA. J’ai les chiffres en tête. Plus d’une personne sur 8 finissant dans ces lieux d’enfermement se font interpeller dans les gares ou les transports en commun. Les contrôleurs de la RATP n’ont pas le droit de le retenir physiquement, ni de le toucher. On pense que ça peut mal se passer. Je décide de filmer l’interpellation. Si ça dérape, il y aura quelque chose à montrer. Je sors ma carte de presse, prêt à la signaler si besoin.
« Il n’ y a pas de liberté de la presse ! »
Allez, je sors mon téléphone. Ça tourne ! Immédiatement une agent en civil – elle n’a même pas le brassard « sécurité » – s’approche de moi, me pousse, me met des coups, me pince et me tape dans le bas du ventre pour me faire reculer, afin de m’éloigner de la scène. Je réagis en lui montrant ma carte :
« J’ai le droit de filmer, vous ne pouvez pas m’en empêcher ! »
« Non monsieur vous n’avez pas le droit » rétorque-t-elle. « Eteignez votre téléphone. » Hors de question. Tout le monde a le droit de filmer la scène, et j’ai ma carte de presse sur moi. J’imagine que cette preuve attestant de ma profession pourra me protéger. Je persiste et j’essaye de filmer les coups qu’elle me porte. « Ne me touchez pas ! » lui-dis-je en orientant mon appareil vers ses mains. Elle s’arrête aussitôt et je retourne filmer le contrôle de plus près.
Quelques secondes plus tard, elle frappe ma main pour que je lâche mon téléphone. Ça n’a pas loupé. Mon portable est projeté sur le sol, je le ramasse de suite. Ouf, mon appareil n’a pas arrêté de filmer. Je tourne mon téléphone vers la femme en question :
« Pourquoi vous avez fait ça ? »
« J’vous avais prévenu monsieur » s’énerve-t-elle, « j’vous ai dit d’arrêter de filmer ! » J’insiste :
« Vous n’avez pas le droit, vous le savez ! vous ne pouvez pas m’en empêcher ! C’est le droit de la presse. »
Toute la troupe me menace pour que j’arrête. « Il n’y a pas de liberté de la presse ! On va appeler les flics », disent-ils. Je réponds : « Tant mieux appelez-les, j’ai le droit de filmer ». Ils se plantent devant l’objectif pour m’empêcher de filmer le contrôle. L’une des agents s’est même mise à me filmer. Ça ne me fait pas réagir. Elle s’arrête rapidement.