Communiqué du collectif "Stop Violences Policières"
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Saisine collective au Défenseur des droits sur les nombreuses violences policières durant le mouvement social du printemps 2016
(14 septembre 2016). — Le mouvement social né en réponse au projet de « loi travail » s’est exprimé de mars à juillet 2016 sous différentes formes (manifestations autorisées ou non, grèves, blocages, occupations de lieux...) et a impliqué des opposants de divers horizons. Les actions menées ont, cependant, toutes eu un point commun : l’extrême brutalité des agents de la force publique. La longue chronique judiciaro-médiatique de cette contestation s’est trop souvent accompagnée d’un décompte minutieux des blessures ou violences subies par les policiers [1], alimenté par la traditionnelle dissociation entre « casseurs » et manifestant.e.s « pacifiques ». Force est de constater que n’a pas été rapportée avec la même rigueur une doctrine du maintien de l’ordre de plus en plus brutale et agressive, diligentée directement par le ministère de l’Intérieur et mis en œuvre avec dextérité par les préfets.
Les exemples de répression violente, et sans sommations, sont innombrables, illustrant une volonté en haut lieu d’intimider les contestataires plutôt que de « maintenir » l’ordre public
De nombreux épisodes ont été largement médiatisés, telles que l’expulsion à coups de matraques et de gazeuses d’un amphi de Tolbiac où les étudiant.e.s essayaient de débattre et de s’organiser, ou des agressions subies par des lycéen.ne.s, tabassé.e.s alors qu’ils tentaient de bloquer, sans agressivité, leurs établissements. Les exemples de répression violente, et sans sommations, sont innombrables, illustrant une volonté en haut lieu d’intimider les contestataires plutôt que de « maintenir » l’ordre public : « nassages » des manifestant.e.s, usage massif de gaz lacrymogènes, évacuation de places à coups de grenades dites de « désencerclement », violences physiques sur personnes menottées, tirs de flash-ball visant les visages (dont l’un a entraîné notamment l’énucléation d’un étudiant à Rennes)…
Notre collectif, Stop Violences Policières, constitué courant avril 2016, émane du groupe de défense collective (Defcol), créé au début du mois de mars afin d’apporter une aide et un accompagnement juridique aux personnes pouvant être interpellées ou prévenues lors du mouvement social. Fin avril, à la suite de nombreux cas de violences perpétrées par les forces de l’ordre, constatées sur place par les équipes Defcol ou des « street médics », relayés non pas par voie de presse mais sur certains médias sociaux, nous avons décidé de lancer un premier appel à témoignages aux personnes ayant été brutalisées ou blessées lors d’actions revendicatives, rassemblements ou manifestations unitaires [2].
Le résultat de ces appels est une saisine collective du Défenseur des Droits (DD), autorité constitutionnelle indépendante, auprès de son pôle « Déontologie de la sécurité ». Cette procédure nous est apparue complémentaire d’une plainte classique devant la « police des polices », l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), devant laquelle la force publique est à la fois juge et partie. C’est d’ailleurs à la suite de nombreux cas d’intimidations de manifestant.e.s blessé.e.s, désirant porter plainte devant l’IGPN et dont la bonne foi était mis en doute par des agents qui ont cherché à les en dissuader, qu’il nous a semblé indispensable d’accompagner ces victimes dans leur souhait de ne plus se taire en allant témoigner devant le DD.
Au total, pour des faits survenus entre le 31 mars et le 5 juillet, un peu plus de 100 personnes ont accepté de nous confier leurs témoignages vécus de l’intérieur des manifestations, l’essentiel s’étant déroulé à Paris (d’autres récits émanant de Rennes, Nantes, Lille ou Marseille)… Parmi ces personnes, 65 ont accepté de manière nominative de se joindre à cette saisine collective. Une douzaine de victimes de violence et de brutalité policières ont préféré le faire de manière anonyme. Certaines d’entre elles ont, parallèlement, porté plainte devant l’IGPN. Enfin, une trentaine de témoins directs d’exactions policières ont tenu, révoltés par les faits, à raconter ce qu’ils avaient vu et vécu (cf tableau en Annexe).
Une doctrine décomplexée
La plupart de ces témoignages sont étayés par des photos des blessures subies au moment ou après les faits, parfois corroborés par des certificats médicaux. Nous avons compté 18 cas où les blessures ont entraîné des interruptions temporaires de travail (ITT), allant de quelques jours à 45 jours. Nous avons aussi versé dans chaque dossier des photos ou des vidéos des événements qui se sont déroulés en amont des violences, ou au moment même des agressions policières. Certaines images attestent, s’il en était encore besoin, d’usages clairement non-conformes aux règles d’utilisation des armes de maintien de l’ordre : emploi massif de bombes au poivre à bout portant au visage, tirs tendus de grenades en direction de journalistes ou d’équipes médicales volontaires (parfois lorsqu’elles étaient en train de porter secours à des blessés), tirs de flash-ball à hauteur de têtes, grenades à effet de souffle lancées en l’air et non au sol, matraquage sur des personnes désarmées et parfois gisant à terre… Le tout accompagné par des pratiques expérimentales de « gestion des foules » : encagement (nasses), division des cortèges, lignes de contention et contraintes physiques, recours agressif à des forces de police sans uniformes ni signes distinctifs… [3]
Notre initiative n’est malheureusement pas unique en ce qu’elle témoigne de l’abondance et de la gravité des violences policières qui ont émaillé le territoire [4].
Contrairement au refrain repris en chœur dans les médias et colporté par les représentant.e.s de la classe politique, ces exactions violentes ne sont ni des « bavures » ni l’expression d’une « fatigue » de la police, elles sont institutionnelles.
Mais à la lumière des récits récoltés dans la saisine, il est clair que la violence des policiers ne relève en rien de légitime défense. Elle a en revanche une utilité pour le pouvoir : briser toute velléité de contestation contre l’ordre social. Contrairement au refrain repris en chœur dans les médias et colporté par les représentant.e.s de la classe politique, ces exactions violentes ne sont ni des « bavures » ni l’expression d’une « fatigue » de la police, elles sont institutionnelles. Elles répondent à une nouvelle doctrine, enseignée dans les centres de formation policiers et testée grandeur nature lors du moindre soulèvement populaire, comme on a pu le voir avec la mort de Rémi Fraisse, tué par une grenade il y a à peine 2 ans, ou plus régulièrement dans les quartiers populaires, comme lorsque des policiers ont sorti des fusils d’assauts pendant les révoltes qui ont suivi la mort d’Adama Traoré, 24 ans, tué par la police à la suite de son arrestation le 19 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise.
Parce qu’il n’est plus possible de nier le caractère industriel de la violence policière, il ne s’agit pas ici de pointer des « cas isolés » mais des actes fréquents ou systématiques, des gestes et pratiques ostensibles assumés par l’autorité policière. Alors que l’état d’urgence reste en vigueur, notre collectif, et bien d’autres, entend visibiliser une situation extrêmement répressive qui est en train de se normaliser.
Collectif Stop Violences Policières
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