Article initialement publié sur La Horde.
Mardi 25 mai s’est tenu le premier jour du procès des responsables de la mort de notre camarade Clément : après la constitution du jury et un rapport du président du tribunal sur la motivation et la condamnation prononcées en première instance, les débats ont principalement tourné autour de la personnalité d’Esteban Morillo, reconnu coupable des coups mortels.
Morillo a un nouvel avocat : Jérôme Triomphe, proche des milieux catholiques traditionalistes. Quinze jours après la mort de Clément, il participait à une conférence de l’Agrif au Centre Charlier avec Bernard Antony et Vivien Hoch sur le thème « les racismes anti-français et anti-chrétiens et face à la culture de mort du socialisme »…
Cet avocat très politique a rapidement adopté une défense elle aussi très politique qu’on pourrait résumer ainsi : Morillo est facho mais gentil, les méchants violents ce sont les antifas, il n’a fait que se défendre. C’est donc logiquement que Morillo invoque la légitime défense, et que son avocat va chercher, probablement durant les quinze jours du procès, à le faire passer pour la victime dans ce procès (Triomphe a osé l’emploi du mot « rescapés » pour qualifier Morillo et Dufour).
Face aux avocats des parties civiles, Morillo est pourtant surtout dans le déni. « Travail, famille, patrie » qu’il a tatoué sur le bras ? Il ne sait pas ce que ça signifie, il trouvait ça « beau ». Ses bagues à croix gammée, son profil Facebook où il considère Mein Kampf comme son livre préféré (« je ne l’ai pas lu » concède-t-il) montrent pourtant une certaine connaissance de la Seconde Guerre mondiale… Mais tout comme sa panoplie de skinhead de l’époque, il n’en a « aucun souvenir », ou alors celles et ceux qui l’ont vu, policiers des renseignements généraux compris, inventeraient les faits.
Concernant son engagement à Troisième Voie, dont il a le logo tatoué sur le cœur (le fameux trident que Triomphe, qu’on aurait pensé davantage expert en héraldique, a appelé improprement un « blason »), il le nie là aussi, ou bien l’évalue à « deux ou trois mois » alors qu’il en a fait partie de 2010 jusqu’à son arrestation en 2013 (« C’est une période que j’essaye d’occulter » déclara-t-il dans un rare moment de lucidité). De toute façon il dit qu’il n’en connaissait pas l’idéologie (il qualifie pourtant le mouvement de « solidariste ») : c’était pour boire et se faire des amis qu’il se rendait au Local de Serge Ayoub. Les conférences qui s’y déroulaient plusieurs fois par mois ? « Impossible, c’était trop petit. »
Ayoub ? Il lui trouve « du charisme » mais dans le même temps il prétend ne lui avoir « jamais dit plus que bonjour, au revoir ». Encore plus gros, « je m’étais éloigné de Troisième Voie en 2013 » ose-t-il, alors qu’on le voit en mai 2013, moins d’un mois avant qu’il ne tue Clément, au premier rang de la manif de Troisième Voie, tendant fièrement son drapeau…
« On a compris qu’il était facho ! » interrompt Triomphe, au mépris du respect le plus élémentaire de la parole de la partie adverse. Et d’en rajouter une couche au moment de ses questions qui sont vite devenues une plaidoirie : « Il est facho, on est d’accord. Mais ce n’est pas le sujet. »
Car oui Morillo est un néonazi, mais un néonazi gentil. Un néonazi non violent, ami des bêtes. La preuve, il a un ami malgache et des collègues « de couleur » (sic). Sa mère « lui avait appris à tendre la main » : ce n’est pas de sa faute si son fils a préféré tendre le bras… Bref, un naziboloss sensible, qui pleure quand son chef lui fait remarquer qu’il est en retard au travail (authentique).
Mais Morillo aurait aussi été un néonazi qui vivait dans la peur des antifas : c’est pour ça qu’il avait des poings américains sur lui et chez lui (il ne les avait pas pour s’en servir mais parce qu’il trouve ça « beau » comme un slogan vichyste). Les « preuves » de la violence supposée des antifas ? Triomphe va les chercher en évoquant des affaires non jugées et postérieures à 2013… Mais peu importe la vérité des faits, car la stratégie est claire : faire passer les accusés pour les victimes, justifier l’injustifiable, inverser les rôles.
Cette stratégie alliant à la fois le déni voire le mensonge du côté du principal accusé et une attitude agressive de son avocat envers les parties civiles est certainement celle de la dernière chance. Triomphe a l’air sûr de lui, mais rien ne dit que sa stratégie sera payante, tant lui-même est insupportable d’arrogance et Morillo peu crédible.
Elle met en tout cas les nerfs des proches de Clément et de leurs soutiens sont soumis à rude épreuve, ce qui est probablement là aussi un piège tendu par la défense, qui espère certainement, par son attitude provocatrice, les faire sortir de leurs gonds ; à nous de ne pas lui donner ce plaisir.
Reste à voir demain quelle sera l’attitude de Dufour et de son avocat…
La Horde