Des familles de victimes de crimes policiers appellent à marcher le 19 mars à Paris, oui. Mais pas toutes. Par exemple, Salah Zaouia (Jawad, son fils, est mort à Bois-d’Arcy en 1996) a dit publiquement qu’il ne marchait pas. (La famille d’Adama Traoré n’est pas signataire de l’appel.) Un militant du Mouvement de l’Immigration et des Banlieues (MIB), qui entre autres actions, accompagne des familles de victimes de crimes policiers depuis une vingtaine d’années a également publiquement dit qu’il ne marchait pas. À celles et ceux qui partagent leurs arguments, on dit qu’ils et elles divisent leurs propre camp, qu’ils et elles font des « embrouilles », ou encore que c’est un problème d’« égo ». Pourtant, la critique formulée est politique : elle porte sur la question de la récupération et de l’instrumentalisation. Une question particulièrement vive dans les mémoires militantes depuis la marche de 1983. Il ne devrait plus être nécessaire de rappeler qu’on ne veut « ni potes, ni papas ! » Dans une tribune signée par « des militantes et militants de banlieue excédés par la couscoussière parisienne et la nouvelle beurgeoise militante », la responsabilité du Parti des Indigènes de la République (PIR) dans la constitution d’une alliance ouverte aux organisations politiques de gauche et à des artistes célèbres est clairement mise en cause, et le choix de cette tactique qui vise à occuper l’espace politique et médiatique est vivement critiquée.
Un texte récemment publié et signé par des « membres du cortège de tête » appelle à répondre à l’invitation que défile solidairement un cortège révolutionnaire. Les signataires demandent à celles et à ceux qui envisagent de prendre part à ce cortège de savoir, pour l’occasion, « sortir sans rien casser ». L’argument est le suivant : des engagements ont été pris, par « nos groupes libertaires », de respecter la tenue d’une marche non-violente, telle qu’appelée par les organisatrices et les organisateurs. Parmi les signataires de l’appel à marcher le 19 mars, on peut en effet noter la présence de l’Action-antifasciste Paris-Banlieue (AFA) ou encore de l’association « liberté pour Antonin ». Par définition, les groupes informels ne peuvent bien sûr pas en être.
Dans le texte Pour un black bloc qui n’a plus rien à prouver, la stratégie déclarée est de poursuivre « la convergence entre la jeunesse des émeutes de 2005 et celle du CPE de 2006 », et qui a été « esquissée » le 11 février à Bobigny. On n’a pourtant pas vu à Bobigny beaucoup de membres du cortège de tête, et on y a vu beaucoup d’émeutier.e.s banlieusard.e.s, sorti.e.s pour tout casser. Des anarchistes, parisien.ne.s et banlieusard.e.s, étaient également présent.e.s.
On peut être révolutionnaire, libertaire, et critiquer une tactique d’occupation de l’espace politique et médiatique. On peut être révolutionnaire et refuser de nourrir la gamelle des politicard.e.s en période électorale. On peut être révolutionnaire et se sentir très libre de ne pas « accorder nos violons » à celles et à ceux qui prétendent, en maintes occasions, donner le LA. Ni potes, ni papas ! Et, puisque des militant.e.s veulent marcher en paix, eh bien, qu’ils et elles tombent le masque, au sens propre ! La situation sera plus claire.
un marcheur dimanche