Qui sont les vrais antisémites ?

Et pourquoi l’extrême droite soutient Israël tout en détestant les juifs et juives ?
Publié initialement sur Contre Attaque

Et pourquoi l’extrême droite soutient Israël tout en détestant les juifs et juives

Il y a encore quelques années cela paraissait inimaginable. Certes, on assistait au retour d’une extrême droite insidieuse, revisitée, « dédiabolisée ». Mais en 2025, il faut se rendre à l’évidence : le fascisme et le nazisme dans leur forme historique, qui ont mené à la guerre, à la Shoah et à la barbarie dans les années 1930 et 1940, font leur grand retour partout en occident, bien au-delà de cercles marginaux.

Nous avons désormais une extrême droite puissante qui fait des saluts nazis, qui nie les camps d’extermination et qui cultive un antisémitisme viscéral. Et pourtant, cette extrême droite est alliée avec Israël, ce qui n’est pas incompatible. Explications.

Soutien à l’AfD

En faisant un salut nazi le soir de l’investiture de Trump, Elon Musk était dans une provocation calculée : son but de normaliser ce geste et de ringardiser la dénonciation du nazisme. Le milliardaire a déclaré : « C’est dépassé, c’est usant, ce truc de comparer tout le monde à Hitler ». Il avait déjà affirmé qu’il fallait « cesser de voir Hitler comme le mal absolu ».

Après son geste, il enfonçait le clou en publiant un tweet, liké des dizaines de milliers de fois, truffé de jeux de mots nazis, avec les noms des dignitaires du régime hitlérien. Il s’agissait donc d’un acte réfléchi, tactique. L’homme le plus riche du monde remet à la mode un salut nazi tout en prenant ça à la rigolade. Il banalise le mal, littéralement.

Mais ce n’est pas tout. Elon Musk donc, apporte son soutien total à l’AfD, « Alternative für Deutschland », le parti néo-nazi allemand qui connaît une ascension fulgurante ces dernières années. Pas plus tard que ce 25 janvier, il est intervenu lors d’un meeting du parti.

L’AfD avance de manière décomplexée, recyclant ouvertement les codes visuels du troisième Reich. Par exemple, une affiche diffusée lors d’élections en Thuringe montre une famille uniformément blonde aux yeux bleus, avec les deux parents faisant un salut bras tendu, formant une maison protectrice au dessus de leur progéniture. Un clin d’œil au nazisme évident.

Une autre affiche utilisait le mot « lebensraum » pour désigner le cadre de vie germanique. Dans l’Allemagne hitlérienne, le « lebensraum » – qu’on peut traduire comme « espace vital » au sens biologique, ou biotope racial – était un concept central, justifiant l’annexion de l’Europe de l’Est pour la donner au peuple aryen, tout en éliminant les races inférieures et en réduisant en esclavage les slaves.

« Camp Auschwitz »

Parmi les centaines d’émeutiers d’extrême droite arrêtés suite à l’attaque du capitole en 2021, et qui viennent d’être graciés par Donald Trump, on trouve de nombreux militants néo-nazis. Par exemple un certain Keith Packer, qui a été photographié portant un t-shirt « CAMP AUSCHWITZ » lors de l’assaut, accompagné de la mention en anglais « le travail rend libre », la formule nazie inscrite à l’entrée du camp de la mort.

La Shoah est une « opération de fabrique de biscuits »

Autre ami du duo Trump-Musk : un certain Nick Fuentes, influenceur néo-nazi. En janvier 2019, ce dernier avait diffusé en ligne un discours dans lequel il comparait la Shoah à une « opération de fabrication de biscuits ». En 2021, il avait été banni de Twitter et avait déclaré, dans une intervention au Texas, qu’il n’avait « plus rien à perdre. Ce sera le discours le plus raciste, sexiste, antisémite et négationniste de l’Holocauste ce week-end ». En 2022, Fuentes faisait l’éloge d’Adolf Hitler en s’amusant que les médias aient comparé Vladimir Poutine à Hitler en s’exclamant : « comme si ce n’était pas une bonne chose ».

Nick Fuentes a aussi participé aux rassemblements ayant conduit à l’attaque du Capitole. En 2022, lorsqu’Elon Musk a racheté Twitter, il réactive le compte de cet influenceur, comme de milliers d’autres aux mêmes idées.

Le 6 novembre 2024, Fuentes se réjouissait de la victoire de Trump dans une vidéo intitulée « Ton corps, mon choix », où il déclare à l’adresse des femmes : « Les hommes gagnent de nouveau ! […] Nous allons vous garder à terre pour toujours. Vous ne contrôlerez jamais vos propres corps ! » Quelques jours plus tard, il frappait une militante féministe.

La gauche diabolisée

Avec des éléments aussi accablants, on pourrait s’attendre à ce que Trump, Musk et leurs réseaux soient universellement considérés comme des néo-nazis, qu’ils soient condamnés, mis au ban des Nations, vilipendés par Israël et par toutes les structures mémorielles. Il n’en est rien.

Les hommes les plus riches et puissants du monde sont allés à l’investiture de Trump. Elon Musk continue d’être encensé, la plupart des médias ont même réussi à mettre en doute le salut nazi du propriétaire de Tesla.

La diabolisation s’exerce au contraire à l’égard de la gauche, des soutiens de la Palestine, accusés quotidiennement d’antisémitisme sans le moindre début de preuve. Prenons l’exemple des médias français : avez-vous entendu le dixième de la diabolisation exercée contre Mélenchon à l’égard de Trump ? Évidemment, non. Il est moins grave de réhabiliter Auschwitz que de défendre Gaza. Le règne de l’inversion est total, les faits et la vérité ont été abolis.

Plus incroyable encore, en apparence du moins, Trump et Musk sont les plus grands alliés d’Israël. D’ailleurs le gouvernement de Netanyahou n’arrête pas de féliciter le nouveau président des USA.

Comment en est-on arrivé là ?

Pourquoi des antisémites, parfois même des nostalgiques d’Hitler, soutiennent-ils Israël ? Cela paraît fou mais c’est très simple : l’extrême droite occidentale aime Israël pour la même raison qu’elle haïssait les juifs il y a 100 ans. L’antisémitisme européen voyait les juifs comme des « déracinés », des « cosmopolites », sans État donc suspects par nature, déloyaux et vus comme potentiellement révolutionnaires, donc impossibles à assimiler.

C’est la même extrême droite qui adore Israël en tant qu’État militarisé, religieux, ancré sur un territoire, expansionniste et raciste. Il n’y a aucune contradiction, même si cela parait déconcertant : les fascistes sont antisémites pour les mêmes raisons qu’ils sont pro-Israël !

Par extension, un pays comme l’Inde, dirigé par Narendra Modi, membre du BJP, un parti nationaliste et raciste, inspiré des partis fascistes des années 1930, est un soutien absolu d’Israël. De même, Javier Milei, président d’extrême droite argentin, pro-Israël et souhaitant se convertir au judaïsme, parle d’un « geste innocent » à propos de Musk.

Nous assistons à une coalition des nationalistes et des suprémacistes partout dans le monde, qu’ils soient en Israël, en Europe ou en Amérique, unis par le même élan : coloniser, tuer, expulser, écraser les plus faibles.

L’alliance des fascistes de tous les pays permet aux néo-nazis occidentaux d’éviter les accusations d’antisémitisme – en dépit du bon sens – puisqu’ils ont le soutien du gouvernement israélien. Et cela permet au contraire de diffamer la gauche et les anticolonialistes, qui ont pourtant toujours lutté contre tous les racismes.

L’article sur Contre Attaque

À lire également...