Petit topo sur les suites possibles de la garde-à-vue

En ce temps de mouvement social, où on se prend de plein fouet un maximum de répression, on s’est dit que ça pouvait être intéressant de détailler les suites possibles de la garde-à-vue.

C’est parce qu’on s’est posé des dizaines de fois les mêmes questions sur le déferrement, la comparution immédiate différée, les pouvoirs du JLD et tout le tralala qu’on a eu besoin de travailler sur un document qui explique, clairement et précisément, les suites possibles d’une garde-à-vue. Une garde-à-vue peut avoir lieu dans le cadre des trois grands types d’enquêtes : l’enquête de flagrance, l’enquête préliminaire et l’information judiciaire. Les suites possibles de la garde-à-vue dans les enquêtes préliminaires et de flagrance sont sensiblement les mêmes (y’a seulement quelques détails qui changent). Pour l’information judiciaire, la garde-à-vue ne fonctionne vraiment pas de la même manière, et les conséquences sont très différentes. Donc on en parle pas dans ce schéma, mais peut-être qu’un schéma du même type arrivera !
Voici donc un schéma qui tente de détailler clairement les suites possible d’une gav, et en dessous, un texte explicatif avec plus de détails. Il manque probablement des infos, si vous avez des trucs à ajouter/corriger, on vous propose d’en discuter sur ce pad : https://pad.riseup.net/p/schemasuitesdelagav-keep

Dans le cadre des enquêtes préliminaires ou de flagrance, la décision des suites d’une gav est aux mains d’un.e procureur.e. Iel peut choisir de te laisser sortir directement à la fin de ta garde-à-vue, ou te déférer, c’est-à-dire de t’emmener au tribunal, et d’avoir un entretien avec toi (qui s’appelle l’orientation).
Si tu sors directement après ta garde-à-vue, tu peux possiblement sortir sans suites : dans ce cas là, c’est bénef. Mais tu peux aussi sortir avec une convocation pour un procès ultérieur qui t’es remise par un officier de police judiciaire (on parle de COPJ). Dans ce cas là, tu n’auras pas de contrôle judiciaire en attendant ton procès. Un.e officier de police judiciaire peut aussi te proposer une des sanctions de la grande famille des « alternatives aux poursuites » : ça peut être une convocation pour un stage, une convocation pour une composition pénale devant un.e substitut du procureur, une convocation devant un.e proc pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, une ordonnance pénale, une « contribution citoyenne » (c’est-à-dire une amende de 3 000 € max au bénéfice d’une association), un avertissement pénal probatoire (c’est le nouveau nom du rappel à la loi), un classement sous conditions (c’est presque comme un avertissement pénal probatoire)…
Détaillons un petit peu :

  • La composition pénale, c’est un entretien devant un.e délégué du procureur (c’est-à-dire un vieux proc décrépi à la retraite). Iel propose une sanction, qui peut-être : une amende, un travail non rémunéré, un stage, une obligation de soin. Tu peux refuser cette sanction, et dans ce cas là, la procédure se transforme en général en procès.
  • L’avertissement pénal probatoire, c’est un rappel à loi, c’est pas inscrit dans ton casier judiciaire, mais, si tu commets à nouveau le même délit dans les 2 ans après un avertissement pénal, celui-ci peut-être révisé et tu peux être jugé pour le délit initial.
  • L’ordonnance pénale, c’est un jugement réalisé sans que tu puisse y assister. Elle peut notamment avoir lieu pour des procédures de vol, d’outrage, de diffamation. Le juge peut décider d’une sanction qui peut aller jusqu’à 5 000 € d’amende, de te donner des travaux d’intérêt généraux (TIG), un stage, voir des jours amendes (c’est-à-dire que tu dois verser une certaine somme par jour sur une certaine durée, et que si tu la verse pas, tu risques la prison pour les sommes manquantes). Elle peut entraîner une mention au casier judiciaire.
    Dans tous les cas, on peut refuser les alternatives aux poursuites, ce qui, dans la plupart des cas, nous emmener en procès, mais pas systématiquement. On peut donc au final s’en sortir sans rien. Dans les alternatives aux poursuites, on a jamais accès au dossier de l’affaire et on ne peut donc pas se défendre : raison de plus pour les refuser.

On peut aussi sortir du commissariat avec une audition pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Tu peux aussi la refuser, et tu seras dans ce cas dans la plupart des cas convoqué pour un procès. La CRPC peut avoir lieu quand tu reconnais que tu as commis un délit (ça c’est en théorie, tu peux te retrouver en CRPC alors que t’a rien déclaré de ta garde à vue). La CRPC commence par une audience devant lea procureur.e (qui peut avoir lieu pendant ton déferrement, on y reviendra), qui propose une sanction, qui peut-être : une peine de prison, une amende, etc, etc. Ensuite, 3 possibilités : tu peux refuser la sanction, dans ce cas là tu risques de te retrouver avec un procès classique, tu peux aussi l’accepter, ou demander un temps pour réfléchir à accepter ou non la sanction (dans ce cas là, tu peux être présenté devant un JLD qui peut décider de ton placement en détention provisoire ou en contrôle judiciaire, et une nouvelle audience aura lieu dans les 10 à 20 jours). La CRPC peut entraîner une mention au casier judiciaire.

L’autre possibilité, c’est donc le déferrement. Au tribunal, on passe devant un.e procureur.e, c’est « l’orientation » (l’orientation est souvent déjà décidée par le proc au moment où il décide du déferrement, cette audition devant le proc est donc là plus pour faire joli qu’autre chose). À ce moment-là, lea proc peut décider :

  • de te relâcher sans poursuites (mais c’est vraiment rare) ;
  • de te proposer une de toutes les alternatives aux poursuites dont on a parlé précédemment ;
  • de te proposer une de toutes les alternatives aux poursuites dont on a parlé précédemment ;
  • de te convoquer pour un procès ultérieur : dans ce cas-là, y’a deux possibilités :
    • La première, c’est la convocation par procès verbal (CVPP). La date du procès doit être dans les six mois après la remise de cette convocation, et lea proc peut décider de ne pas te mettre de contrôle judiciaire. Mais il peut aussi demander à ce que tu passes devant un juge des libertés et de la détention (JLD), qui peut lui décider d’un placement sous contrôle judiciaire (interdiction d’une ville, de rues, de participer à des manifestations, de voir des co-auteurices ; obligation de pointage, obligations de soins, ...).
    • La deuxième, c’est la comparution à délai différé (CDD). Dans ce cas, le procès doit avoir lieu dans les deux mois, et le passage devant le JLD est obligatoire. Iel peut décider de ne rien faire, d’un placement sous contrôle judiciaire ou d’un placement en détention provisoire.
  • Enfin, lors de l’orientation, lea proc peut aussi décider d’une comparution immédiate. C’est un procès qui a lieu directement à l’issue du déferrement. On peut à ce moment-là choisir d’être jugé.e sur le moment ou d’avoir un délai pour préparer sa défense. Être jugé.e sur le moment, c’est d’abord risquer des peines plus lourdes, et c’est aussi ne pas avoir accès au dossier de procédure, donc ne pas pouvoir préparer sa défense. Il faut donc demander un délai. Le juge peut alors ne rien faire, te placer en contrôle judiciaire, ou en détention provisoire en attendant le report du procès, qui doit avoir lieu dans les 2 à 6 semaines (sauf si la peine encourue est supérieure à 7 ans de prison : dans ce cas-là, le procès doit avoir lieu dans un délais entre 2 et 4 mois). C’est notamment là que les garanties de représentation sont importantes : elles peuvent permettre d’éviter la comparution immédiate.
Petite précision : dans le cas très particulier où la comparution immédiate ne peut avoir lieu le même jour que l’orientation (notamment quand l’orientation est un dimanche, et que les chambres de comparution immédiate sont fermées), il y a alors comparution immédiate différée : on passe devant un JLD qui décide souvent de nous placer en détention provisoire (mais qui peut aussi décider d’un placement sous contrôle judiciaire), et l’audience de comparution immédiate doit avoir lieu sous les 3 jours. À ce moment-là, on pourra aussi demander un délai pour préparer sa défense, et risquer un contrôle judiciaire ou un placement en détention provisoire. Et vu que tu as déjà passé une ou deux nuit en prison, les juges ont plus tendance à placer en détention provisoire en attendant le report de comparution immédiate.

Le schéma en format pdf :

Quelques définitions

  • Les garanties de représentation : c’est des pièces qui vont montrer à la justice que le risque de récidive et le risque que tu fuies la justice sont faibles, comme un contrat de travail, une promesse d’embauche, un certificat de scolarité, une preuve d’engagement dans une association, un justificatif de domicile, une attestation d’hébergement, et surtout une pièce d’identité. Tout cela peut être fabriqué sur mesure !
  • Le CJ : le contrôle judiciaire, c’est une mesure que prend un JLD ou un juge pour s’assurer que tu va bien être présent à ton procès. Il se base notamment sur les garanties de représentation que tu va fournir : pièce d’identité, preuve d’activité (contrat, ou engagement associatif) et justificatif de domicile. Le CJ peut t’interdire de fréquenter certains lieux voire certains départements, d’aller en manifestation, de voir certaines personnes, et il peut t’obliger à « pointer » au comico de ta ville de résidence régulièrement, ou à faire des soins.
  • L’officier de police judiciaire : c un.e keuf qui a plus de pouvoir et de diplômes que les autres.

Pour plus d’infos sur l’antirep, on vous conseille le manuel de défense collective de la rue au tribunal, version octobre 2022 :

Et voici les textes de loi sur le sujet :

Et un lien vers des brochures antirep sur pleins de sujets différents : https://rajcollective.noblogs.org/

À lire également...