Alors que les députéEs voteront la loi de “lutte contre le système prostitutionnel”, qui n’est rien d’autre qu’une loi de lutte contre les putes (voir notre dossier de presse), le STRASS vous invite à un rassemblement, ce mercredi 4 décembre, 19h place des Invalides.
----Extraits du dossier de presse du STRASS
Introduction
Le texte de la proposition de loi déposée par Maud Olivier et Catherine Coutelle, rendu public le 10 octobre 2013, entend « renforcer la lutte contre le système prostitutionnel » et contient 21 articles, censés chacun lutter contre la prostitution : de la lutte sur Internet, à l’éducation non- sexiste à l’école, en passant par la pénalisation des clients.
Si le texte est encore pire que ce que nous imaginions, il a toutefois le mérite d’être clair, y compris dans son intitulé : il est bien question de « lutter contre le système prostitutionnel », soit de s’attaquer à la prostitution dans son ensemble et sous toutes ses formes. On est loin des velléités affichées de « sauver les victimes d’exploitation sexuelle ».
L’approche répressive étant évidente et revendiquée, nous pensions toutefois que les auteurEs de la PPL enjoliveraient leur projet à coups de promesses d’ordre social.
Il n’en est rien : sous prétexte de « protéger » les travailleurSEs du sexe, ce texte ne vise qu’à rendre leurs vies plus difficiles, en les mettant toujours plus sous la tutelle de l’État et de quelques associations abolitionnistes qui prétendent les sauver d’elles- mêmes, en conditionnant leur aide à l’arrêt de la prostitution.
Le texte est introduit par cette célèbre citation du préambule de la Convention des Nations Unies de 1949, « La prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l’individu, de la famille et de la communauté ».
En choisissant cette ouverture, Mmes Olivier et Coutelle s’inscrivent directement dans la lignée de cette convention qui, pour ne pas changer, amalgame traite, travail forcé et prostitution, au mépris des réalités de terrain.
Sont ensuite rappelés les « constats » qui avaient été faits par la « mission d’information sur la prostitution en France » dans le rapport Geoffroy/Bousquet d’avril 2011. Ces constats ne sont pourtant qu’une série d’affirmations aussi péremptoires qu’inexactes.
Les conclusions de ce rapport de 2011 reposent notamment sur des chiffres, toujours les mêmes et toujours aussi invérifiables, selon lesquels il y aurait « 20 000 personnes prostituées en France, dont 85% sont des femmes ». Ce chiffre de 20 000 est tiré d’un rapport de l’OCRTEH et se base sur l’activité policière, avec tous les biais que cela comporte (arrestations en priorité des travailleurSEs du sexe de rue et/ou migrantEs notamment). Seule la prostitution visible est ainsi quantifiée.
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L’approche adoptée dans cette proposition de loi est d’autant plus incohérente que lorsque la nécessité d’abroger le délit de racolage public est évoquée, c’est au nom de la contradiction qu’il y a à pénaliser des personnes qualifiées de victimes, de son inefficacité en termes de lutte contre le proxénétisme et la traite à cette fin, et des difficultés rencontrées par les travailleurSEs du sexe désireuxSES de se « réinsérer » et dont le casier judiciaire mentionne des condamnations pour racolage public. Aucune mention des conséquences désastreuses en termes de santé et de sécurité !
Ce déni des conséquences sanitaires désastreuses du délit de racolage public, dénoncées et prouvées depuis des années par de très nom- breuses structures5, facilite l’introduction d’une nouvelle mesure répressive, la pénalisation des clients, qui aura sur la santé et la sécurité des travailleurSEs du sexe exactement les mêmes effets.
En conclusion :
Ces 21 articles pour une loi de « lutte contre le système prostitutionnel », sont 21 articles de lutte contre les putes.
S’il nous restait jusqu’ici des doutes quant aux intentions véritables de cette proposition de loi « abolitionniste », ils sont désormais levés.
Loin de vouloir œuvrer pour une société plus juste, il s’agit de toujours plus stigmatiser, toujours plus réprimer, celles et ceux qui dérangent, et ne veulent pas se plier au point de vue abolitionniste ; de toujours plus priver de droits celles et ceux qui ont déjà tant de mal à les exercer, au nom d’une idéologie qui n’a que faire des réalités de terrain et des analyses et témoignages des premièrEs concernéEs.
Les mesures sociales tant attendues se limitent à l’obtention, pour les personnes identifiées comme victimes d’exploitation sexuelle et élues au bénéfice de l’article L. 316-1 du CESEDA, à de précaires titres de séjour ou d’une ATA, obtention conditionnée à l’arrêt du travail sexuel.
Pratiquement aucune des 94 recommandations de la CNCDH pour lutter plus efficacement contre la traite et l’exploitation des êtres humains en France n’a eu d’écho.
Rien sur les droits des migrantEs en général (alors que beaucoup exercent justement le travail sexuel faute de pouvoir travailler légale- ment en France).
Rien sur les droits des trans’ (alors que beaucoup, là aussi, exercent le travail sexuel faute de trouver un emploi ailleurs, notamment en raison des difficultés qu’ils et elles rencontrent pour effectuer leur transition et changer d’état civil).
Rien sur la lutte contre la précarité, notamment des femmes, minorités sexuelles, et étudiantEs.
Rien sur la santé, qu’il s’agisse de la prévention du VIH et autres IST, ou de la santé générale, physique et psychologique,des travailleurSEs du sexe, quant on sait quelles conséquences de mauvaises conditions de travail peuvent avoir sur celle-ci.
Rien sur le financement de formations professionnelles qui pourraient faciliter la réorientation des travailleurSEs du sexe.
Rien sur l’aide aux personnes âgées, notamment des travailleurSEs du sexe qui, ne pouvant toucher de retraite, continuent à exercer bien au-delà de
l’âge légal de départ.
Aucune mesure sociale, donc, mais toujours plus de répression, qu’il s’agisse de (cyber)-flics prêts à faire la chasse aux putes sur tous les ter-
rains, ou d’« associations agrées » en charge de vérifier qu’on ne continue pas à exercer notre travail.
Les prohibitionnistes en avaient rêvé, les abolitionnistes l’ont fait !