Les événements de 1967 en Guadeloupe
L’année 1967 en Guadeloupe avait sans doute commencé en mars dans l’éclat de révolte qui avait déferlé sous le ciel de Basse-Terre. Le dogue d‘un négrophobe lâché sur un des nôtres. D’un côté, l’Europe arrogante, bourgeoise et commerçante, en la personne de Srnsky propriétaire d’un magasin Sans Pareil et ami de Jacques Foccart. De l’autre Balzinc, cordonnier âgé handi noir, et pauvre. Mais ni là ni avant, ni aujourd’hui ni demain il est dit que notre peuple subira toujours. La foule apprend l’attaque ; on appelle la police. La police ne fait rien. La police ne fit rien. À part aider à la fuite Srsnky. Alors pendant trois jours la colère tonne de soif de justice. Et le peuple se masse devant le magasin. Dans un même mouvement, le préfet Bolotte feint de soutenir la foule et envoie la foudre : renforts, arrestations massives, tabassages, interdiction d’attroupement et de réunion, fermeture des débits de boissons, ville quadrillée. Sans surprise, une vingtaine de Guadeloupéens seront lourdement condamnés à la fin de l’année 1967 alors que Srnsky, lui, a opportunément disparu et ne sera jamais jugé.
Le 23 mars, à Pointe-à-Pitre, la dynamite explosait une partie de la façade d’un magasin Sans Pareil appartenant au frère de Srsnky.
Depuis mars, l’administration coloniale est sur les dents. Décidée aussi. Décidée à faire payer l’affront de la révolte. La France craint aussi clairement le nationalisme guadeloupéen qui, stimulé par l’exemple algérien, se développe considérablement depuis une décennie avec notamment la fondation du Front Antillo-Guyanais pour l’autodétermination, à l’initiative d’Albert Béville, Édouard Glissant, Marie-Joseph et Marcel Manville – Front très vite dissous par De Gaulle et contraint à l’activité clandestine.
En 1962 se produit le mystérieux crash du Boeing, qui, ça tombe bien pour le pouvoir colonial, coûte la vie à de nombreux militants : Béville, Tropos, le Guyanais Catayé et bien d’autres.Le GONG, né en France en 1963, s’implante en Guadeloupe dès 1964 pour propager ses idées indépendantistes et ses actions. En 1967 il est le groupe dont le pouvoir colonial a le plus peur, surestimant d’ailleurs largement ses capacités organisationnelles et insurrectionnelles de l’époque. D’un point de vue du contexte politique il ne faut pas négliger non plus l’importance du Parti communiste guadeloupéen, bourgeois dans ses orientations, très opposé aux positions nationalistes et qui n’hésite pas à s’acharner sur ses dissidents. C’est un communiste, Henri Bangou, qui est à l’époque maire de Pointe-à-Pitre ; le pouvoir sait donc qu’il peut compter sur le PCG comme allié passif. Ça se vérifiera dans les prises de position délirantes d’après les massacres, qui parlent notamment de complot visant à éliminer le PCG ourdi par des impérialistes présents dans les milieux gauchistes. En gros, le PCG accusera le GONG et la Vérité (groupe dissident d’anciens membres du PCG) d’être manipulés par… la CIA. Le PCG ira même, après ce véritable massacre colonial, jusqu’à réprouver les violences racistes de certain·e·s révolté·e·s qui s’en seraient pris à des touristes ou passants innocents ; quand le PCG inventait le racisme antiblanc… Mais venons-en aux événements.
Le mercredi 24 mai 1967, la grève des ouvriers des bâtiments débute en arrêts limités et elle est suivie à 100%. Ils réclament une hausse de salaire de 2%. Le jeudi 25 mai, elle s’étend et les travailleurs décident d’arrêter complètement le travail. Dans la matinée du 26, de nombreux ouvriers s’attroupent autour de la Chambre de commerce où ont lieu les négociations. À 12h45, les négociations sont ajournées. Les grévistes demeurent. Vers 14h30, la police se retire et ce sont les CRS qui arrivent pour aider les patrons à s’éclipser. Les coups et le gaz lacrymogène commencent à pleuvoir. Les manifestants demeurent une fois les employeurs évacués. Vers 15h, Bolotte ordonne de tirer sur la foule :
Les documents prouvent que de mars (émeutes de Basse-Terre) à mai (tueries de Pointe-à-Pitre) le préfet Bolotte, qui avait été un ancien secrétaire général à la préfecture d’Alger durant « la bataille d’Alger », s’était préparé à exercer une répression judiciaire et militaire « sans faiblesse » préventive contre le GONG, considérée comme l’organisation responsable de la montée de revendication contre l’État. C’est pourquoi, dès les premières échauffourées de l’après-midi le préfet donne l’ordre de tirer et rappelle l’escadron des forces spéciales de la gendarmerie mobile, en attente depuis le 22 mars et en cours d’embarquement à l’aéroport du Raizet. La même logique de la culture de répression coloniale fortifiée en Algérie lui fera obtenir sans discussion la permission de Jacques Foccart, secrétaire de l’Élysée et de Pierre Messmer, ministre des Armées, pour l’engagement de l’armée.Jack Nestor, membre du GONG, est le premier à tomber, explicitement désigné comme cible par le commissaire Canalès. Deux autres Guadeloupéens tomberont encore. Ensuite, la colère populaire explose, dérisoire, face à la détermination meurtrière du pouvoir colonial qui envoie gendarmes, CRS et parachutistes. Toute la nuit ça tire à vue un peu partout en ville, notamment à la mitrailleuse. Le samedi 27 mai, des jeunes, lycéens et étudiants partent en manifestation contre le pouvoir assassin à la sous-préfecture. Képis rouges et CRS attaquent de nouveau et la ville reprend feu. Encore des morts, encore des blessés encore des arrestations. Le 28 mai le calme est revenu.
En préfecture, le patronat va signer une « surprenante » augmentation de 25% pour les ouvriers du bâtiment beaucoup plus importante que celle refusée aux ouvriers quelques jours avant ! Tout cela avant que soit lancée une répression visant à faire porter au peuple guadeloupéen la responsabilité du massacre orchestré par les forces colonialistes.
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Ce texte nous renseigne sur le contexte raciste et répressif du mois de mars 1967, quelques semaines avant les luttes, grèves et révoltes dues mois de mai.
D’autres informations vidéos sur ces événements.