Meurtre d’Aboubakar Cissé à la mosquée de la Grande-Combe : qui protège les musulman·es ?

Vendredi 25 avril au matin, Aboubakar Cissé, un jeune homme d’une vingtaine d’années, a été sauvagement assassiné à la mosquée Khadidja de La Grande-Combe, dans le Gard. Bien que l’enquête soit toujours en cours, le mobile islamophobe fait peu de doute : l’assaillant a filmé sa victime en revendiquant son attaque et en s’écriant « ton Allah de merde ». Tsedek ! présente ses plus sincères condoléances à la famille d’Aboubakar Cissé et à ses proches, et affirme son soutien à la communauté musulmane après ce drame.

L’émotion et le scandale que devrait provoquer une attaque d’une telle gravité ont pourtant mis un certain temps à transparaître dans les médias nationaux, qui ont initialement fait preuve d’une retenue dont ils sont peu coutumiers en d’autres circonstances. Les premiers articles sur le sujet évoquent un possible « règlement de comptes entre fidèles », sans remarquer le caractère ostensiblement islamophobe du crime. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau n’a pour sa part pas cru bon de bouleverser son agenda. Se contentant d’un tweet assurant de son « soutien » à la famille et de « sa solidarité » à la communauté musulmane, le programme du reste de sa journée a été consacré à un meeting de campagne pour la présidence du parti Les Républicains.

Par la suite, d’autres réactions se sont fait entendre au compte-goutte ; partout du « soutien » s’exprime, y compris chez Marine Le Pen. Pourtant, très peu font mention de l’évidence, de Bruno Retailleau qui a indiqué aujourd’hui sur BFM « ne pas connaître le mobile » du crime, jusqu’à une partie de la gauche qui rivalise d’euphémismes pour ne pas dire les choses telles qu’elles sont : la mort d’Aboubakar Cissé est un meurtre islamophobe.

Ce drame n’est malheureusement pas un fait isolé. Le 31 août dernier, Djamel Bendjaballah était assassiné à Dunkerque par un militant d’extrême-droite, après avoir déposé plainte plusieurs fois pour signaler les injures racistes qui le visaient. La police avait pourtant écarté tout mobile raciste, et évoqué un « crime passionnel » – qualification dont le combat féministe a largement démontré, à propos des féminicides, la nature dépolitisante. Cet assassinat n’avait été rapporté que par le média en ligne Blast, sans que les chaînes d’information en continu ne voient alors l’intérêt d’une édition spéciale. De la même façon, le 8 avril, deux femmes avaient été violemment passées à tabac à Joué-lès-Tours aux cris de « Rentrez chez vous, sales Arabes » ; les faits n’avaient été relayés que dans la presse régionale.

Pour les comprendre, il est absolument nécessaire de resituer ces crimes et ces agressions dans le continuum des discours et des politiques racistes qui structurent aujourd’hui la société française. Ils sont les conséquences très concrètes d’une islamophobie ouvertement entretenue par l’État français et les grands médias. L’année qui vient de s’écouler a ainsi vu plusieurs figures de la communauté musulmane être expulsées ou menacées d’expulsion du jour au lendemain, de l’imam Mahjoub Mahjoubi au président de la mosquée de Pessac, Abdourahmane Ridouane. En février dernier, l’humoriste Merwan Benlazar a pour sa part été exclu du service public à la suite d’une campagne raciste lancée par la députée européenne macroniste et ancienne membre du GUD Nathalie Loiseau. Entre temps, BFM TV avait trouvé le moyen d’imputer la pénurie d’œufs aux repas de rupture du jeûne du Ramadan. Le dernier épisode en date de cette longue série sont les débats indignes sur les musulman·es et le football, qu’il s’agisse des joueurs professionnels accusés d’entorse à la laïcité lorsqu’ils rompent le jeûne du Ramadan ou des femmes interdites de jouer à cause de leur hijab. Le point culminant de cette polémique avait été l’intervention nauséabonde de Bruno Retailleau le 26 mars dernier au colloque « pour la République » organisé par le lobby pro-israélien Elnet et soutenu par le mécène de l’extrême-droite Pierre-Edouard Stérin. Le ministre de l’intérieur s’était alors exclamé « à bas le voile ! » sous les applaudissements nourris de la salle. C’est cette islamophobie d’atmosphère qui crée les conditions et encourage le passage à l’acte meurtrier.

Mots-clefs : islamophobie

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