Création d’un Front de Gauche Antivalidiste pour lutter contre la loi sur l« aide à mourir »

Pour lutter contre la loi sur l« aide à mourir » et interpellez les députés sur le sujet, les militant.es anti-validistes ont formé.es le FGA, le Front de Gauche Anti-validiste. Ce texte est une copie de la lettre ouverte qu’iels ont rédigé pour interpeller les député.es avant le vote de la loi à l’assemblée.

Mesdames, Messieurs les député·es,

Vous examinez actuellement la proposition de loi relative à « l’aide à mourir », qui propose de légaliser en France l’euthanasie et le suicide assisté pour les malades qui demandent à mourir.

Par cette lettre ouverte, nous vous saisissons en tant que collectifs et associations de personnes handicapées, de personnes valides, membres de la société civile et soignant·es, engagé·es comme vous à gauche, afin de vous alerter devant l’extrême dangerosité de ce texte.

Rappelons à titre préalable que, contrairement à ce qui a été dit dans l’hémicycle et dans les médias, ce texte concerne bien une large proportion de personnes à la fois malades et handicapées. En effet, la distinction entre « handicap » et « maladie » apparaît totalement artificielle sur le sujet. Si le handicap résulte de l’interaction entre les limitations d’une personne et les obstacles qui l’empêchent de participer pleinement à la société (article 1 de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées ratifiée par la France), la maladie, quant à elle, est justement l’une des principales causes des limitations évoquées, qui peuvent être physiques intellectuelles ou sensorielles. Par conséquent, si toutes les personnes handicapées ne sont pas malades, de très nombreuses personnes malades sont aussi, de fait, handicapées. Il n’est donc pas nécessaire que le texte fasse référence au handicap, qui est une catégorie sociale, là où la maladie est une notion biomédicale, pour avoir vocation à s’appliquer à des personnes handicapées.

Les critères retenus par l’article 2 du texte relatif à « l’aide à mourir » qui n’ont rien de strict, confirment d’ailleurs que des personnes malades et handicapées, tous types de handicaps confondus, seront éligibles au dispositif et même qu’une grande partie des maladies invalidantes prises en charge par la sécurité sociale au titre des affections longue durée seront concernées.

De plus, si ce projet de réforme initialement relatif « à la fin de vie », rebaptisé « aide à mourir », prétendait concerner uniquement les personnes malades et handicapées dont le pronostic vital était engagé à court terme ou moyen terme, il est désormais clair que son dessein va bien au-delà des situations de « fin de vie » et qu’il est destiné aux personnes malades et handicapées dont la mort n’est ni imminente, ni proche, ni même prévisible, soit un nombre considérable de personnes.

Dans une société en plein effondrement social, dans laquelle l’hôpital est à l’agonie, les aides humaines et matérielles à domicile dramatiquement insuffisantes, et où le handicap, la vieillesse, la dépendance conduisent à l’exclusion et à la relégation dans des institutions, il ne fait aucun doute qu’avec ce texte de nombreuses personnes malades, handicapées et âgées se retrouveront contraintes de demander à mourir, non par réelle envie de mettre fin à leurs jours, mais parce qu’elles n’auront tout simplement plus les moyens de se soigner, de continuer à vivre et d’échapper à des souffrances auxquelles la société pourrait remédier si elle en faisait sa priorité.

Invoquer la liberté individuelle ou l’instauration d’éventuels « remparts » pour balayer d’un revers de main ce risque évident ne suffit pas.

La gauche ne peut ignorer qu’il n’y a pas de liberté sans égalité et que dans une société aussi inégalitaire que la nôtre, tout le monde ne bénéficie pas réellement de la même marge de manœuvre dans ses choix. La liberté des personnes malades et handicapées en particulier est des plus réduite quel que soit le domaine. La plupart d’entre elles vivent dans la pauvreté, ne choisissent ni leur lieu, ni leurs conditions de vie ou de soins, ni leurs aidants et sont soumises à d’innombrables pressions d’ordre familial, médical, et social. Alors même que les politiques publiques menées contribuent bien souvent à organiser leur précarité et leur dépendance et les privent de la maîtrise de leur existence, il est particulièrement hypocrite de prétendre qu’elles pourraient soudainement retrouver leur entière liberté au moment – seulement – du choix de leur mort. Cette hypocrisie est d’autant plus grave, que la société s’évertue également chaque jour à convaincre ces mêmes personnes malades et handicapées que leur mort est toujours préférable à leur maintien en vie puisqu’elles sont considérées comme inutiles, improductives et comme un poids pour le reste de la collectivité.

Par ailleurs, nous attirons votre attention sur le fait qu’aucune garantie, quelle qu’elle soit, ne sera de nature à sécuriser ce texte et à prévenir, d’une part, que des personnes malades et handicapées se dirigent vers ce dispositif par défaut, d’autre part, qu’il soit étendu à toujours plus de malades. Les exemples étrangers des pays ayant légalisé le suicide assisté et l’euthanasie, comme le Canada, sont sans appel. Une fois le principe adopté, l’élargissement des critères (maladies psychiatriques, mineurs, personnes âgées via les polypathologies, personnes atteintes de troubles cognitifs), l’augmentation des demandes, y compris pour des raisons plus sociales que médicales, est inéluctable. Aujourd’hui l’euthanasie représente 7% des décès au Québec, et un quart des Québecois estime dorénavant que la précarité devrait être un critère pour l’accès à l’euthanasie.

Ces dérives ne sont pas de simples conséquences malheureuses mais sont consubstantielles à ce type de texte. En effet, en légalisant le suicide assisté ou l’euthanasie, soit en réalité deux modalités de suicide, le suicide deviendrait un droit. Dès lors qu’il s’agira d’un droit, comment justifier la prévention du suicide tant à l’égard des personnes malades et handicapées que du reste de la population ?

Comment s’opposer sur la durée et sans se contredire à ce que ce droit soit étendu à plus que les personnes malades ou en souffrance qui le revendiquent ? Comment ne pas être amené·e à mettre en concurrence les souffrances et à opérer un tri entre les idées suicidaires, entre les vies qui méritent d’être vécues et soutenues et celles qui ne le méritent pas ? Comment ne pas s’apercevoir que la simple existence de ce droit constituera une incitation au suicide pour les personnes éligibles en permettant un passage à l’acte rapide et simple, là où l’obtention des soins et des aides est longue et complexe ? La réponse légale et collective apportée à la question du suicide doit rester cohérente et ne peut décemment se permettre de faire une distinction entre les personnes malades et celles bien portantes comme le propose ce texte. Sinon, c’est toute la politique publique de prévention du suicide qui se retrouverait anéantie et la hiérarchisation des vies légitimée.

En tant qu’élu·es de gauche vous avez une responsabilité particulière. Vous ne pouvez soutenir ce projet sans trahir vos valeurs. Dans la période lugubre que nous vivons, dans laquelle les idées fascisantes et eugénistes se déploient sans complexe, dans laquelle le système économique et l’abandon de la santé publique fragilisent les personnes malades et handicapées, tout en augmentant leur nombre, vous ne pouvez avoir la mort pour seul horizon à leur offrir. Vous ne pouvez l’assimiler à un soin ou à un quelconque « progrès », ni prétendre qu’elle est « une solution », et mettre ainsi en danger la vie des plus vulnérabilisées d’entre elles. Vous vous devez de proposer, au contraire, aux personnes malades et handicapées des perspectives d’amélioration de leurs conditions de vie et défendre des mesures susceptibles de remédier à toutes les souffrances et les morts qui peuvent être évitées.

Eu égard à tout ce qui précède, nous, organisations et citoyen·nes signataires de cette tribune, vous demandons instamment de vous opposer totalement et fermement à cette proposition de loi et de voter contre le 27 mai prochain.

Nous comptons sur vous,

Pour signer, cliquez ici.

Le Front de gauche anti-validiste composé de : Collectif JABS, Le CLHEE : Collectif Lutte et Handicaps pour l’Egalité et l’Emancipation, Handi-Social, CUSE : Collectif Une Seule École, CLE Autistes, Les Dévalideuses, Collectif de Lutte Anti-Validiste (CLAV), Corps Dissidents, Elisa Rojas, Avocate et militante, Elena Chamorro, enseignante et militante, Odile Maurin, élue municipale, présidente d’Handi-Social, Johanna-Soraya Benamrouche, militante

Soutien, associations, collectifs : ARRA Association pour la Réduction des Risques Aéroportés, l’association Winslow Santé Publique, #NousToutes, SNJMG syndicat national des jeunes médecins généralistes, Pour une Santé Engagée et Solidaire, collectif d’étudiant·es en santé de Sorbonne Université, L’Observatoire Féministe des Violences Médicales, Collectif 25 Novembre, Féministes contre le cyberharcèlement, Collectif Génération Panasiatique, Les Dégommeuses, AcceptessT, Collectif Queer du Pays de Redon, Collectif Dévalidiste du Pays de Redon, Transistor Collectif, association d’auto soutien trans et TDS (travailleureuses du sexe), Syndicat handi angoumoisin, Cabrioles, Carnet de recherche pour l’autodéfense sanitaire face au Covid-19, Association les Cousines de L’Est, Mask Bloc Lille, Mask Bloc Lyon, Paye ta Psychophobie, Espace QG - Bibliothèque Queer&Genres, FURAX

Soutien, signatures individuelles : Plus de 300 militante·s anti-validistes et pour la justice sociale, personnes handicapées et membres de la société civile, élu·es, soignante·s, syndicalistes, journalistes, retraité·es, chercheureuses… (la liste complète sera publiée en ligne)

Grace Ly, autrice ; Laura Nsafou, autrice ; Amandine Gay, autrice et réalisatrice ; No Anger, artiste ; Elsa Dechézeaux, médecin généraliste ; Mélina Germes, chercheure au CNRS ; Alexandre Legrain, militant antivalidiste, syndicaliste Solidaires ; Rizzo Boring, artiste handie et militante associative en santé communautaire, Ahmed Hammad, militant-e à Handi-Social et autonomie de classe ; Alex Deval, militant écologiste & pour les droits des personnes LGBTQIA+, handicapé invisible, Mathieu Bellahsen, psychiatre et lanceur d’alerte ; Catherine Fromage, élue locale ; Lydie Raër, activiste aux Dévalideuses et conseillère municipale écologiste à Ivry-sur-Seine ; Olivia Draghici Campolo, AESH ; Daisy Letourneur, autrice et militante transféministe ; Schnell Julien, syndicaliste CGT ; Fatima Benomar, militante féministe ; Latifa Oulkhouir, directrice de l’association le mouvement ; Aden Nasteho, conseillère municipale et territoriale ; Nina Faure, réalisatrice ; Anne-Sophie Bosson, retraitée ; Faroudja Hocini, Psychiatre, psychanalyste, aidante ; Asiya Bathily, réalisatrice et soignante ; Nadia Morand, activiste aux Dévalideuses, sexologue clinicienne ; Sufjan Valero, illustrateur et artiste, handicapé/malade chronique ; Luck, artiste, membre du Clav ; Nawal Zouak Seddiki, Balance Ton Boss et Inclusivité·es ; Naël.le “Zoriaah”, illustratrice, autiste ; Arthur Picou, Salarié grande surface ; Mounia El-Kotni, anthropologue ; Élijah Djaé, artiste et militant-e anti-validiste, Selma Oumari, bibliothécaire, militante CGT ; Sahara Azzeg, artiste militant queer crip spécialiste des questions d’arts militants handi queer contemporain ; Emily Tante, Drag-queen ; Alexia Soyeux, podcast Présages, Eva Doumbia, metteuse en scène et autrice anti-raciste ; Zig Blanquer, militant autonomiste et plus de 300 autres, Sarah Zouak, co-fondatrice de l’association Lallab ; Aaliyah Xpress, Drag Queen ; ElliTessier, Militant lgbtqia+ et handicapé ; Tara Dickman, Responsable associative, formatrice et enseignante

Note

Pour aider dans cette lutte vous pouvez vous informez sur ces sites :
https://stoploieuthanasie.fr
https://linktr.ee/viedigne

et signez la lettre aux député.es : https://framaforms.org/lappel-du-front-de-gauche-anti-validiste-contre-la-loi-euthanasie-1747852505

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