Loi Cazeneuve : ne nous laissons pas terroriser par l’État !

L’adoption de cette nouvelle loi contre le « terrorisme » nous concerne directement tant cette notion est floue et glissante. Si la communication gouvernementale se fait autour des méchants djihadistes quittant la France pour la Syrie ou l’Irak, le corps du texte permet d’une part, la simplification du travail des services de renseignements dans un cadre beaucoup plus large, et d’autre part la restriction de libertés de presse et d’opinion [1].

« 930 français ou résidents sont impliqués dans le terrorisme en Syrie ou Irak », c’est ce que nous apprend le gouvernement par twitter et tous les médias de masse. C’est donc pour réagir face à cette grande menace (le terrorisme, je précise parce que c’est pas évident non plus) que le gouvernement a fait voter ce matin à l’Assemblée Nationale un projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. (Qui plus est en procédure accélérée, parce que bien sûr, c’est urgent. Procédure accélérée signifie que les débats parlementaires interviennent dans un délai plus court et qu’il n’y aura qu’une lecture à l’Assemblée et une au Sénat).

Le gouvernement énonce donc clairement que rejoindre une filière djihadiste en Syrie et en Irak est considéré comme du terrorisme. Je pense qu’il a raison, seulement primo, il se place en position de juge des combats qui peuvent être menés par des individus (ceux qui ont rejoint la révolte syrienne en 2011 n’ont pas été inquiété et que dire des départs pour l’Ukraine, dans des camps différents d’ailleurs). Secundo, l’État se saisit de ce problème pour se doter de moyens d’action sur son territoire contre toute forme de contestation de l’ordre établi.

Des députés ont adoptés jeudi 18 septembre 2014, dans une assemblée réduite au minimum, un projet de loi relative à l’amélioration de la lutte contre le terrorisme.

Avant de rentrer dans les arguments politiques sur ce qui est profondément dérangeant dans ce texte de loi, il convient de préciser ce chiffre de 930 personnes « impliquées ». Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a annoncé lundi lors de sa présentation devant l’Assemblée Nationale : « Les effectifs combattants sont ainsi passés, depuis le 1er janvier, de 224 à 350, comprenant au moins 63 femmes et 6 mineurs. Le nombre d’individus plus généralement impliqués dans les filières djihadistes, en incluant les personnes en transit, celles qui ont quitté la Syrie, et les individus ayant manifesté des velléités de départ, est passé, au cours de la même période, de 555 à 932 ». On constate donc que dans les 930 personnes annoncées en grande pompe, seule 350 sont des cas avérés. Les 582 personnes restantes sont donc suspectées en ayant manifestées des velléités au départ. 930 personnes ne sont déjà qu’une poignée d’individus, mais on voit bien en y regardant de plus près que la réalité des personnes qui partiront effectivement est moindre.

C’est donc pour se prémunir contre cette « menace terroriste » que l’État est prêt à brader nos libertés. Le terrorisme n’est pas à prendre à la légère et j’imagine que les services de renseignement y travaillent activement. Mais ce que va permettre cette loi dépasse et de loin la lutte contre le terrorisme. En tout cas le terrorisme du moment (djihadistes en tout genre), car qui sait qui sera présumé terroriste demain. Si l’on s’en tient au texte de loi, qui ne spécifie pas qui sont les terroristes, beaucoup de citoyens engagés dans des luttes radicales risquent de s’exposer à des enquêtes et donc voir leurs droits suspendus [2]. Qui sait comment va se positionner le gouvernement si certains d’entre nous souhaitent soutenir l’indépendance de la Catalogne, les diverses ZAD ou même la confédération paysanne. En gros tous les articles qui prendraient parti pour telle ou telle lutte qui se déroule dans le monde pourraient tomber sous le joug de la lutte contre le terrorisme et être censurés.

De tout temps, l’État français à joué son rôle de promouvoir l’aspect sécuritaire avant la protection de nos libertés. Cela ne change pas, mais aujourd’hui ils sont en train de nous voler internet. La lutte continue, n’en déplaise au gouvernement qui a annoncé hier sur twitter que la loi a été adoptée. Alors qu’elle reste encore a passer devant le Sénat, que nombre de citoyens vont sensibiliser leurs députés afin de saisir le Conseil Constitutionnel (il faut 60 députés), et que d’autres réfléchissent à poser une QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) déposée par un Fournisseur d’Accès à Internet.

Cela n’empêchera pas la lutte, mais si cette loi va à son terme nous nous laissons tirer une balle dans le pied.

CZ

Notes

[1Voir cet autre article.

[2Voir là-dessus le site mis en place par la Quadrature du net qui analyse point par point les différents articles de la loi ainsi que cet article paru sur Paris-Luttes.info.].

Mots-clefs : anti-terrorisme

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