Fight Covid, Act Up

Article de l’Association pour la Réduction des Risques Aéroportés (ARRA), sur les gestes à promouvoir pour lutter contre la pandémie de Covid. Article publié sur leur site

Fight Covid, Act up

En français : « Combattre le COVID, agir ».

Contexte : cet article a été rédigé entre décembre 2023 et février 2024.

Affiche réalisée par Keith Haring, intitulée « IGNORANCE = FEAR, SILENCE = DEATH Fight AIDS ACT UP » (Ignorance = Peur, Silence = Mort, Combattre le SIDA, Agir), en 1989 pour l’organisation ACT UP.
Affiche représentant 3 personnages jaunes : un se cache les yeux, l’autre les oreilles et le dernier la bouche. Ils ont une croix rouge sur le corps.

IGNORANCE = PEUR

J’ai écrit ce document parce que je tiens à toi et que j’ai envie de te partager un certain nombre d’informations pour que tu puisses te protéger face au Covid. La démarche doit te paraître étrange ou bizarre pour le moment. Il y a de grandes chances que le Covid ne soit plus une source d’inquiétude pour toi depuis longtemps déjà. La situation sanitaire actuelle est pourtant bien plus grave que ce que tu peux imaginer et il y a urgence à ce qu’un maximum de personnes en prenne conscience le plus rapidement possible.

Dans ce document, je vais m’appuyer sur les principes de l’autodéfense sanitaire et de l’éducation populaire, dans la continuité des luttes menées par ACT UP depuis la fin des années 80 contre l’épidémie de VIH-SIDA. Face à l’inaction des institutions, nous devons réduire les risques et prendre soin les un·e·s des autres en nous réappropriant le savoir médical, parce que personne d’autre ne le fera pour nous.

Tu vas peut-être ressentir un sentiment d’inconfort face au décalage entre les informations partagées et ce que tu fais ou ne fais plus pour te protéger du Covid. Il n’y a aucune volonté de te culpabiliser. La situation sanitaire actuelle est le résultat de problèmes structurels, pas de la faute des individus. Je ne m’attends pas non plus à ce que tu me croies sur parole et je t’invite au contraire à remettre en question tout ce que tu vas lire ici et à t’approprier par toi-même ces informations.

L’état des connaissances scientifiques sur le Covid et les moyens de protection disponibles sont suffisants pour vivre sans danger : ni être contaminé par ce virus, ni le transmettre aux autres.

J’espère te donner envie d’agir.

Gab

INFORMATION = POUVOIR

Assemblée Générale d’ACT UP LA. Crédit : Chuck Stallard.
Assemblée de plusieurs dizaines de personnes assises en rond sur des chaises dont une partie lève la main.

Est-ce que l’on est toujours en situation de pandémie de Covid ?

2024 marque l’entrée dans la 5e année de pandémie de Covid depuis l’émergence du virus SARS-COV-2 en 2019.

C’est ce qu’a rappelé Maria Van Kerkhove, Directrice technique de la gestion des épidémies, et Responsable de l’unité des maladies émergentes à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le 31 décembre 2023 sur twitter [1]. Elle explique être préoccupée par la phase pandémique actuelle de Covid qui « reste une menace sanitaire mondiale causant bien trop de (ré)infections, d’hospitalisations, de décès et de covid long alors que les moyens pour empêcher cela existent ».

L’OMS n’a en effet jamais dit que la pandémie de Covid était terminée comme cela a été relayé par certains médias [2] et repris dans le langage courant. Le 5 mai 2023, l’institution a simplement mis fin au statut d’urgence sanitaire mondiale sur la promesse d’une immunité collective grâce aux vaccins, la baisse du nombre de décès et de la pression sur les hôpitaux, tout en rappelant que « La pire chose qu’un pays puisse faire maintenant est d’utiliser cette nouvelle comme une raison de baisser sa garde, de démanteler les systèmes qu’il a construits ou d’envoyer le message à sa population que le #COVID19 n’est pas un sujet de préoccupation. » [3]

Pour savoir si le Covid circule toujours activement en France, on peut d’abord regarder le nombre de cas confirmés par dépistage clinique (test antigénique/PCR).

Officiellement, voici la situation épidémique actuelle en France :

Nouveaux cas confirmés et journaliers de COVID-19 par million de personnes de mars 2020 à décembre 2023. Source : Tableau de bord COVID-19 de l’ONU.
Courbe des cas de COVID-19 en France de 2020 à fin 2023

On observe les différentes vagues épidémiques qui ont traversé le pays depuis 2020, y compris après la fin de l’état d’urgence sanitaire à l’été 2022, mais a priori plus rien depuis début 2023.

En juin 2020, Donald Trump expliquait que « Si nous arrêtions les tests maintenant aux USA, nous aurions très peu de cas de coronavirus. » [4] C’est exactement ce qui a été mis en pratique en France avec l’abandon de la politique de test systématique et le démantèlement progressif du principal outil de suivi des détections (SIDEP) qui permettait d’avoir une vision globale de l’évolution de la pandémie [5]. Par manque de prévention sur le sujet, il n’y a plus suffisamment de personnes qui se font dépister lorsqu’elles ont des symptômes évocateurs du Covid ou lorsqu’elles sont cas contact, et on ne peut plus évaluer correctement la circulation virale du Covid en France grâce au dépistage clinique.

Heureusement d’autres méthodes d’évaluation de la circulation du Covid existent comme la surveillance des eaux usées. Le virus se retrouve en effet dans les selles et l’urine des personnes infectées et en faisant des prélèvements réguliers dans différentes stations d’épuration réparties à travers le pays, on peut avoir une très bonne estimation de la circulation du virus et du nombre de personnes infectées.

Voici que l’on observe actuellement en France :

Moyenne des indicateurs de surveillance des eaux usées pondérée par la taille de population raccordée aux différents sites surveillés – 2022-2023 – France. Source : SUM’Eau. Indicateur eaux usées : ratio de concentration virale de SARS-CoV-2 sur concentration en azote ammoniacal.
Graphique présentant les indicateurs de surveillance des eaux usées

La surveillance des eaux usées (courbe rose en trait plein) confirme qu’il y a bien eu plusieurs vagues épidémiques en France depuis la fin de l’état d’urgence sanitaire à l’été 2022 : pendant l’été 2022, de septembre 2022 à janvier 2022, pendant l’été 2023, puis de septembre 2023 à janvier 2024. La vague épidémique de septembre 2023 à janvier 2024 est la plus forte connue depuis au moins l’été 2022.

Malheureusement, il n’est pas possible de comparer le niveau de ces vagues épidémiques avec le début de la pandémie : en France le suivi du Covid dans les eaux usées a été arrêté entre janvier et juillet 2022 et l’organisme public chargé du suivi a changé entre-temps. Mais on peut voyager à travers l’Europe pour aller voir ce qu’il se passe dans les autres pays qui ont surveillé leurs eaux usées depuis plus longtemps que nous.

En Autriche, la surveillance des eaux usées nous indique que la vague épidémique de fin 2023 est de loin la plus élevée mesurée depuis fin 2021 (vague du variant « Omicron »)  :

Surveillance des eaux usées en Autriche – Tendances pondérées par personne dans les Länder (et en Autriche dans son ensemble) entre octobre 2021 et janvier 2024.
Surveillance des eaux usées en Autriche de 2021 à début 2024

On voit les différentes vagues COVID en 2021, 2022. En 2023, il y en a une en janvier (fin de la vague de fin 2022), une en février-mars, et une qui commence vers septembre avec un gros pic en décembre (le plus important) qui continue, en baisse, sur janvier 2024.

Même constat aux Pays-Bas depuis le début des mesures fin 2020 :

Particules virales dans le traitement de l’eau aux Pays-Bas de septembre 2020 à début décembre 2023.
Particules virales dans le traitement de l’eau aux Pays-Bas de 2020 à 2023

On voit les différents pics de COVID. En 2023, il y a une fin de vague en janvier, puis une vague de février à mai (pic en mars). Une troisième vague commence fin juillet pour atteindre un pic en décembre, le plus haut jamais atteint et qui fait le double des précédents.

Idem en Allemagne depuis l’été 2022 :

Charge virale dans les eaux usées en Allemagne de 2022 à 2023
Charge virale dans les eaux usées en Allemagne du 2 juin 2022 à fin 2023.

On voit 3 vagues en 2022 dont la dernière termine début 2023. Il y a ensuite une deuxième vague en 2023 puis une troisième qui démarre en milieu d’année pour atteindre son pic en fin d’année, point le plus haut qui représente le double des autres pics.

Idem en Catalogne depuis fin 2020 (courbe verte – celle qui passe au dessus de l’autre à partir de juillet 2022) :

Surveillance des eaux usées en Catalogne de juillet 2020 à novembre 2023 (courbe verte – celle qui passe au dessus de l’autre à partir de juillet 2022) associée aux cas cliniques (courbe grise).
Surveillance des eaux usées en Catalogne de 2020 à 2023

À partir de fin 2022, il y a une vague qui se termine début 2023. En 2023, on voit une autre vague de mars à juin, puis à partir de juillet jusqu’en novembre en restant à un niveau assez élevé. Fin novembre, il y a un énorme pic, le plus élevé, dont on ne voit pas la chute sur le graphique qui s’arrête là.

Idem au Luxembourg depuis 2020 (courbe bleue avec les points dessus) :

Dynamique nationale du SARS-CoV-2 dans les eaux usées au Luxembourg, de début 2020 à janvier 2024.
Dynamique nationale du SARS-CoV-2 dans les eaux usées au Luxembourg, de début 2020 à janvier 2024. La courbe bleue avec les points représente les données sur les eaux usées. Les barres grises représentent les cas journaliers signalés.

Dans les données des eaux usées, on voit les courbes des différentes vagues de Covid. Après l’été 2023, une vague commence avec un pic en octobre sans beaucoup redescendre. Fin 2023-début 2024, il y a le pic le plus important, légèrement en-dessous du pic de cas signalés début 2022.

Si l’on traverse l’Atlantique, on voit qu’aux États-Unis, la vague actuelle est la 2e plus grosse vague depuis le début de la pandémie avec environ 2 millions de personnes infectées par jour au moment du pic atteint le 5 janvier 2024 (1 personne sur 23) :

Surveillance des eaux usées aux États-Unis de début 2020 à début 2024.

On voit un énorme pic fin 2021-début 2022. Puis, il y a une longue vague de mi-2022 à mi-2023 avec deux pics. Il y a ensuite une reprise en été 2023 puis le deuxième pic le plus important fin 2023-début 2024 (un peu plus élevé que les deux pics de la longue vague précédente).

On peut également évaluer la circulation virale du Covid en pratiquant une enquête de prévalence. On prend tous les mois un échantillon représentatif de la population d’un pays et on fait passer un test antigénique/PCR à tous les individus de cet échantillon.

Si on prend l’Eurostar pour voyager au Royaume-Uni, on sait ainsi qu’environ 4% de la population britannique (2,5 millions de personnes) était infectée par le Covid mi-décembre 2023 soit 1 personne sur 24.

Prévalence du COVID en Angleterre de 2020 à 2023
Prévalence du COVID en Angleterre de 2020 à 2023 (taux hivernaux ajustés en fonction de la pondération supposée et de la sensibilité des LFT/PCR). Source ONS, UKHSA.

On voit les différences vagues de COVID jusqu’à mars 2023. De mars à mi-novembre 2023, il n’y a pas de données. Les données reprennent ensuite et on voit un pic très élevé (le quatrième plus élevé) en décembre 2023-janvier 2024.

Et le virus n’est pas devenu saisonnier comme la grippe puisque l’Australie connaît fin 2023 sa plus grosse vague épidémique depuis juillet 2022, en plein été austral :

Surveillance des eaux usées en Australie, 2022-2023
Tendances de la surveillance des eaux usées du SARS-CoV-2 et cas de Covid signalés dans la région métropolitaine de Perth, Australie occidentale, du 1er juillet 2022 au 1er janvier 2024.

Il y a un pic très élevé en été 2022, puis un plus bas fin 2022-début 2023. Fin 2023, il y a un nouveau pic qui est le deuxième plus élevé.

La pandémie de Covid ne s’est en en réalité jamais arrêtée depuis 2019 : dans la plupart des pays, il n’y a jamais eu autant de personnes (ré)infectées par le Covid que fin 2023. Les hôpitaux sont de nouveau surchargés par les infections respiratoires, notamment en Italie [6] ou en Espagne, ce qui a conduit par exemple la Ministre de la Santé espagnole à demander le retour du port du masque obligatoire dans les hôpitaux [7].

En France le virus circule toujours activement printemps/été/automne/hiver, à des niveaux comparables mais sûrement plus élevés que ceux connus quand tout le monde était confiné chez soi ou portait un masque. Mais la circulation du virus est largement invisibilisée par le manque de prévention et d’informations accessibles facilement, entravant la mise en place de mesures de protection collectives adaptées à la situation épidémique.

Mini-BD en deux cases avec un chien assis tranquillement sur une chaise, buvant un café.
Plein de virus SARS-CoV-2 volètent autour du chien qui dit « This is fine » (« Tout va bien. »)

Comment se transmet le Covid ?

Le Covid est un virus aéroporté qui se transmet par la simple respiration, comme la grippe ou la tuberculose.

Lorsque que l’on respire ou que l’on parle, on émet avec notre bouche et notre nez des aérosols, c’est-à-dire des petites gouttelettes très légères qui vont être projetées sur plusieurs mètres autour de nous et rester en suspension dans l’air, comme de la fumée de cigarette. Dans une pièce mal aérée, ces petites gouttelettes vont s’accumuler et remplir tout l’espace disponible, et cela pendant plusieurs heures.

En toussant ou en éternuant, on produit également des postillons, c’est-à-dire des grosses gouttelettes beaucoup plus lourdes qui vont aussi être projetées sur plusieurs mètres autour de nous, mais qui retombent rapidement sur le sol ou d’autres surfaces à cause de la gravité.

Lorsque l’on est infecté·e par le Covid, les aérosols et les postillons que l’on émet par la bouche et le nez deviennent infectieux. En période de pandémie, le risque de contamination est donc maximal lorsque nous nous trouvons sans masque dans une pièce non aérée remplie de personnes. Il suffit de quelques minutes à quelques dizaines de minutes pour inhaler une dose suffisante de Covid pour être infecté·e [8].

Les aérosols étant inodores et invisibles à l’œil nu, il est impossible de percevoir avec nos sens si l’on baigne ou pas dans un nuage d’aérosols infectieux. On peut par exemple être infecté·e en allant dans une pièce vide mal aérée où se trouvait une personne contagieuse (toilettes de restaurant, salle de réunion inoccupée…). L’agence publique de santé britannique a fait une vidéo de prévention qui permet de mieux visualiser les choses.

Capture de la vidéo du NHS où deux femmes d’un certain âge discutent assises en intérieur. Il y a des particules noires partout, dont d’un gros nuage sort de la bouche de la femme ayant la bouche ouverte.Capture de la vidéo du NHS, HM Government. Il est écrit : « Covid-19 gathers like smoke. Open windows to disperse the particles. Stop COVID-19 hanging around. », soit en français : « Le Covid-19 s’accumule comme de la fumée. Ouvrez les fenêtres pour disperser les particules. Empêchez le COVID-19 de traîner dans les environs. »

Même s’il y a un consensus scientifique depuis début 2020 sur le fait que le Covid est un virus aéroporté, l’OMS et les gouvernements ont longtemps focalisé la réduction des risques uniquement sur les postillons et les surfaces contaminées, niant ou en minimisant le rôle majeur joué par les aérosols. Pour rectifier le tir, il aura fallu une lettre ouverte [9] de plusieurs centaines de scientifiques adressée à l’OMS.

Contrairement à certaines recommandations gouvernementales passées ou actuelles, se tenir à deux mètres de distance dans une salle pleine de Covid n’a donc jamais permis de se protéger ou de protéger les autres, pas plus que d’être séparé par une vitre en plexiglass à la caisse d’un supermarché ou au comptoir d’une pharmacie. Se laver régulièrement les mains est utile pour réduire la contamination des maladies se transmettant par les mains comme la gastro, mais n’est pas un outil de lutte prioritaire contre un virus aéroporté. Porter un masque chirurgical est également insuffisant face à un virus aéroporté car ce type de masque fuite de partout et protège donc peu la personne qui le porte.

Schéma de deux personnes qui discutent dans une pièce fermée. Chacune des deux personnes est recouverte des particules virales que l’autre envoie dans l’air en parlant. Il y en a plein dans l’air.
Les deux personnes recouvertes de virus se disent :
— T’es-tu lavé les mains ?
— Ouais, mec, littéralement à l’instant. Je ne voudrais pas attraper le Covid.

Combien de personnes sont infectées par le Covid sans le savoir ?

Les personnes asymptomatiques et pré-symptomatiques jouent un grand rôle dans la propagation du Covid.

Environ 50% des personnes infectées par le Covid ne développent pas du tout de symptômes visibles après avoir été infectées et ne savent donc pas qu’elles sont porteuses du virus [10]. On dit qu’elles sont asymptomatiques.

Cela signifie que leur système immunitaire combat le virus mais qu’elles n’ont pas de fièvre, pas de toux, pas de maux de tête, pas de perte d’odorat ou autres symptômes que l’on associe habituellement à une personne malade du Covid. Malgré cette absence de symptômes, une personne asymptomatique a une charge virale équivalente à celle d’une personne symptomatique [11]. Elle est donc tout aussi contagieuse.

De plus, parmi les personnes qui développent des symptômes, le moment entre l’infection et l’apparition des symptômes peut durer de 2 à 3 jours. La particularité du Covid c’est que les personnes infectées sont déjà contagieuses pendant cette phase d’incubation de la maladie [12].

Au total, une personne infectée par le Covid, qu’elle soit symptomatique ou asymptomatique, est contagieuse pendant environ 10 jours après l’infection, y compris si elle a eu des symptômes légers qui se sont estompés au bout de quelques jours.

Tester et isoler uniquement les personnes symptomatiques ou porter le masque seulement lorsque l’on est visiblement malade ne permet pas d’enrayer la pandémie de Covid. En période de circulation active du virus, il est impossible de savoir qui est contagieux·se juste en se basant sur le « bon sens ». On peut soi-même être infecté·e par le virus sans le savoir et infecter nos ami·e·s, nos collègues, notre conjoint·e, nos enfants, nos parents…

Un homme regarde dans la bouche d’un autre grâce à une lampe frontale.« Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent. » Knock Acte I scène I, Jules Romains

Quels sont les symptômes du Covid ?

L’infection par le Covid est très souvent asymptomatique. Mais lorsque l’on développe des symptômes, ce sont souvent les mêmes qu’un simple rhume ou que la grippe [13] : fièvre, toux, gorge qui gratte, maux de têtes, fatigue.

En fonction des variants du virus, des symptômes plus atypiques peuvent se manifester : perte du goût et de l’odorat, éruptions cutanées, maux d’estomac, diarrhée… Les symptômes peuvent être très légers et présents de façon isolée ou combinée.

Lorsque que l’on est « un peu enrhumé·e » en temps de pandémie de Covid, il est impossible d’éliminer la possibilité d’avoir le Covid sans pratiquer un dépistage. Avec le dernier variant en circulation, même des symptômes digestifs qui feraient davantage penser à une gastro peuvent en réalité être le signe d’une infection au Covid.

Le test PCR est le seul test de référence pour dépister le Covid. Il s’effectue en laboratoire médical (et non en pharmacie). Il convient de réaliser ce test au bon moment pour s’assurer d’un résultat fiable, c’est-à-dire immédiatement (J+0) si l’on présente des symptômes évocateurs du Covid ou entre J+5 et J+7 du contact à risque si l’on est asymptomatique.

Les tests antigéniques (effectuées en pharmacie) ou les autotests ne sont informatifs que s’ils sont positifs c’est-à-dire qu’ils génèrent beaucoup de faux négatifs. Leur sensibilité aux derniers variants en circulation s’est effondrée, et il est maintenant plus efficace de tirer une pièce à pile ou face pour savoir si on a le Covid que de se fier à un autotest ou à un test antigénique négatif [14].

Aussi, et contrairement à ce que dit l’expression populaire, il n’est pas possible d’attraper froid [15]. Le froid affaiblit les portes d’entrées de l’organisme pour les bactéries et les virus, mais ces derniers sont toujours responsables de ce que l’on appelle dans le langage courant des rhumes, angines, bronchites, rhinopharyngites… Si on tombe plus souvent malade en hiver c’est parce que le froid conserve bien les virus et aussi parce que l’on adopte des modes de vie où on se retrouve plus souvent dans des espaces clos mal aérés avec beaucoup de personnes.

Est-ce que c’est grave d’attraper le Covid ?

Attraper le Covid fait beaucoup moins peur aujourd’hui qu’en 2020. Il est devenu très commun d’avoir été infecté·e 1 fois, 2 fois, 3 fois voire plus et d’avoir eu pas ou peu de symptômes. Pourtant, le Covid n’a rien à voir avec un simple rhume ou la grippe.

Dès le début de la pandémie, les scientifiques ont prévenu que le Covid pouvait entraîner des séquelles à long terme [16]. On parle de Covid Long pour désigner la persistance pendant plusieurs mois ou années de symptômes respiratoires, cardiaques, neurologiques, vasculaires, dermatologiques, ORL, digestifs… suite à une infection au Covid.

D’après l’OMS [17], les symptômes les plus courants associés au Covid Long sont :

  • fatigue intense ;
  • essoufflement ou difficultés respiratoires ;
  • problèmes de mémoire, de concentration ou de sommeil ;
  • toux persistante ;
  • douleurs thoraciques ;
  • difficultés d’élocution ;
  • douleurs musculaires ;
  • perte de l’odorat ou du goût ;
  • dépression ou anxiété ;
  • fièvre.

Les symptômes peuvent être isolés ou combinés et apparaître au moment où l’on a été infecté·e par le Covid ou plusieurs mois après rétablissement. Il est donc parfois difficile de faire le lien entre ces symptômes et une (ré)infection passée.

Dans les faits, avoir un Covid Long après une (ré)infection Covid peut se manifester de plein de façon différentes : être plus souvent fatigué·e, avoir des difficultés à se concentrer (brouillard mental) ou des trous de mémoire, faire un malaise après une séance de sport normale, avoir l’impression de tomber tout le temps malade… Dans les formes les plus invalidantes, le Covid Long empêche de travailler, d’aller à l’école, de faire du sport ou même de simplement faire ses tâches ménagères.

Toujours d’après l’OMS, l’état des connaissances scientifiques ne permet pas de savoir avec certitude qui est le plus susceptible d’être touché. Autrement dit, tout le monde peut développer un Covid long, y compris les enfants et les jeunes adultes en bonne santé. Les personnes les plus à risque de développer des troubles persistants de la Covid-19 sont ainsi les femmes actives sans comorbidités dont la médiane d’âge est de 45 ans [18].

Encore d’après l’OMS, environ 10 à 20 % des (ré)infections conduisent à un Covid Long. Il faut prendre le temps de se représenter ce que signifie ce chiffre : à chaque fois que l’on attrape le Covid, c’est comme si on tirait un dé avec dans le meilleur des cas 1 chance sur 10 de développer des symptômes persistants très invalidants. Et les probabilités se cumulent : au bout de 3 infections, on a entre 27 et 49% de chances d’avoir développé un Covid Long.

À quoi ressemble le Covid long ? Version texte de l’infographie.
Infographie : à quoi ressemble le Covid long ?

Le fait d’avoir manifesté peu ou pas de symptômes lors d’une précédente contamination ne veut absolument pas dire que ce sera le cas lors de la suivante et que l’on serait immunisé·e contre le Covid Long. Un exemple parmi tant d’autres : Riley Lapham, une danseuse australienne professionnelle de 23 ans en parfaite santé et qui, après 3 infections COVID avec peu ou pas de symptômes, développe un Covid Long au bout de sa 4e infection Covid en avril 2023. Elle est maintenant incapable de danser et s’estime déjà heureuse de pouvoir continuer à se faire à manger, faire les courses et se doucher [19].

Surtout qu’il n’y a jamais eu d’immunité collective face au Covid. Même en étant vacciné·e, l’immunité acquise face au virus a toujours été passagère et on peut se réinfecter encore et encore, y compris après seulement quelques semaines ou quelques mois. On peut même être infecté·e par plusieurs variants en même temps.

Pour comprendre pourquoi, il faut se représenter le système immunitaire un peu comme un album photo. Normalement, à chaque fois qu’un virus entre dans notre corps, notre système immunitaire s’active pour le combattre et il prend au passage une photo de ce virus, ce qui lui permet de le combattre plus rapidement et plus efficacement s’il rencontre de nouveau ce virus dans le futur. C’est pour cela que les vaccins fonctionnent : ils montrent une version sans danger du virus à notre système immunitaire afin qu’il puisse s’en souvenir s’il rencontre le virus pour de vrai.

Le problème c’est que le Covid ne cesse d’évoluer et de muter, et il évolue et mute d’autant plus qu’il y a régulièrement des millions de personnes qui sont infectées à cause de sa contagiosité et de l’absence de mesures de protection collectives. Les variants qui circulent actuellement n’ont plus grand chose à voir avec les photos conservées par notre système immunitaire lors de vaccinations ou d’infections ultérieures : ils ne sont plus reconnus par notre système immunitaire. D’autant plus, que la plupart des gens n’ont pas fait de rappels vaccinaux depuis très longtemps et que la dernière version du vaccin a toujours un train de retard sur le dernier variant en circulation.

Pire, les connaissances scientifiques s’accumulent sur le fait que les (ré)infections au Covid épuisent et font vieillir prématurément le système immunitaire, exposant les personnes contaminées à d’autres maladies infectieuses après leur guérison [20]. Si on a l’impression qu’autour de nous nos collègues de travail, nos ami·e·s, nos enfants, nos parents sont plus souvent malades après 5 ans de pandémie, ce n’est pas une illusion d’optique.

Et contrairement à la falsification scientifique relayée par certains médias français [21], il n’y a aucune « dette immunitaire » contractée à cause du port du masque et le respect des gestes barrières pendant l’état d’urgence sanitaire et qu’il faudrait maintenant rembourser en arrêtant de se « surprotéger ». Le système immunitaire n’est pas un muscle qui s’affaiblit lorsqu’on ne l’utilise pas. Lorsque l’on tombe malade c’est que notre système immunitaire est dépassé. Mais heureusement pour nous, il n’y a pas besoin de tomber malade pour stimuler notre système immunitaire. Sinon est-ce qu’on imagine reboire de l’eau non potable, ne plus se laver les mains après être allé aux toilettes, lécher volontairement les barres de métro ou s’exposer délibérément à la tuberculose pour stimuler son système immunitaire et rembourser sa « dette immunitaire » ? Si nous avons été moins malades lorsque l’on portait le masque, c’est que notre système immunitaire a été moins dépassé que d’habitude. Mais il a été en permanence stimulé, y compris par les masques qui ne sont pas stériles : on inhale la flore microbienne présente dessus, ce qui stimule l’immunité… mais sans nous rendre malades.

De manière générale, il y a une vaste littérature scientifique qui s’accumule depuis 2020 sur le fait que le Covid n’est pas une maladie respiratoire comme la grippe mais une maladie systémique qui va aller se loger dans la plupart des organes du corps (cœur, cerveau, système digestif, reins…) et les endommager [22]. En particulier, chaque (ré)infection augmente les risques d’avoir des problèmes pulmonaires, cardiovasculaires, gastro-intestinaux ou encore neurologiques et ces risques ont été observés chez les individus vaccinés aussi bien que chez les non-vaccinés, de manière plus prononcée au moment de l’infection, mais jusqu’à six mois après [23]. Une réinfection par le SARS-CoV-2 double les risques de décès et triple ceux d’hospitalisation et de problèmes cardiaques.

De plus en plus de liens sont faits entre les (ré)infections Covid et la détérioration globale présente ou future de la santé des gens : davantage d’arrêts cardiaques (y compris chez les jeunes entre 25 et 44 ans [24]), d’accidents vasculaires cérébraux, mais aussi le développement sur le temps long de maladies auto-immunes, de maladies chroniques comme le diabète ou neurodégénératives comme Alzheimer ou Parkinson [25]. Encore une fois rien à voir avec la grippe ou un simple rhume.

S’il ne fallait retenir qu’une chose, c’est que le Covid invalide et handicape massivement. Et il n’y a pas d’un côté les personnes « fragiles », « vulnérables », « à risque » et de l’autre les personnes « bien portantes ». Tout le monde est fragile, vulnérable et à risque face à ce virus. Même si on est vacciné·e, même si on est jeune et en bonne santé, même si on a eu des formes légères ou asymptomatiques dans le passé. Encore plus si on a déjà eu plusieurs fois le Covid et que l’on se rappelle que la moitié des infections sont asymptomatiques. Il n’y a rien dans l’histoire de l’espèce humaine qui indique que se faire (ré)infecter par un pathogène est une bonne chose. On devrait toujours essayer de prévenir toutes les (ré)infections, même celles qui semblent bénignes.

L’OMS reconnaît officiellement le Covid Long depuis 2020. En France, les institutions de santé ont longtemps expliqué aux personnes touchées par le Covid Long que le problème était « dans leur tête » et il a fallu attendre le 7 novembre 2023 pour que le Comité de Veille et d’Anticipation des Risques Sanitaires (COVARS) reconnaisse enfin la réalité « organique » du Covid Long. C’est en grande partie grâce au combat mené pendant plusieurs années par des associations de malades. Il faut néanmoins garder en tête qu’il n’existe aujourd’hui aucun traitement efficace contre le Covid Long [26].

Le seul moyen connu de ne pas être handicapé·e à vie par le Covid c’est de ne pas l’attraper.

Pancarte en faveur du port du masque dans les lieux de soin
Pancarte en anglais qui dit : « You’re only a COVID-19 infection away from disability and/or long-term health consequences. #KeepMasksInHealthcare », soit « Vous n’êtes qu’à une infection COVID-19 du handicap et/ou des conséquences sur la santé à long terme. #Garder Les Masques Dans Les Services De Santé ».

Risque = Aléa × Exposition × Vulnérabilité

Aléa

Le Covid circule activement en France et dans le monde toute l’année : il y a régulièrement davantage de personnes infectées autour de nous qu’à l’époque où tout le monde portait un masque ou était confiné chez soi.

Exposition
  • Le Covid est un virus aéroporté : en respirant et en parlant, une personne infectée émet des petites gouttelettes infectieuses qui occupent pendant plusieurs heures tout le volume d’une pièce non aérée, comme de la fumée de cigarette.
  • Plus de la moitié des personnes infectées par le Covid ne savent pas qu’elles sont infectées (asymptomatiques ou pré-symptomatiques) mais sont tout aussi contagieuses que les personnes symptomatiques.
  • Les éventuels symptômes du Covid sont souvent les mêmes qu’un simple rhume ou la grippe.
  • Les personnes restent contagieuses environ 10 jours après l’infection, même si elles se sentent mieux au bout de quelques jours.
  • Il n’y a presque plus aucune mesure de protection collective en France depuis la fin de l’état d’urgence sanitaire en 2022.
Vulnérabilité
  • D’après l’OMS, tout le monde peut développer un Covid Long et ni les enfants, ni les jeunes adultes en bonne santé ne sont épargné·e·s.
  • D’après l’OMS, entre 10 et 20% des (ré)infections au Covid conduisent à un Covid Long.
  • Chaque (ré)infection augmente considérablement le risque de développer des séquelles cardiovasculaires, neurologiques, intestinaux… et affaiblit le système immunitaire, que l’on soit vacciné ou pas, que l’on soit symptomatique ou pas, que l’on ait eu une forme légère ou pas.
  • Les taux de rappels vaccinaux actuels dans la population générale sont très faibles.
  • En situation de libre-circulation, le Covid mute et évolue régulièrement ce qui change sa transmissibilité, sa gravité, sa résistance aux vaccins et l’efficacité du système immunitaire pour le combattre (et pas dans le bon sens).
  • Actuellement il n’existe aucun traitement contre le Covid long.

Notes

[5« Covid : « Le taux de positivité explose et on ne surveille plus le virus » », Christian Lehmann, 31 août 2023, dans Libération.

[11« SARS-CoV-2 Viral Load in Upper Respiratory Specimens of Infected Patients », 19 février 2020, dans The New England Journal of Medicine.

[12« Presymptomatic Transmission of SARS-CoV-2 — Singapore, January 23–March 16, 2020 », 10 avril 2020, dans Centers for Disease Control and Prevention (CDC).

[13« Tout savoir sur le Covid-19 », 9 février 2023, Ministère de la Santé.

[14Sensibilité des tests antigéniques COVID (vidéo), Saiyan Bio, 22 décembre 2023.

[15« Peut-on tomber malade parce qu’on a « attrapé froid » ? », Léa Deseille, 11 janvier 2024, dans FranceInfo.

[16« Les maladies post-infection, comme la COVID longue, plus fréquentes qu’on le pense », Mélanie Meloche-Holubowski, 8 décembre 2023, dans Radio-Canada.

[17« Maladie à coronavirus (COVID-19) : affection post-COVID-19 » (voir la question « Qu’est-ce que l’affection post-COVID-19 ? »), 28 mars 2023, Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

[18Avis du Comité de Veille et d’Anticipation des Risques Sanitaires (COVARS) du 7 novembre 2023 sur le syndrome post-COVID, ses enjeux médicaux, sociaux et économiques et les perspectives d’amélioration de sa prise en charge.

[19« Rising Australian ballet star’s ongoing nine-month battle with long COVID », Kate McIlwain, 24 janvier 2024, dans Illwarra Mercury.

[20« COVID-19 et dysrégulation immunitaire : Résumé et ressources », Andrew Ewing, 3 décembre 2023, dans Cabrioles.

[21« Covid-19 : non, notre système immunitaire n’a pas été affaibli par les mesures sanitaires », David Simard, Frédéric Fischer, Lonni Besançon, Michaël Rochoy, 2 février 2023, dans The Conversation.

[22Veille scientifique, ApresJ20.

[23« Covid-19 : chaque réinfection augmente le risque de complications », Delphine Roucaute, 11 novembre 2022, dans Le Monde.

[25« Les maladies post-infection, comme la COVID longue, plus fréquentes qu’on le pense », Mélanie Meloche-Holubowski, 8 décembre 2023, dans Radio-Canada.