Blocus au lycée Mozart au Blanc-Mesnil

Ce matin 29 septembre, les élèves ont bloqué le lycée Mozart au Blanc-Mesnil sur des revendications sanitaires et sur l’application de la réforme Blanquer.

  • Communiqué des enseignant-es sur les incidents de la journée du 29 septembre 2020

    Les élèves du Lycée Mozart ont organisé un blocus ce mardi 29 septembre 2020 (voir communiqué de ce matin). Nous ne pouvons que constater qu’ils ont fait preuve d’une grande maîtrise lors de leur mobilisation pour conserver le caractère pacifique et joyeux de cet acte politique, qui démontre à quel point, eux seuls, ont réussi à prendre la mesure de l’aberration dans laquelle nous sommes engagés depuis la rentrée. Ce ne fut pourtant pas facile, de nombreux incidents ayant émaillé la journée :

    • deux parents d’élèves sont venus dans la matinée pour demander aux élèves de cesser leur blocus. Malheureusement, et ce n’est pas la première fois, ces parents d’élèves, entrés dans le lycée sans autorisation, ont tenu des propos inappropriés et à caractère raciste, le tout en refusant de porter correctement leur masque.
    • Alors même que le mouvement des élèves se déroulait dans le calme et sans incident, la présence des agents de sécurité de la mairie et du rectorat (les désormais, et tristement, célèbres EMS) ont à nouveau consisté à tenter d’intimider les élèves en faisant montre d’une véritable violence verbale et physique.

    Une élève qui avait déjà été victime d’une agression sexiste l’année dernière par ces mêmes individus (voir communiqué du 3 mars 2020), et avait été ensuite traitée de menteuse par un sous-directeur académique carriériste et sans scrupule, a de nouveau été victime de leurs agissements machistes et violents. Elle avait cette fois décidé, pour se protéger des violences des agents du rectorat et de la maire, de filmer avec son téléphone sur le parvis du lycée mais ils s’en sont une nouvelle fois violemment pris à elle : son téléphone lui a été brutalement arraché des mains par un de ces agents du rectorat, qui l’a ensuite poussée et intimidée. Choquée, elle est entrée dans le lycée pour récupérer son téléphone et obtenir protection. Au lieu de cela, elle a été conduite dans le bureau de la direction, et c’est à elle et non à son agresseur que l’on a demandé de s’expliquer, ce qu’elle a refusé de faire sans la présence d’un tiers – en l’occurrence un professeur. Elle a finalement été reçue en présence de sa mère.

    Lors de cet entretien en présence du proviseur vie scolaire dans l’établissement, toute cette violence qu’elle a vécue et subie, les douleurs et les craintes qu’elle a exprimées ont été niées et balayées d’un revers de la main par les autorités qui l’ont finalement accusée de n’avoir pas respecté la loi en filmant un agent de sécurité.

    Ceci est faux. La loi autorise parfaitement à filmer sur la voie publique. De surcroît, cette réaction était d’autant plus légitime que, rappelons-le, cette élève a déjà été insultée par des EMS l’an passé et traitée de menteuse par la hiérarchie en l’absence de preuve.

    L’EMS qui a dérobé le téléphone portable de cette élève en avait-il le droit ? Le proviseur vie scolaire a en tous cas couvert son comportement, ce qui lui assure l’impunité et lui permettra de continuer ses agissements.

    Plus généralement, il n’est pas normal que la direction et sa hiérarchie minimisent constamment les violences auxquelles nos élèves sont confrontés, qu’elles culpabilisent constamment les victimes de ces violences plutôt que de les protéger comme ce serait de leur devoir.

    Si les conditions sanitaires actuelles et les incidents de ce matin montrent définitivement quelque chose, c’est bien que l’institution scolaire, par l’intermédiaire du ministre Blanquer, refuse de protéger, non seulement son personnel, mais aussi les élèves et leurs familles et passe son temps à mentir pour cacher cette réalité. Le 31 mai 2020, le ministre Blanquer affirmait, qu’en cas de circulation active du virus, la rentrée serait pleinement aménagée : classes en petits effectifs, allègement des programmes, mesures de distanciation et accès à l’enseignement en distanciel.
    Mais rien, absolument rien n’a été fait à ce jour.
    Et, abandonnés par l’institution, qui ne sait s’en prendre qu’à ceux qui réagissent contre cet abandon, nous avons été sommés de commencer l’année comme si le virus n’existait pas. Professeurs et élèves, sont à bout.

    Ce sont l’absurdité de la situation, l’indifférence des autorités, la violence des injonctions qui mettent en danger la santé de la population, qu’un monsieur envoyé du Rectorat, proviseur vie scolaire qui ne s’est présenté à personne et dont personne n’a su nous dire le nom, était bien incapable de comprendre lorsque, face au regroupement formé par le blocus, il s’inquiétait des risques de contagion.

    Mais, monsieur, c’est ce qu’ils vivent jour après jour, dans les couloirs bondés et les salles de classe prêtes à exploser !

La rentrée au lycée a eu lieu dans de très mauvaises conditions, comme dans à peu près tous les lycées du 93 (et sans doute d’ailleurs). L’application zélée de la réforme entraîne des emplois du temps impossibles pour les profs comme pour les élèves. Les classes à 35 se multiplient pendant que les dédoublements se raréfient. Aucune heure n’a été attribuée pour de la remédiation suite au confinement, et aucun allègement de programme n’apparaît à l’horizon.

Visiblement, pendant les vacances, le ministère a pris de bonnes vacances. Rien n’a été prévu pour une éventuelle reprise de l’épidémie. Le protocole sanitaire est indigent, entre mesures autoritaires, et mesures préconisées sauf si ce n’est pas possible, or généralement c’est impossible.
La situation est ubuesque. Pendant que les rassemblements de plus de 10 personnes sont interdits, nous sommes enfermé.e.s à 35 dans des salles non aérées sans distanciation possible.
La seule protection possible est le masque, mais il n’en a pas été distribué à tous les élèves et pour les enseignants c’est un masque grand public en tissu. Il y a un moment où on a besoin de respirer (imaginez vous parler fort plusieurs heures avec un masque en tissu), et les élèves aussi. C’est donc la chasse aux masques, et bien sûr les élèves les enlèvent souvent à la récré dans les couloirs ou la cour.
Pour respirer, ils sortent à la récré. Imaginez-vous la tête de la distanciation sociale quand plusieurs centaines d’élève se précipitent sur une seule porte pour ne pas être en retard.... Ils sont censés se laver les mains mais il n’y a pas tant que ça de distributeurs de gel et bien sûr les surveillants ne peuvent pas vérifier qu’ils se lavent tous les mains dans la cohue. Nous (les profs) disposons de lingettes pour nettoyer notre poste informatique, mais il n’y en a pas suffisamment pour que les élèves puissent nettoyer leurs tables. Et on a appris que les stocks sont financés par le budget des sorties scolaires qui n’ont pas eu lieu pendant le confinement... Aucun agent n’a été embauché pour assurer le surcroît de travail que représente la désinfection quotidienne d’un lycée.

Plusieurs fois par semaine, on nous signale un nouveau cas, accompagné invariablement de ce commentaire :

Le signalement a été transmis à la direction académique qui a saisi l’ARS. La présence dans le strict respect du port du masque, des gestes barrières et de la distanciation n’a pas entrainé de nécessité d’une mesure d’éviction pour aucun élève ni aucun adulte. Le médecin conseiller technique consulté a confirmé cette analyse.

, qui est évidemment une sinistre farce. Pour le moment, une classe a été fermée pour une semaine.

Les enseignant.e.s réclament en vain depuis la pré-rentrée une réunion pleinière profs surveillants agents de service pour discuter de comment en applique les consignes sanitaires, de comment on fait. La direction refuse. Il y a eu un premier débrayage vendredi après midi, après un incident (élève qui vomit dans la classe) où la direction a encore fait preuve de son incurie (plus d’un quart d’heure pour réagir, remarques humiliantes au collègue en guise d’intervention).

Je vous livre un extrait du communiqué :

"Agiter un protocole fantoche ne suffit pas à garantir la sécurité des élèves. Depuis la rentrée le nombre de cas positifs augmente à Mozart comme dans le reste de la France. A ce jour, au moins une classe complète est tenue à distance jusqu’au 2 octobre. Nous demandons, dans le respect du secret médical, que les enseignants puissent être informés lorsqu’une de leur classe comporte une suspicion de COVID afin de prendre les mesures nécessaires vis-à-vis de leurs proches (test etc).
Nous déplorons, de plus, la répétition ad nauseam de la formule mensongère selon laquelle « le strict respect du port du masque, des gestes barrières et de la distanciation n’a pas entraîné de nécessité d’une mesure d’éviction ». Cette affirmation, coquille vide qui ne sert qu’à couvrir la hiérarchie, est quotidiennement contredite par les faits, d’autant que la suppression du groupe classe en 1re et en Terminale complique à l’infini la traçabilité du virus. Parallèlement à ce monde fictif où le virus ne se propagerait pas, la fermeture annoncée des bars, restaurants, des équipements sportifs que nos élèves utilisent pourtant, révèle en creux le danger auquel sont exposés ces derniers. A l’heure actuelle 32% des foyers de transmission sont en milieu scolaire ou universitaire.

Bricoler c’est mettre en danger, feindre de l’ignorer c’est s’en rendre complice. Alors que le lycée Mozart a pu faire figure, en mars, de bon élève en matière de santé, décidant de la fermeture quand un certain ministre hors-sol s’y refusait, improvisant sur le tas un enseignement à distance qui ne pouvait-être qu’un pis-aller, nous refusons de faire du bricolage pédagogique et sanitaire l’état normal de l’Éducation nationale.
Ni les agents d’entretien, ni la vie scolaire, ni le personnel enseignant, ni le personnel administratif, ni la direction n’ont pour fonction de pallier l’incurie criminelle du ministère. Face à l’absence d’une véritable politique sanitaire, il est déontologiquement impossible de continuer à jouer le jeu. Il est de notre devoir de porter ces faits à la connaissance de notre direction, du rectorat de Créteil, de l’Agence Régionale de Santé et du ministère de l’Éducation nationale et nous invitons notre direction et les familles de nos élèves à en faire de même."

Au stress de la pandémie et du manque de communication de la direction, s’ajoute celui de la réforme. Les élèves avaient boycotté les épreuves de bac en contrôle continu l’année dernière. Il leur a été annoncé sans plus de précisions qu’il y aurait un rattrapage fin septembre. Nul n’en connaît, et surtout pas les profs, ni les modalités ni le contenu. Enfin, ils devront passer un grand oral auquel aucune heure de préparation n’est dédiée et dont ils ne connaissent ni le contenu ni les exigences.

Vous trouverez ci-joint le tract des lycéen.ne.s.

Les enseignant.e.s ont fait un communiqué de soutien qui se termine par les revendications suivantes :

  • la tenue urgente d’une réunion plénière rassemblant tous les personnels du lycée pour mettre à plat toutes les interrogations légitimes suscitées par cette rentrée hors-norme
  • Des dédoublements accompagnés d’allègements de programmes pourraient être appliqués pour atténuer la catastrophe sanitaire en cours.
  • A minima, nous réclamons la distribution de masques chirurgicaux aux élèves et aux enseignants (au vu de leur enfermement à plus de 30 dans des salles non aérées), des lingettes en quantité suffisante pour que les élèves puissent nettoyer leurs tables, du gel en plus grande quantité, le tout sur un budget régional spécifique et non celui des sorties scolaires comme actuellement.

Nous n’avons pas connaissance de blocus ailleurs, mais les problèmes que nous soulevons et la grogne qu’ils entraînent sont généralisés à la grande majorité des lycées du 93. Il y a eu des grèves et droits de retrait, dont à Bondy et à Villetaneuse.

Tract des lycéen.ne.s
Localisation : Le Blanc-Mesnil

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