Vous n’êtes pas dans un jeu

Une propagande ne compte pas tant sur l’ignorance de sa population, qu’au contraire, sur ce qu’elle connaît, sur sa capacité à combler elle-même les vides d’un message donné. Notre époque connaît les images pour les avoir, justement, toujours connues, et nos réflexes face à elles deviennent les leviers de la propagande antiterroriste actuelle.
Quelques remarques sur la question initialement publiées sur a-louest.info.

Charlie Hebdo, 13 novembre, état d’urgence perpétuellement prolongé, interdictions de manifestation, perquisitions, surveillance des mosquées, etc. On connaît. Le fait que depuis novembre 2015, les faits qualifiés de terrorisme ou leur prétendu démantèlement médiatisé se soient succédé, quasiment au rythme d’un tous les trois mois prouve assez la totale inefficacité de cette agitation. Elle a, en revanche, largement fait ses preuves en matière de contrôle et de criminalisation de la population – les musulmans, d’une part, les opposants au régime, d’autre part.
Cette nouvelle génération de mesures sécuritaires amène avec elle une nouvelle esthétique gouvernementale, une sorte d’art officiel à l’image de l’époque. Virtuel et vide et grossier, donc.

Sans doute à cause des mesures Vigipirate récemment apparues dans le cadre de mon boulot, j’ai cru que cette affiche avait un rapport avec l’état d’urgence. À ma décharge, le message est confus : identité, sécurité, présentez vos papiers…
Dans mon erreur, je l’avais adorée, cette affiche : l’idée du Monopoly et de « Vous n’êtes pas dans un jeu » m’avaient bluffée. Parce que c’est vrai que j’aime Magritte. Et j’aime bien aussi les efforts de l’État pour donner l’illusion du métissage et de l’égalité : Li-Zhu, Kamel, Joakim, Franco. Franco ?...
L’infantilisation du public, de plus, est rarement aussi manifeste dans la propagande officielle, même dans l’univers médical où elle est la norme. Enfin, j’avais surtout aimé la révélation qu’elle avait provoquée : depuis les attentats, je pensais effectivement à un jeu. Un jeu vidéo, plus précisément, le plus triste, le moins graphique, le plus conventionnel et normalisant qui soit : les Sims.

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