Université et confinement

Une « continuité pédagogique » hypocrite et dangereuse

Confiné.e.s chez nous ou ailleurs, dans des maisons de campagne ou des résidences CROUS insalubres, seul.e.s ou accompagné.e.s, en galère ou non, tout le monde semble être dans le même bateau pour l’université qui fait comme si de rien n’était depuis le début du confinement. Comme si les grèves contre le projet de loi LPPR, qui précarise encore plus les chargé.e.s de cours comme les étudiant.e.s et la réforme des retraites n’avaient pas eu lieu, comme si tout le monde était égal.e face au confinement.
On nous présente la « continuité pédagogique » comme la seule solution possible - et la meilleure - , alors que certain.e.s d’entre nous sont malades, précaires, sous menace d’expulsion du territoire français, confiné.e.s dans 9 mètres carrés, confiné.e.s avec un entourage violent, sans connexion Internet, sans ordinateur, sans ressources matérielles et financières pour travailler sereinement.

L’université de Rennes 2 a mené une étude sur les conditions de confinement de ses étudiant.es (https://academia.hypotheses.org/22079) : 50% d’entre elleux déclarent se sentir « mal ou très mal » en ce moment, entre 10 et 15% déclarent avoir des difficultés d’accès aux outils numériques. À Lyon, Solidaires Étudiantes a fait passer un questionnaire en ligne à environ 500 étudiant.e.s de l’Université de Lyon 2, dont 89,5% se sentent stressé.e.s par la situation, 35% n’ont pas toujours accès à une connexion Internet fonctionnelle, 52% n’arrivent pas à travailler dans le calme et 63,5% n’ont pas accès à toutes les ressources dont iels ont besoin. Sans compter les résidences CROUS bourrées de cafards, les bourses et la CAF en retard, la Sécu qui ne rembourse rien en ce moment. Par ailleurs, l’article D611-12 du code de l’éducation stipule que « La validation des enseignements contrôlée par des épreuves organisées à distance sous forme numérique, doit être garantie par la vérification que le candidat dispose des moyens techniques lui permettant le passage effectif des épreuves », condition non-respectée par la plupart des enseignant.e.s (certain.e.s donnent même des sujets de partiel sur des groupes facebook !!).

Faire comme si de rien n’était en nous imposant des modalités d’évaluation absurdes et floues à distance, c’est invisibiliser nos luttes, c’est oublier tout ce qui nous pèse sur les épaules tous les jours. C’est nous laisser nous débrouiller avec les moyens à notre disposition, aggraver les inégalités, et potentiellement ne pas valider notre semestre ; alors qu’un semestre peut nous coûter une bourse, un logement CROUS ou un titre de séjour. Que certaines personnes sont à la rue, que d’autres n’ont pas l’espace ni le temps de travailler (petit appartement pour famille nombreuse, tâches ménagères, personnes vulnérables dans l’entourage, enfants à charge…), qui sont celles qui ont également le plus de mal à suivre une scolarité à l’université en temps « normal ». C’est oublier qu’on a été dans la rue quand notre camarade de Lyon s’est immolé en novembre, et pourquoi il l’a fait. Qu’on a pas été en cours pour certain.e.s depuis le 5 décembre car ces mêmes professeur.e.s qui nous demandent aujourd’hui du travail à faire étaient en grève, et nous faisaient miroiter un semestre validé automatiquement. Que les femmes sont encore plus soumises aux travaux domestiques en ce moment, qu’elles sont potentiellement confinées avec des conjoints dangereux.
C’est détruire les principes de base de l’université, le savoir gratuit accessible à toutes et tous, en les considérant comme des entreprises qu’on manage comme des entreprises dans une logique concurrentielle, à coups de réformes libérales et de sélection sociale.

Force aux collectifs qui font tout pour établir des vraies statistiques de nos conditions de confinement pour prouver ça aux administrations libérales des universités, force à tou.te.s dans ce moment difficile, force à tou.te.s les précaires.

Inégal.e.s face à ce confinement et à ce télétravail hypocrite, nous sommes dans l’incapacité de nous organiser entre nous pour l’instant, mais nous n’oublions pas.

#ToutBrûlerÀLaRentrée

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