Une lettre d’Ivan, enfermé à la prison de Villepinte : perquisitions et disques durs déchiffrés

Des nouvelles d’Ivan, incarcéré depuis plusieurs mois à la prison de Villepinte.

  • Ivan est sorti de prison !

    Je suis sorti de prison le 12 juin.

    La juge d’instruction a émis une ordonnance me plaçant sous contrôle judiciaire.
    Les restrictions sont :

    • interdiction de me rendre en Île-de-France
    • interdiction de sortir de France métropolitaine
    • pointage chez les gendarmes une fois par semaine
    • je dois remettre au greffe du tribunal mon passeport et ma pièce d’identité

    La décision de la JI de me laisser sortir de prison, assez surprenante au vu de son opposition encore récente à une demande de remise en liberté, est peut-être due a sa volonté de « couvrir » l’incompétence de la JLD. En effet, mes avocates ont présenté un recours en cassation pour un vice de procédure suite à la dernière prolongation de ma détention préventive (l’audience du 24 janvier). Si la cassation avait accepté ce recours, chose probable, elle aurait confirmé que la JLD et son greffe ne savent pas lire...

    Pour l’instant, l’enquête reste ouverte.

    La semaine dernière, le 5 juin, l’équipe ELAC de la prison de Villepinte a encore une fois (la sixième en six mois) fouillé ma cellule. Affaires renversées, une étagère auto-construite détruite est mes lettres (reçues) en vrac (comme si l’AP n’avait pas déjà eu le temps de les lire et photocopier à volonté). Ils ont fouillé presque seulement mes affaires, presque sans déranger mon codétenu.
    Un maton s’est même permis de faire de l’ironie, en commentant une inscription sur la porte de la cellule (« Anarchie - liberté ») avec un « n’y compte pas »…

    Au moment de la sortie, le greffe de la prison m’a remis un gros paquet de courrier (des lettres arrivées depuis début mai et celles que j’ai écrites dans la même période) qui « traînait ».
    Il y avait aussi un colis qui est arrivé le 22 juillet 2022 (avec des periodiques anarchistes et des livres en italien) et que la prison avait décidé de ne pas me donner.

    Un grand merci à toutes celles et ceux qui ont été à mes côtés en cette période difficile.
    Merci à la Cassa Antirepressione delle Alpi Occidentali et à la caisse de Bure, pour le soutien économique.
    Une pensée pour les compas (et aussi pour tous les autres) qui restent en prison.
    Crève la taule, crève l’État.
    Vive l’Anarchie !

    Ivan

    pour contacts : dufondduplacard [at] riseup.net

  • Un nouveau message d’Ivan

    "Ivan nous informe d’une nouvelle fouille de sa cellule faite par les
    ELAC, le 12 avril (c’est la 5e depuis décembre). Un téléphone a été
    trouvé. Le compagnon n’est pas encore passé au prétoire. Malgré son
    isolement presque complet, il reste déterminé !"

De nouvelles perquisitions

Les « attentions » à mon encontre, de la part de l’AP [1] (et/ou de la juge d’instruction ?), continuent. Encore des représailles pour mes grèves de la faim ? Qui sait...

En tout cas, le 14 février il y eu une troisième perquisition de ma cellule (après celles du 6 décembre et du 9 janvier). Vers 19h30 les ERIS ont débarqué avec casques, cagoules et boucliers. Ils étaient une douzaine, un gradé tenait des feuilles à la main, sur la première j’ai
pu voir ma photo. Notre cellule est la seule de cette aile à avoir été fouillée (mais ils ont fait passer un chien dans les couloirs), deux autres l’ont été dans une autre aile, je ne sais pas pour ce qui est des autres bâtiments. Il y avaient le directeur de la prison, Michael Merci, et la directrice adjointe qui regardaient, au delà des portes vitrées.
Dès qu’on nous a fait sortir de la cellule, moi et mon codétenu (qui etait ici en bâtiment depuis une semaine à peine) on nous a menottés, après on nous a amenés dans le local des douches, au rez-de-chaussée, pour l’habituelle fouille à nu. Nous sommes restés enfermés dans les douches pendant les deux heures qui a duré la perquisition de notre cellule.
Ils ont trouvé un téléphone portable avec son chargeur. Le mardi 21 mars, je suis donc passé en conseil de discipline. Comme punition, pendant 30 jours je suis privé de la possibilité de cantiner.

Le 30 mars, rebelote. Les ELAC débarquent et l’histoire recommence, encore une fois.

L’enquête : disques durs déchiffrés

En ce qui concerne l’enquête, ces derniers mois des nouveaux éléments ont été versés au dossier.
Le plus significatif est que la police a réussi à avoir accès à mes ordinateurs, même s’ils étaient chiffrés.
Celui du travail, sur lequel est installé Windows, est chiffré avec BitLocker. Un PV précédemment versé au dossier dit qu’ils avaient déjà essayé d’y accéder pendant ma garde à vue mais qu’ils n’avaient pas réussi. Mais en septembre la Brigade d’appui en téléphonie, cyber-investigation et analyse criminelle (BATCIAC) a envoyé à la SDAT une copie du disque dur. Dans le PV, ils expliquent seulement qu’ils ont démarré l’ordinateur avec une clef USB bootable et que, ensuite, ils ont utilisé le logiciel AccesData FTK imager 3.3.05 pour copier le disque dur. Mais ils ne parlent pas du déchiffrement en soi.

Mon ordinateur personnel, qui tourne avec Ubuntu 18, est chiffré avec Luks (le mot de passe est de plus de vingt caractères : lettres, chiffres, signes de ponctuation...). Je n’ai trouvé dans le dossier aucune indication sur le moyen qu’ils ont utilisé pour le déchiffrer, mais là aussi ils ont fait une copie du disque dur. Il y a même des fichiers qui avaient été effacés et des e-mails qui avaient été téléchargés avec Thunderbird (et ensuite effacés).
Ils n’ont trouvé rien qui puisse se rapporter aux incendies dont je suis inculpé. Mais je pense que le fait même qu’ils aient pu avoir accès à des disques durs chiffrés avec des logiciels censés être inviolables doit être connu le plus largement possible.

Courrier et prolongation de la détention

Mon courrier continue à être fortement ralenti (en moyenne, je reçois les lettres un mois et demi ou deux mois après leur expédition) : la juge d’instruction lit toutes les lettres qui m’arrivent et que j’écris.
Quatre de mes lettres ont été photocopiées et versées au dossier : deux que j’avais écrites à des personnes de l’Envolée, une adressée à Boris (le compagnon bisontin qui est à l’hôpital après l’incendie de sa cellule à la prison de Nancy, en août 2021) et celle, adressée à la Gare, près de Bure, dans laquelle j’expliquais que dans « mon » dossier apparaît la plainte que le rédacteur en chef de l’Est Républicain a déposé contre les admins du site bureburebure.info pour avoir relayé la revendication de l’incendie d’une voiture du journal (incendie dont je suis accusé).

Autrement, ma détention préventive a été prolongée jusqu’à la mi-juin.

Je vais bien, je garde la pêche et regrette de ne pas pouvoir être dans les rues, ces temps-ci.
Une pensée solidaire pour Alfredo (et pour tous les compas en prison).

La solidarité c’est l’attaque !
Vive l’anarchie !

Ivan
8 avril 2023

Note

Pour lui écrire :
Ivan Alocco
n. d’écrou : 46355
M.A. de Villepinte
40, avenue Vauban
93420 - Villepinte

Notes

[1Administration Pénitencière

À lire également...