Rompre avec le respectable. Défier la machine sécuritaire

Les medias jouent un rôle majeur dans la répression du mouvement pro-palestinien. Contre la machine judiciaro-médiatique, toute forme de bataille culturelle est nécessairement vouée à l’échec. C’est ce dont prennent acte un nombre croissant de personnes, ici et là, dans les universités et en dehors, qui décident de rompre avec la quête d’une respectabilité démocratique.

Depuis le 07 octobre, la machine politico-médiatique s’est mise en branle pour produire l’une de ces vérités auxquelles il est interdit de déroger : la cause d’Israël est juste et les soutiens à la Palestine sont complices du terrorisme. Les mouvements pro-palestiniens, s’ils furent massifs, ont fait l’objet d’une condamnation unanime de la part des institutions médiatiques. Nous sommes habitué.e.s à cela.

Mais ce qui nous semble ignoré dans cette séquence, c’est l’utilisation des médias dans la criminalisation même du mouvement pro-palestinien. En accolant le qualificatif de complice de terrorisme à n’importe qui ou presque, les médias ont plus d’une fois permis la judiciarisation des formes de lutte existantes. La méthode est maintenant rôdée : des éditorialistes crient au scandale, montent une affaire en épingle, puis une plainte est déposée. Ce qu’on voudrait montrer, c’est que la répression ne fonctionne pas seule, elle nécessite pour fonctionner des organes qui la légitiment, voire l’orientent.

C’est que la guerre, pour fonctionner, s’appuie sur une machine contre-insurrectionnelle, juridique, médiatique, étatique, qui ne s’arrête pas aux frontières d’Israël mais s’inscrit dans un continuum sécuritaire et colonial qui s’étend au niveau international, dont Gaza n’est, actuellement, que le point le plus névralgique. C’est probablement pour cela que le mouvement pro-palestinien, dont les codes et les modes d’action (rassemblements, manifestations, meetings, occupations étudiantes) sont pourtant acceptables dans un régime démocratique, s’est heurté à une répression si féroce. Soutenir la Palestine, c’est s’attaquer à des piliers sur lesquels reposent les démocraties occidentales : la contre-insurrection néo-coloniale, la construction de la figure de l’ennemi intérieur, la multiplication des normes sécuritaires. L’intensité de la répression n’a donc rien d’absurde, elle est juste à la mesure de l’importance de ce qui est remis en cause.

Ainsi, il nous semble illusoire d’attendre quoique ce soit des institutions qui se donnent pour tâche de nous combattre. Contre la machine judiciaro-médiatique, toute forme de bataille culturelle est nécessairement vouée à l’échec. C’est ce dont prennent acte un nombre croissant de personnes, ici et là, dans les universités et en dehors, qui décident de rompre avec la quête d’une respectabilité démocratique. Si le mouvement palestinien semble être entré dans une dynamique nouvelle, c’est probablement à la faveur de cela.

Il nous faut accentuer, partout où on le peut, les dynamiques d’auto-organisation qui nous permettent de résister à la machine répressive et trouver comment attaquer des points du continuum sécuritaire, ici, en France. Enfin, il faut rompre définitivement avec l’idée qu’un jour l’État et le système politico-médiatique pourraient marcher en notre faveur. Si la lutte palestinienne est internationale, c’est dans la mesure où elle prend au sérieux l’idée selon laquelle aucun État démocratique n’est étranger aux crimes qui sont commis à Gaza.

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