Retour sur la manif du 8 mars entre Belleville et Pigalle

Samedi 8 mars 2014, plusieurs événements féministes / antisexistes ont eu lieu à Paris. Une manif plus ou moins institutionnelle a défilé dans des quartiers bourgeois de Paris. Et une autre manif, appelée par le Collectif 8 Mars pour touTEs, a eu lieu dans des quartiers populaires de Paris, parcourant les XXe, XIXe et XVIIIe arrondissements (entre la place de Belleville et la place Pigalle).

Cette manif a réuni plusieurs centaines de personnes, peut-être même quelques milliers, j’ai du mal à me rendre compte.

En tête de manif, une grande banderole sur laquelle on pouvait lire « Mon corps, mes choix, nos luttes », avec une visibilité féministe, populaire et LGBTI assez nette.

Parmi les cortèges présents, plusieurs slogans se sont fait entendre, naviguant bizarrement entre offensive féministe et revendication citoyenniste :
- « La rue, elle est à qui ? Elle est à nous ! »
- « De Taksim à Belleville, résistance ! »
- « Femmes agressées, lycéennes exclues, islamophobie, nous ne nous tairons plus »
- « Palestine vivra, Palestine vaincra, vive la lutte des femmes palestiniennes ! »
- « Trans, putes, sans-papiers - des droits, des lois qui respectent nos choix »
- « C’est pas les immigrés, c’est pas les sans-papiers, qu’il faut virer, c’est les lois qu’il faut changer »
- « On n’est pas là pour décorer, on détruira votre société ! »

Le plus troublant étant que les slogans les plus révoltés comme les plus citoyennistes étaient parfois criés par les mêmes personnes...

En tout cas, cette manif se situait loin des réflexes républicains et bourgeois portés par un certain nombre de tendances féministes. Et rien que pour cela, on pouvait facilement s’y sentir à sa place. Toutes les femmes en lutte pouvaient y manifester sans se faire culpabiliser (des travailleuses du sexe aux femmes portant un foulard, des trans aux femmes sans-papiers, etc.).

Certains cortèges insistaient particulièrement sur la solidarité avec les luttes de femmes à travers le monde (notamment en Afrique, en Amérique latine et en Palestine).

Si la plupart des cortèges étaient « autonomes », dépendant d’aucune organisation spécifique, certains étaient spécifiques à des orgas/assos/partis comme ceux de Femmes en lutte 93, Act-Up, Inter-LGBT, Fédération anarchiste, CNT-AIT, Voie prolétarienne, NPA, Front de Gauche, EELV, etc.

Sur quelques-uns des nombreux panneaux portés par des manifestant-e-s, on pouvait lire :
- « Mon genre : humain, féministe, trans »
- « Féministes en colère / La lutte continue »
- « Fières, vénères, sans frontières »

Au final, une manif assez dynamique, qui, si elle n’a pas eu de répercussion médiatique, ne sera pas passée inaperçue sur son passage !

Dominique Rochetard

[Plein de photos de la manif, .]


Ci-dessous, l’intervention lue à la fin de la manifestation, à Pigalle, par les Femmes en lutte 93 (je précise que je n’en fais pas partie, mais je l’ai trouvée très intéressante donc je fais suivre) :

Nous sommes sorties de l’ombre pour faire vivre un féminisme de lutte de classe !

"Merci à tous et toutes d’être venues ! On remercie tout le monde ! Notamment les femmes de la Coordination 93 des sans papiers (CSP 93).

Nous voulons faire vivre un féminisme populaire et multiculturel qui pose les vrais problèmes des femmes des quartiers populaires et prolétaires, de notre point de vue, suivant nos intérêts et nos besoins ! Pas ceux des hommes, ni de l’État ni de l’Institution féministe !

Notre féminisme populaire et multiculturel, combat toutes les agressions racistes. Non aux agressions continues des femmes voilées dans les rues par les fascistes, ou par l’État qui instrumentalise cette question à des fins racistes.

Nous soutenons les sans-papiers car leur combat est notre combat. Nous ne laisserons les partis de gauche se donner une bonne conscience républicaine, alors même qu’ils refusent de régulariser tous les sans-papiers de manière globale, sans critères d’emploi ou de ressources. Régularisation de tous les sans-papiers !

Nous refusons de rentrer dans le jeu de « Ni putes Ni soumises » et autres féministes institutionnelles qui relaient les idées reçues sur les hommes des quartiers populaires : tous violents, agressifs, sexistes et homophobes. Nous refusons de poser le débat dans ces termes-là : oui les violences faites aux femmes et aux LGBT existent dans nos quartiers. Nous ne tairons pas ces violences. Nous menons des campagnes dans nos quartiers pour dénoncer les violences que nous subissons. Mais on n’a pas besoin de vous pour nous défendre ! Organisons-nous nous-mêmes !

Nous ne tairons pas les aspects spécifiques des femmes au nom de l’« unité » de nos mouvements militants des quartiers, de l’immigration, ouvrier. Car oui, le féminisme nous concerne, oui le féminisme est une nécessité !

C’est pareil sur l’orientation sexuelle. Et on va se le dire une bonne fois pour toute : Oui, l’homosexualité existe dans nos quartiers populaires et non ce n’est pas « une maladie de l’Occident ». Oui ce problème concerne les habitants des quartiers et il faut se battre pour nos droits, notamment la PMA. Et lutter contre l’homophobie, la biphobie, la lesbophobie et la transphobie !

Nous, Femmes en lutte 93, relions la question du racisme et du sexisme à la question de classe : car ce qui unit les habitants des quartiers populaires, toutes origines confondues, c’est bien la volonté d’en finir avec l’exploitation, la précarité et la vie de merde que nous impose cette société, qui en 30 ans s’est enfoncée encore plus dans la crise ! Ce qui nous unit, c’est la volonté de créer ensemble des espaces collectifs pour rendre populaire nos luttes et nos combats.

Dans ce sens, l’héritage des militants et militantes ouvriers, ouvrières, immigrées, sans papiers, hommes et femmes est à faire vivre pour l’inscrire dans notre histoire. Car cette histoire de lutte féministe, antiraciste, antihomophobie, anticapitaliste et anticoloniale est la nôtre.

Notre slogan, repris des femmes de la CSP 93, est « Sortir de l’ombre pour vivre libre » ! Aujourd’hui, on l’a fait. Mais, Il faut poursuivre le combat :

Rdv à l’AG du lundi 17 mars et rdv dimanche 6 avril, 14h, à la Bourse du travail de St-Denis pour rencontrer les ouvrières en luttes de PSA pour discuter de nos conditions de travail et ce que c’est « militer au féminin ».

Ce n’est pas fini, car pour nous, c’est tous les jours une journée de lutte des femmes ! Vive le féminisme de lutte des classes ! Sortons de l’ombre, pour vivre libres, nous ne sommes ni victimes ni invisibles, mais les femmes en luttes du 93 !"

Mots-clefs : anti-sexisme
Localisation : Belleville

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