L’interco Champêtre est un rassemblement de plusieurs collectifs qui organisent des cantines et des distributions de nourriture à prix libre dans différents lieux en Seine Saint-Denis et dans le 20e arrondissement de Paris. Chacun de ces collectifs agit à l’échelle de son quartier et de sa ville. Nous sommes en lien depuis plusieurs années, et même si chaque collectif a sa propre histoire et ses propres formes d’organisation et d’actions, nous nous sommes rassemblé.e.s autour de pratiques et d’intentions communes.
En mettant en commun des récups d’invendus et des récoltes, des repas, des lieux de gratuité, ouverts et rejoignables par tou.te.s, des pratiques autogestionnaires, des moyens de lutter et de nourrir les luttes, nous cherchons à renforcer l’autonomie alimentaire là où nous habitons. Nous le faisons à notre petite échelle, dans nos quartiers, avec nos moyens et nos forces. Avec celleux qui veulent et qui peuvent participer en donnant des coups de main de toutes sortes - que ce soit en organisant une récup’, en épluchant des légumes, en donnant une idée de recette, en faisant un café, en étant juste là avec nous.
Nous croyons qu’il est urgent et vital de sortir autant que l’on peut la nourriture – et le fait de manger - des restaurants, des supermarchés, des espaces privés, des centres de distribution de l’aide alimentaire, des circuits marchands et industrialisés. C’est dans cette démarche que nous organisons des cantines dans ces espaces où d’autres activités solidaires et politiques ont lieu : collecte et récup de vêtements, de matériel, cours de langue, ateliers d’autodéfense sociale, ateliers de rue, fêtes, entraide et accompagnement dans les démarches administratives, permanences de droit, projections, cours de théâtre, cours de danse, chorales, sessions de bricolage, recyclerie, départs en manif… L’autonomie collective et populaire doit évidemment être plus qu’alimentaire !
C’est avec ces perspectives que la cantine des Pyrénées, la cantine des Gilets Jaunes de Montreuil, la BSP Montreuil-Bagnolet et la BSP Aubervilliers-Pantin se sont mis en lien depuis début 2022 avec une maraîchère militante proche de Paris, installée à Tournan-en-Brie dans la ferme collective de Combreux. Installée en GAEC avec son associé, elle nous a mis à disposition 750m² de terres et son appui technique pour que nous puissions produire directement nos propres légumes afin d’alimenter nos cantines et distributions alimentaires. Ce repas de soutien vise à nous aider à financer les semences et un peu de matériel nécessaire à la production, frais que nous partageons avec elle en échange de légumes gratuits au moment des récoltes. Après une belle récolte pour cette première année, nous prévoyons de poursuivre sur notre lancée pour produire des légumes demandant peu d’entretien et donc plutôt « faciles » à produire, mais cette fois sur une surface plus grande : environ 1200m² !
Bon appétit et merci d’avance pour votre soutien ! (Qu’il consiste à nous donner quelques sous, à relayer cette initiative dans vos réseaux ou à faire de ce repas un moment convivial et instructif pour reconquérir notre autonomie alimentaire !)
Le fait de produire nos propres légumes répond au moins à trois nécessités.
La première est de réduire notre dépendance aux récupérations d’invendus, qui permettent certes de réduire le gaspillage mais nous maintiennent dans les chaînes de production et de distribution sans fin du système agro-industriel que nous considérons toxique et sans avenir. C’est donc la nécessité de produire à proximité de nos lieux d’organisation des patates, des courges, des oignons, de l’ail et des échalotes de qualité.
La deuxième est de retisser des liens entre la ville et la campagne qui sortent producteurs ruraux et consommateurs urbains d’une séparation factice : produisons tou.te.s et (ou parce que nous) mangeons tou.te.s ! Nos cantines et lieux d’organisation nous semblent à ce titre des endroits propices pour expérimenter et mettre en œuvre démocratiquement les prémices d’une autonomie paysanne et alimentaire. Une autonomie qui soit accessible à tou.te.s, à l’échelle du quartier, dont on discute les besoins, les choix collectifs et les modalités d’organisation autant autour de repas chauds dans nos cantines, qu’en travaillant la terre à intervalles réguliers dans le 77, épaulé.e.s par des camarades paysan.ne.s.
Cette nécessité recoupe la troisième qui consiste à faire exister un appui mutuel entre luttes menées en ville, qu’elles soient syndicales, autonomes, antiracistes, féministes, anti rép ou autre, et luttes paysannes et écologistes qui combattent souvent les mêmes ennemis et les mêmes politiques… capitalistes. Nous avons le sentiment et faisons le constat, depuis notre position, que ces deux champs de contestation, qui partagent pourtant un bon nombre de conditions, d’intérêts et de combats et projections politiques en commun, s’ignorent souvent, ou en tous cas peinent à se rencontrer et à partager tout ou partie d’un même agenda politique. Les luttes pour la défense des terres et pour leur réappropriation « par le bas » - à l’image des ZADs, des Soulèvements de la Terre ou des syndicats/coopératives existant sur le Plateau de Millevaches ou dans le Haut Berry (pour ne prendre que quelques exemples sur les multiples foyers qui existent en France et à l’étranger) font pourtant (ré)émerger actuellement un rapport de force intéressant contre les acteurs qui artificialisent à tour de bras, épuisent et contaminent les sols, s’accaparent les terres et les maintiennent dans le giron de la propriété privée.
FNSEA, cumulards, Monsanto et autres industriels de l’agro-chimie, constructeurs d’aéroports et d’autres projets inutiles et nocifs, promoteurs des giga-fermes qui condamnent des milliers d’animaux à une vie insoutenable, méga-bassines, promoteurs de l’artificialisation pour le Grand Paris, pour les JO, pour les métros… Tous ces ennemis des terres – et par là de tous les vivants qui les habitent et s’en nourrissent, dont nous humains - sont à combattre aussi depuis les villes, et depuis des alliances qui transgressent la démarcation entre l’urbain et le rural.