Article publié en 2018 lors du mouvement contre la Loi Travail
La réussite d’un blocage de lycée dépend de différents paramètres :
- Le nombre de personnes motivées pour tenir les barrages dès l’aube
- La présence ou non de flics et leur attitude
- L’attitude des autres élèves ne participant pas activement à la mobilisation
- L’attitude de l’administration
- L’attitude des profs et des autres personnels
- Eventuellement l’attitude des parents d’élèves (mais c’est rare qu’on les voit dès le premier jour de blocage)
Tous ces paramètres ne sont pas toujours entièrement maîtrisables, s’il n’existe pas de recette magique et que le contexte local compte pour beaucoup, l’application des conseils développés ci-dessous devrait néanmoins permettre de faire pencher la balance en faveurs des bloqueurs et des bloqueuses !
Quelques jours avant :
Si certains blocages peuvent se décider à l’arrache la veille pour le lendemain lors d’événements particuliers (par exemple une menace d’expulsion d’élèves sans-papiers), mieux vaut toutefois, si la situation le permet, s’y prendre une semaine ou au moins quelques jours en avance pour bien préparer ce type d’action. Il faut donc dans un premier temps essayer de se tenir au courant des grandes dates de mobilisation, annoncées généralement suffisament en avance pour permettre à tout le monde de s’organiser localement.
- Organiser une assemblée générale (AG)
C’est une réunion ouverte à tou-te-s les lycée-ne-s qui veulent se mobiliser. Il s’agit d’une étape fondamentale : c’est le moment qui permet de rassembler toutes les personnes plus ou moins motivées pour se lancer dans une mobilisation et de s’organiser collectivement. De plus, il s’agit d’une pratique historique des mouvements sociaux, entièrement légale et reconnue par tous vos potentiels soutiens (profs syndiqués et parents d’élèves en particulier).
Il est important de savoir qu’un proviseur se doit de fournir une salle à des lycéen-ne-s voulant se réunir, il s’agit d’un droit obtenu par les luttes lycéennes depuis les années 80 [1]. Cependant le proviseur peut exiger que la demande soit effectuée « officiellement » avec une ou plusieurs personnes signant de leur nom sur un petit bout de papier. En cas de menaces de répression sur ces personnes, il est important de faire valoir qu’elles ne sont responsables officiellement que de l’organisation de la réunion, et non de ce qui s’y décide.
Une fois l’autorisation obtenue, c’est le moment de faire connaître à un maximum de personnes l’heure et le lieu de l’AG : affiches, tracts, bouche-à-oreilles... l’info circule vite dans un lycée !
L’assemblée générale permet non seulement de s’informer et de discuter des raisons de la mobilisation, mais surtout de décider collectivement des moyens d’actions. Le fait de voter formellement le blocage peut par exemple être par la suite un excellent argument à renvoyer à celles et ceux qui chercheraient des leaders sur lesquels faire pression (« c’est sûrement pas machin ou truc qui a décidé tout seul qu’il fallait bloquer, c’est nous tou-te-s ensemble lors de l’AG »). C’est aussi l’occasion souvent de rencontrer de nouvelles personnes voulant s’impliquer dans la mobilisation mais qui n’étaient pas en contact à la base avec votre petite bande d’activistes !
- Ecrire un texte issu de cette AG :
À la fin de l’AG, une chose importante à faire est de rédiger un petit texte résumant les raisons de la mobilisation et ce qui a été décidé en AG. Ce texte pourra être diffusé par tous les moyens nécessaires. Si le blocage a été voté, c’est toujours mieux de l’annoncer officiellement : l’administration sera de toute façon au courant d’une manière ou d’une autre et cela permet d’afficher qu’il s’agit d’une décision collective prise dans le cadre de l’assemblée générale. C’est aussi un bon moyen pour informer les autres personnels de l’établissement (profs, surveillant-e-s...) et discuter avec elles/eux d’un éventuel soutien à votre mobilisation.
Lors des quelques jours qui vous restent avant le blocage, c’est aussi le moment d’acquérir et de préparer le matériel certes folklorique mais aussi très utile pour visibiliser et renforcer votre action (banderoles, tracts, pancartes etc.)
- La veille :
La veille du blocage, cela peut-être pas mal de prévoir un petit point récapitulatif d’organisation. C’est le moment de rappeler l’heure du rendez-vous le matin, de se compter, de bien être sûr de qui ramène quoi comme matos etc. Il peut aussi être utile à ce moment là d’envoyer très largement des messages de rappel auprès de toutes les personnes potentiellement motivées pour se lever très tôt et venir bloquer !
Tôt le matin (autour de 7h)
À l’heure du rendez-vous, c’est bien de se compter et de faire un premier point un peu à l’écart du lycée pour régler les questions techniques, ces dernières sont propres à chaque établissement (nombre d’entrées à bloquer, endroits où aller chercher des poubelles et des barrières...).
Quoi qu’il arrive, essayez de toujours rester groupés. Si jamais le proviseur et/ou des membre de l’administration sortent pour vous empêcher de bloquer essayez au maximum de rester calme et de discuter avec eux. S’ils se montrent virulent, mieux vaut d’abord faire des chaines humaines pour les pousser tranquillement (mais fermement) vers les portes que leur balancer une floppée de projectiles. L’attitude collective peut également jouer dans la décision des flics, s’ils sont présents, d’intervenir ou non pour casser le blocage. En cas d’intervention de leur part, à moins d’être vraiment très nombreux il est généralement très compliqué de leur tenir tête sans risquer une féroce répression.
De manière générale, en cas de violence de la part de l’administration et/ou d’intervention policière, essayez si possible de filmer ! Attention cependant à ne pas filmer les visages de camarades qui seraient en train de commettre des actes répréhensibles.
À l’heure officielle d’ouverture (autour de 8h)
Si à l’heure d’ouverture officielle du bahut le blocage tient toujours, c’est que vous vous êtes déjà plutôt bien débrouillés, bravo ! C’est le moment d’expliquer aux centaines de lycéen-ne-s qui débarquent que si c’est trop cool de ne pas avoir cours, c’est encore mieux de venir bloquer le matin, d’aller ensuite en manif, bref de participer activement à la mobilisation ! C’est le moment de sortir les tracts que vous avez imprimés en masse, de discuter avec un max de monde, d’interpeller vos profs sur la situation ! Et puis surtout ne pas oublier d’assurer l’ambiance : chants, slogans, de quoi balancer du son... mais aussi thé, café, petit dèj quoi !
Un certain nombre de critiques reviennent cependant assez systématiquement lorsqu’on bloque un établissement, sans être exhaustif voici quelques exemples avec des arguments permettant d’y répondre :
- « C’est illégal » : Alors oui, bloquer un établissement scolaire est effectivement illégal, mais les lycéen-ne-s ne disposant pas de moyens d’actions légaux efficaces tels que le droit de grève, il n’existe pas vraiment d’autres solutions (on a rarement vu un gouvernement céder avec de simples manifestations le samedi après-midi).
Et puis bon c’est peut-être illégal mais ce n’est pas non plus un crime, ne pas pouvoir aller en cours n’a jamais tué personne, se conformer à la légalité dans certains cas peut se révéler bien plus nuisible que de bloquer son lycée (comme rester passif face à la politique migratoire du gouvernement par exemple).
- « C’est anti-démocratique » : celle-là c’est la meilleure ! Depuis quand les décisions concernant tous les élèves sont prises démocratiquement dans un lycée ? Est-ce qu’on demande aux lycéen-ne-s leur avis sur l’organisation des emplois du temps, la comptabilisation des absences et des retards, le prix des repas à la cantine... ? Là au moins plusieurs dizaines voir plusieurs centaines de lycéen-ne-s se sont réuni-e-s et ont décidé ensemble d’une action collective, si vous voulez faire plaisir aux profs d’histoire il suffit d’expliquer que c’est même le B-A-BA de la citoyenneté (au sens historique du terme hein, pas la version Ve République d’aujourd’hui), qu’on est censé apprendre au lycée...
- « Vous voulez juste ne pas aller en cours » : alors effectivement ça fait toujours plaiz’ de pas se taper une journée enfermé dans une salle de classe, mais bon franchement on peut difficilement dire que bloquer et participer à un mouvement social soit de tout repos ! Si les bloqueurs et les bloqueuses ne voulaient « juste pas aller en cours » ils/elles sècheraient tout simplement, et vaqueraient à leurs occupations de leur côté sans avoir à se lever à l’aube ni se coltiner toute la préparation des journées de mobilisation !
Voila pour ce qui concerne la réponse aux principales critiques, il existe bien sûr quantité d’autres arguments en faveur du blocage pour ce que ce mode d’action porte en tant que tel : rupture avec le quotidien, libération de temps, importante visibilité médiatique, efficacité en terme de rapport de force etc. Le plus important est de rester en nombre et déterminé afin que d’éventuels opposants au blocage soient découragés de tenter la moindre action !
Après tout ça, si autour de 10h-11h le blocage tient toujours on peut dire que c’est une vraie réussite , c’est ensuite entre vous de décider de la suite de l’organisation de la journée, en fonction des envies et du rapport de force (laisser quelques personnes tenir le blocage pendant que les autres vont en manif, le lâcher pour tou-te-s y aller, tou-te-s rester pour être sûr de bien bloquer toute la journée quitte à louper la manif...). En revanche si à un moment ou à un autre le blocage n’a pas tenu ce n’est que partie remise, pas de quoi se décourager !
En cas d’échec
On distingue généralement deux principaux facteurs d’échec à un blocage :
- Vous n’étiez vraiment pas suffisament nombreux/ses : dans ce cas vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-mêmes, il faudra tenter de convaincre plus de monde pour venir bloquer la prochaine fois !
- Vous vous êtes fait réprimer salement : si c’est souvent une situation très difficile à vivre, avec des conséquences réelles et parfois graves sur les gens qui subissent cette répression (blessures, gav, poursuites administratives et/ou judiciaires), il y a aussi moyen de la retourner à votre avantage.
Quels que soient les acteurs de cette répression, il faut impérativement chercher à leur faire subir le bad-buzz ! Envoyer les flics sur des lycéen-ne-s est en soi quelque chose de scandaleux, tout comme menacer de conseil de discipline des jeunes qui ont commis l’unique faute de se préoccuper de leur avenir. C’est le moment où vous aurez le plus besoin d’allié-e-s : n’hésitez pas à solliciter les personnels syndiqués ou à contacter la FCPE (association de parents d’élèves de gauche plutôt réformiste mais qui ne tolère généralement pas les violences contre les lycéen-ne-s). S’il y a des images, il faut les diffuser au maximum (toujours en faisant attention à ce qu’elles ne mettent pas en danger des participant-e-s à la mobilisation), il faut que les responsables de la répression payent par une dégradation de leur image publique, c’est généralement la seule chose à laquelle ils/elles tiennent, c’est ce qui les fera réfléchir à deux fois avant de recommencer !
S’il existe dans votre ville un collectif militant contre la répression, contactez-le, vous devriez y trouver des camarades qui sauront vous aider pour la suite [2].
Ces conseils, en espérant qu’ils vous soient utiles, ne constituent pas pour autant un mode d’emploi. Comme toutes les pratiques de lutte, le blocage n’a pas vocation à s’enfermer dans une forme figée, au risque de perdre de son efficacité. Ne laissez surtout pas de côté votre créativité, en essayant toujours de vous adapter au contexte local de votre lycée. Bon blocage à toutes et tous !