Quand le ministère des droits des femmes dépolitise les discriminations salariales

Le ministère des droits des femmes essaye de montrer qu’il s’intéresse aux inégalités genrées de salaires. Et comme il se veut moderne, il fait développer une application « pour aider les femmes à progresser dans leur carrière ». Sauf qu’on ne règle pas un problème social majeur, extrêmement ancré, à coup d’applis mobiles gouvernementales.
Et surtout, le discours derrière tout cela, écrit noir sur blanc, est culpabilisateur pour les femmes, élude le fait que le phénomène du plafond de verre relève du système patriarcal et non de faits individuels, et ne cherche pas véritablement à comprendre le pourquoi du comment (cela serait sans doute trop radical et bousculerait trop les entreprises).
Le blog Crêpe Georgette montre en quoi le ministère ne fait ici que renforcer des mécanismes de domination existants.

Il est assez souvent coutume, face aux luttes contre les discriminations, quelles qu’elles soient, de les dépolitiser.
Des viols ? L’oeuvre de quelques désaxés.
Des discriminations à l’embauche ? l’oeuvre de vieux barbons sexistes non représentatifs de quoi que ce soit.
Des inégalités salariales ? Le manque de confiance en soi des femmes.
(et cela marche évidemment avec tout :

  • du racisme ? Oeuvre de quelques extrémistes mais notre belle France n’est pas comme cela.
  • de l’homophobie ? Oeuvre de quelques extrémistes mais notre belle France n’est pas comme cela.
    on décline cela à l’infini).

Cette pensée a de nombreux avantages. Elle permet de faire d’un système politique - ce que sont le sexisme et le racisme par exemple - une affaire d’individus où le groupe dominé est presque autant responsable de son sort que celui qui le discrimine. Elle sert aussi à éviter à nos politiques d’engager une quelconque action collective puisqu’il suffit aux individus de se prendre en main.

Le Ministère des droits des femmes nous rappelle cette évidence ; quand même les femmes y sont un peu pour quelque chose dans cette histoire de discrimination. Je cite « Savez-vous en effet que les différences de confiance en soi entre femmes et hommes peuvent expliquer jusqu’à 4,5 des 25 points de l’écart salarial ? Toutes les études sont concordantes. L’une d’elles montre que les hommes sont 9 fois plus enclins à demander une augmentation de salaire que les femmes. » On imagine un coquinou de chef de cabinet, tout fier de ses « études concordantes » débouler l’air enthousiaste « les gars j’ai enfin résolu le problème de la discrimination ; il faut enseigner la confiance en soi ».

Banco, est mise en branle une agence spécialisé dans le jeu en ligne et le pari sportif (cela ne s’invente pas) pour pondre une application. L’avantage de ce genre de choses est que cela ne coûte pas cher (beaucoup moins que de s’attaquer aux entreprises), cela permet une jolie conférence de presse et surtout cela fait d’un problème social majeur, une affaire de comportements individuels facile à régler.
En plus cela tombe bien. Comme beaucoup de femmes sont déjà totalement persuadées que ce qu’elles peuvent subir en matière des sexisme est de leur faute, le MDDF enfonce le clou en leur envoyant ce message très positif « si tu avais eu confiance en toi, cela ne serait pas arrivé ». (connasse).

Alors au fond me direz-vous quel est le problème ? Parce que oui en effet les femmes sont souvent élevées à moins demander, avoir moins confiance en elles, à sous-estimer leur valeur. Oui. Simplement depuis que cette évidence a été sortie (scoop je pense qu’il en est de même pour tous les groupes dominés ; étonnamment à force qu’on te prenne pour une merde, tu peux te voir comme tel. Incroyable), elle est devenue la solution à tout.
Plus besoin de s’emmerder à coller des amendes aux entreprises, plus besoin de faire des lois contre la discrimination, plus besoin de la Halde, plus besoin de conventions avec des entreprise, plus besoin de mise en demeure, plus besoin de sanction, il suffisait de dire qu’en insufflant aux femmes (mais vous pouvez tout à fait remplacer femmes par noirs, musulmans, transsexuels, ouvriers, handicapés ; magique ça marche pour tout !) un peu de confiance en soi et les choses iraient beaucoup mieux.
On est en plein dans la pensée magique du « quand on veut, on peut » « tu ne l »aurais pas un peu cherché quand même".

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Mots-clefs : anti-sexisme

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