Sondage Odoxa sur les Gilets Jaunes : vraiment bidon !

Les Gilets Jaunes ont toujours fait preuve d’une belle indifférence à l’égard des sondages et autres constructions médiatiques. Mais certain·es peuvent encore se sentir plombé·es par des chiffres martelés dans les médias. Qu’ils et elles se rassurent, ces chiffres sont vraiment bidons !

Le dernier en date est celui d’Odoxa, déjà épinglé pour des manipulations grossières, par exemple sur l’expulsion de la ZAD. Le 25 février dernier, à propos des Gilets Jaunes, l’institut titrait fièrement : « les français en ont assez », « ils disent STOP aux gilets jaunes » ! Dans la foulée, Macron, Castaner et compagnie enchainaient les plateaux TV, s’appuyant sur le fameux sondage pour répéter tous en cœur : « c’est bon hein, ça suffit ».

Ce sondage est encore plus bidon que tous les autres, pour différentes raisons. D’abord, Odoxa se permet de dire qu’« une nette majorité (55% vs 45%) de Français veulent l’arrêt du mouvement ». Mais 55 contre 45, c’est pas du tout une nette majorité ! Pour un sondage par échantillon, c’est quasiment une égalité ! Et en plus de ça, il faut prendre en compte la marge d’erreur. Puisque seulement 1000 personnes ont été interrogées, on se situe autour de 3 points de marge, comme c’est indiqué sur leurs propres documents. Ce qui veut dire que le chiffre réel pourrait très bien être 52-48. Une « nette majorité » ?!

Sur l’évolution des chiffres, Odoxa n’hésite pas à parler d’une « dégringolade du soutien aux Gilets jaunes ». Mais dans les données de leur précédente enquête, publiées le 25 janvier, on était à 51% contre 49%. Soit seulement 4 points d’évolution en un mois, et toujours avec une marge d’erreur de 3 points ! Et c’est la même chose si on regarde les mois précédents : les chiffres ne bougent quasiment pas (52-48 le 10 janvier) et pourtant Odoxa parle d’« effondrement du soutien » ou de « retournement de la population ».

Plus loin dans la manip’ : les experts d’Odoxa ne se contentent pas d’exagérer les réponses, ils changent aussi les questions. Fin novembre, alors que le soutien était à son maximum (66%), la question posée était la suivante : « Diriez-vous que le mouvement doit se poursuivre ou s’arrêter ? ». Mais à partir de janvier, les termes changent légèrement : « A présent, diriez-vous que les actions des gilets jaunes doivent se poursuivre ou s’arrêter ? »

On ne parle plus d’un mouvement mais d’actions…c’est plus du tout la même chose ! Et on ajoute au début de la phrase un « à présent » très étrange pour un questionnaire censé être neutre, ou au moins faire semblant. Si on cherche des exemples de formulations courantes, on pense tout de suite à des trucs comme « à présent c’est fini », ou le « bon ça suffit à présent » du maître d’école. Et c’est exactement le rôle d’Odoxa : faire la leçon à des garnements (les gilets jaunes) qui ont fait des bêtises (les actions).

Pour être sûr d’éviter le retour des gros scores, Odoxa a aussi pris soin de retirer certaines questions. Par exemple, début décembre, lorsqu’on demandait si « ce mouvement est justifié ou pas justifié », les soutiens atteignaient 77%. On pouvait répondre « plutôt justifié » ou « tout à fait justifié », ce qui facilite les adhésions, même passives. Cette question a tout simplement disparu à partir de janvier, remplacée par d’autres sur les « violences et les dégradations ».

Répression et communication sont deux armes dont le gouvernement fait usage à très grande échelle ces derniers temps. Mais les Gilets Jaunes l’ont bien compris, le vrai sondage ce sera dans les beaux quartiers de Paris, le 16 mars, pour un Acte XVIII qui s’annonce historique !

Note

Puisque la loi les y oblige, les instituts de sondage publient certaines données de base de leurs enquêtes. Les données utilisées ici sont donc disponibles sur le site d’Odoxa, en tapant "Gilets Jaunes".

Mais ce texte n’a pas vocation à exiger de « bons sondages », contre de « mauvais sondages ». On peut critiquer les sondages dans leur globalité en considérant qu’ils fabriquent une opinion plutôt qu’ils ne la recueillent, comme le sous-entend la fameuse sentence de Bourdieu : « L’opinion publique n’existe pas ».

Il s’agit plutôt de chercher à comprendre comment et pourquoi des médias dominants magouillent grossièrement des techniques qu’ils connaissent pourtant très bien, pourquoi ils ne posent pas les questions selon des règles qu’on peut apprendre en première année de fac de sociologie.

Une critique équivalente sur le questionnaire du Grand Débat : https://paris-luttes.info/scandale-le-questionnaire-pourri-11576

Pour approfondir : https://www.acrimed.org/L-opinion-publique-n-existe-pas

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