Oui, on va voter Macron. Sinon, NOUS, on crève.

Nous avons décidé de partager un texte que nous avons fait tourner à plusieurs réseaux militants de notre université (P7). Nous pensons que nos problématiques sont secrètement partagées par plus de monde que « la gauche » veut bien le penser. Si nous partageons ce texte, c’est pour amener un contre-discours afin de renverser un avis qui se veut hégémonique, et qui joue avec la vie des personnes précaires et visées directement par le fascisme. C’est pour cette raison que nous nous sommes rassembléEs en non mixité queer et/ou racisée après notre déception face à une AG coordonnée encore et toujours par les branches trotskystes et totos (les premières jouant aux pti’s chefFes, les autres nous mettant en danger en conduisant des personnes mineurEs en blocage).

CR de la contre assemblée en non-mixité queer et/ou racisée

Nos ressentis face aux précédentes AG à Paris 7

Plusieurs points ont été abordés durant cette réunion. Elle fait suite à une crainte partagée collectivement de voir nos revendications et nos peurs disparaître dans la mêlée. Bien que nous soyons à 100% pour un mouvement de masse, n’en demeure pas moins que les problématiques des personnes marginalisées se perdent en chemin. Le mot d’ordre ré-invoqué Ni Le Pen, Ni Macron est ressorti en force, au point où l’on accusait les personnes ayant l’intention de voter Macron au second tour de « collabo ».
Voilà un mot qui nous est resté en travers de la gorge, à nous, premières personnes touchées par les politiques macronistes et lepenistes. Nous avons donc décidé d’appeler à une contre assemblée, dans l’espoir de pouvoir construire collectivement un contre-discours – étayant ce que nous avons été incapable de formuler à l’oral devant une foule ne nous laissant pas l’espace ou la légitimité pour le faire. Nous espérons que vous n’y verrez pas une attaque au mouvement. C’est tout le contraire. L’idée n’est pas de « diviser » la mobilisation, mais de la rendre plus cohérente, à l’image de toutes les catégories sociales qui la font vivre.

Pourquoi Macron n’est pas équivalent à la peine ? Pourquoi ce n’est pas la peste ou le choléra ?

  • Premièrement, il n’est pas inutile de rappeler que toute la vision idéologique que toute la vision du monde du Rassemblement National est structurée sur le fait qu’il n’aime pas les personnes racisées. Le parti veut une France blanche. Ce n’est pas parce que ses représentantEs ne scandent pas ouvertement à la haine raciale que les motivations derrières un discours bancal ne s’oriente pas vers le racisme. Quand le Front National disait : « 2 millions de chômeurs, ce sont 2 millions d’immigrés de trop ! La France et les français d’abord ! », c’est raciste. Jean-Marie Le Pen a précisément réussi à imposer le débat racial à travers la grande crise du chômage des années 1980. C’était le Cheval de Troie de la haine de l’époque [1]. Aujourd’hui, à travers Zemmour, et plus discrètement Marine Le Pen, on parle surtout de l’incompatibilité entre la République et la religion musulmane.
    Youcef Brakni, membre du Comité Vérité et Justice pour Adama Traoré, militant antiraciste et des quartiers populaires affirme le véritable danger que représente Marine Lepen. Les débats sur l’immigration et sur l’islam n’ont jamais été aussi virulents. Sous Macron, Darmanin a réussi à dissoudre des collectifs qui seraient soi-disant un danger pour la République. On pense par exemple au Collectif Contre l’Islamophobie en France (CCIF). Cette attaque, ainsi que le discours d’extrême droite qui a alimenté des réformes sous le dernier quinquennat macroniste, vient d’un mouvement intellectuel complotiste sur les personnes musulmanes. Brakni nous en parle dans la vidéo de XY media, présidentielles : Une surenchère raciste et fascisante : « L’idée que les musulmans font semblant d’être soi-disant – on va reprendre leurs termes – « intégrés » ; faire semblant d’avoir une pratique de l’islam qu’ils considèrent comme modéré, etc. Tout ça participe d’un complot, et qu’en fait ils font semblant. Mais en fait, leur objectif est d’instaurer un califat en France. ».
    Il continue en déconstruisant la logique d’une gauche islamisée, une gauche soumise à l’islam via une infiltration de la part des personnes musulmanes dans les partis, afin de discréditer et attaquer la gauche. C’est tout le concept d’islamogauchisme. C’est un peu le même mécanisme au début du XXè siècle, lorsqu’on parlait encore de « judéobolchévisme », afin de dire que s’il y a de la pauvreté, c’est la faute aux personnes de confession juive. Le problème, ce sont les minorités. Ce sont toutes ces minorités, queers et/ou racisées qui gangrènent les partis et les universités selon les dires de l’extrême droite et d’une partie des ministres de Macron. Cette stratégie – « la faute aux minorités » – n’est pas nouvelle. La Hongrie en est l’exemple phare, qui inspire d’ailleurs le programme de Le Pen. Citons la dernière vidéo de Ouvrez l’Élysée, Usul. Faut-il vraiment voter Macron ? : « Victor Orban est une vraie source d’inspiration pour Marine Le Pen. Elle s’affiche avec lui. Elle parle avec lui. Ainsi, son programme pour la France ressemble beaucoup à ce qu’a fait Orban en Hongrie. Il a rassemblé nationalement autour des valeurs familiales, du travail, de l’amour de la Patrie [2] ».
    Orban a aussi réformé la constitution hongroise ! Ce qu’a prévu de faire Marine Le Pen. Le canard enchaîné, en 2017, a rapporté un projet en marge du plan lepeniste qui consistait à dissoudre l’assemblée, réformer le mode de scrutin, apportant automatiquement 30% au premier parti, donc une majorité pour éviter l’opposition. En fait, l’opposition serait proportionnelle, mais face à une assemblée majoritairement fasciste.
    Voilà un premier point que nous souhaitions préciser d’emblée : l’attaque à la démocratie par l’attaque aux minorités sociales.
  • Second point qui nous semble évident d’aborder : la proximité entre Le Pen et des groupuscules nazis/suprématistes blancs. Le reportage Génération Hate [3] d’un journaliste militant antifasciste qui a réussi à infiltrer le bar La Citadelle – un bar fréquenté par le collectif tristement connu de génération identitaire – nous délivre des images choquantes de néonazis menaçant de morts des femmes racisées dans la rue, appelant à « mettre une balle dans la tête » aux personnes qui tenteraient d’aider les personnes sans papiers à trouver refuge en France, glorifiant l’Allemagne d’Hitler. Quand Marine Le Pen a été élue en 2011 à la tête du Rassemblement National, anciennement Front National (FN), le but était de donner un visage tolérable au mouvement fasciste et sortir de l’image d’un Jean Marie Le Pen qui tient des propos négationnistes sur les camps de la mort – camp qui a massacré des personnes tsiganes, de confession juive, des hommes homosexuels, des « travestis », des personnes handicapées, des communistes et des anarchistes.
    En 2017, et aujourd’hui pour sa seconde grande victoire électorale – en termes de popularité – c’est manifestement une victoire pour cette stratégie. Ça a pris du temps, mais ça a été concluant. Cependant, la tentative de dédiabolisation du FN n’a pas empêché la collaboration discrète entre des membres de Génération identitaire, et des membres du Front National : « Contrairement à d’autres mouvements d’extrême droite, Génération identitaire est sensible quant à leur image médiatique. Aurélien Verhassel [l’une des têtes de Génération Identitaire], explique qu’il a renvoyé de nombreux militants d’extrême droite, attirés par la Citadelle […] Plus tard, Verhassel explique à Louis [le journaliste] l’importance de s’emparer du pouvoir, et la raison pour laquelle il reste ferme envers ceux qui font des saluts nazis : « eux, ils veulent être dans la posture, et nous on veut le pouvoir. Et ça c’est quelque chose de totalement différent. Nous on veut le pouvoir, on s’adapte. ». Verhassel voit en Génération Identitaire l’équivalent moderne du fascisme traditionnel : « on est plus aux ligues fascistes des années 1900. […] Il faut être dur sur le fond, et souple sur la forme. » Dans le bar La Citadelle, on y trouve des gens ayant un poste au FN, des commissaires de police, des conseillers régionaux d’Haut de France… Le but de Génération Identitaire est de faire de l’entrisme en y installant progressivement leurs idées dans le programme du FN. Nous vous invitons fortement à consulter ce reportage, bien que celui-ci soit extrêmement choquant ou traumatisant. Les propos et les actes violents envers les minorités y sont récurrents.
    Si le RN passe, si Marine Le Pen arrive au pouvoir, les paroles et les actes racistes, transphobes, queerphobes, psychophobes, xénophobes, etc., vont être DÉCOMPLEXÉS. Beaucoup à l’assemblée générale de ce mardi 19 avril ne semblaient pas se rendre compte de ce que cela signifiait vraiment pour nous. Si le fascisme passe, il y aura davantage d’agressions verbales et physiques à notre encontre. Il est déjà difficile pour certainEs d’entre nous de sortir dans la rue. Et quand nous le faisons, nous avons peur. Nous sommes hyper-vigilants – c’est-à-dire que nous sommes constamment en alerte face à des dangers extérieurs.
    Il y aura aussi des droits fondamentaux qui nous seront retirés. Nous allons citer un entretien de Médiapart, dans l’émission À l’air libre, Ce que serait la France sous Marine Le Pen [4], qui donne une brève description de ces pertes :
    « - Quand on parle de droits sociaux, on parle avant toute chose de préférence nationale. Là je me tourne vers vous Fanélie Carrey-Conte [secrétaire générale de la Cimade], sur le fait que finalement, son projet est un projet qui exclut toute une catégorie de la population de certains droits.
    « - Fanélie Carrey-Conte : C’est pour ça que cet exercice d’écoute de l’intervention est révélateur de ce point de vue-là. Parce qu’en réalité, c’est un exercice de prestidigitation. On parle d’unité, de solidarité, de projet fédérateur, mais il y a un énorme impensé […] on fédère contre qui ? Et en fait, on fédère contre les étrangers, contre les personnes migrantes. On fédère contre celles et ceux qui sont différentes. On fédère contre l’altérité. […] Pour s’en convaincre – c’est pour ça que l’exercice qu’on fait là est extrêmement important de ce point de vue-là – il faut aller déconstruire son programme. À l’intérieur, il y a évidemment cette question de la préférence nationale – au-delà du débat qui se pose sur la constitutionalité par rapport au principe d’égalité qui est dans notre constitution. La préférence nationale, c’est dire à des personnes étrangères que la question de l’accès à des droits fondamentaux – que ce soit le droit au logement, le droit aux minimas sociaux, d’une certaine manière, le droit au travail – ce sont des droits qui vont être remis en question. Et toute cette question de la conditionnalité des droits fondamentaux est au cœur de son programme, et à la clé, des conséquences dramatiques pour des millions de personnes. »
    Carrey-Conte parle également de la remise en cause de la réunification familiale, le droit d’asile « complètement vidé de sa substance ». Précisons aussi l’interdiction du port du voile dans l’espace public, suite logique à la loi séparatiste.

Aussi, le débat précédant le second tour entre Le Pen et Macron a été suffisamment clair : Le Pen veut renvoyer les "délinquants étrangers chez eux", et limiter [empêcher] l’accueil des réfugiéEs qui rentrent "illégalement" sur le territoire français. Elle réitère d’ailleurs son analyse complotiste qui met sur un niveau d’équivalence l’islam, le terrorisme et l’immigration. Elle attaque les modes de vie associés à l’islam, en tentant lamentablement le débat sur la "souffrance animale" pour condamner par la suite l’abattage rituel. Excellent moyen de s’accaparer les voix des militantEs antispécistes, majoritairement blanchEs et profondément apolitiques, sous l’influence d’associations tristement connues pour avoir condamné le voile, l’existence des femmes trans’, les TDS et l’islam. Enfin, elle réaffirme avec force sa motivation à supprimer le droit du sol : "la nationalité française se mérite". Appeler à des référendums pour traiter de questions migratoires, c’est permettre d’installer une politique de plus en plus fasciste avec une pseudo-légitimité en jouant sur la peur irrationnelle des gens.. Rendez-vous compte que c’est d’une gravité accablante.
Aussi, les manifs sous l’extrême droite deviendront insupportables. Sous Le Pen, les groupes fascistes seront bien plus décomplexés et visibles, nous ne voulons en aucun cas expérimenter la vie en France sous un gouvernement d’extrême droite. C’est pour cela que certains d’entre-nous iront voter Macron. Nous souhaitons seulement limiter la casse. Sous Macron, on peut encore se battre. Sous Le Pen, la lutte sera presque impossible pour certainEs d’entre nous.
Nous n’avons pas le temps de tout aborder – les risques pour les descendantEs d’immigréEs, la psychophobie aggravée, la présomption de violences policières, la dangereuse proportion de l’électorat appartenant à la police ou à l’armée, le rapport entre Le Pen et Poutine à travers son emprunt pour le parti (La candidate avait été reçue en grande pompe par Vladimir Poutine pendant la campagne de 2017 et son parti continue de rembourser un prêt de 9 millions d’euros auprès d’un créancier lié à d’anciens militaires russes.)

Le RN contre les personnes LGBTI+

Nous nous inspirerons de l’excellente page Instagram, le coin LGBT, qui regroupe les grandes nouvelles des communautés LGBT+, en ce qui concerne la menace que représente le RN pour les personnes LGBTI+ :

  • Les associations ont besoin de financements pour aider les personnes LGBTI+ isolées. C’est une possibilité que le FN freine ou interdise les financements publics pour les collectifs en question. Le 4 mars 2022, les éluEs du RN de Nice ont voté contre les subventions aux associations LGBTI+ : "« La Ville de Nice accorde des subventions à des associations bien discutables (sic) comme le centre LGBT » déclaraient les conseillers le jeudi 25 mars 2021 en plein conseil municipal." (Nice : l’opposition RN refuse encore des subventions à des assos LGBT (nicepresse.com)). Mais cela s’est également passé le 20/03/2021 en Nouvelle-Aquitaine.
  • La députée Emmanuelle Ménard a lutté pour que les thérapies de conversion des personnes trans restent légales. Nous précisons qu’il s’agit là d’actes odieux et considérés comme de la torture psychologique, menant très souvent à des tentatives de suicide.
  • Marine Le Pen a qualifié le mariage homosexuel de "lobbycratie". Elle veut le supprimer et le remplacer par un PACS amélioré. Si c’est un recul d’une de nos victoires, cela veut dire que les combats en cours ne risquent pas de gagner du terrain (parlons de l’accès à la PMA pour les femmes trans’ (qu’elle compte retirer à l’ensemble des femmes lesbiennes et aux femmes seules), les mutilations des bébés intersexes, etc.)
  • Marine Le Pen veut interdire qu’on parle de problématique LGBTI+ aux mineurEs à l’école. Avec Macron, cela se limitait à la maternelle.

Nous n’avons pas tout précisé. N’empêche que Le Pen reste assez discrète sur toutes ces questions. Ce qui ne présage rien de bon ! Un programme vide est un programme qui peut se découvrir petit à petit DURANT le quinquennat, et qui peut laisser place à des attaques discriminatoires insoupçonnées. Précisons enfin que nous n’avons pas la capacité de préciser pourquoi c’est un descriptif insuffisant. Les personnes LGBTI+ racisées ne vivent pas la même chose que les personnes LGBTI+ non racisées. La LGBTI+phobie est donc élastique face à d’autres spectres que l’identité de genre et la sexualité.

L’AG doit être un outil de rassemblement, mais aussi INCLUSIF

Au-delà de nos préoccupations face à la situation politique en France, nous sommes aussi affectés par le manque de prise en compte intersectionnelle au sein des AG étudiantes (au moins sur le campus de P7) lors de ces 10 derniers jours. L’angoisse de parler devant la foule, la peur des réactions et surtout le sentiment d’être en minorité nous a poussé à nous rassembler, en non-mixité.
Quand bien même certains d’entre-nous avons pris la parole pour rappeler que les politiques répressives touchaient en premier lieu ou du moins, davantage les personnes précaires que les populations majoritaires (blanches, cisgenres, hétérosexuels, valides, métropolitains, "privilégiés"), nous ne nous retrouvons pas dans les discours tenus sur le fait que "Macron et Le Pen, c’est la même chose". NON, ce n’est pas la même chose.
Ils sont différents en plusieurs points : entre néolibéralisme et fascisme/extrême droite, pro-européen et anti-européen, l’un qui réprimande les manifestations, quand l’autre serait prête à les interdire, [....]
Nous refusons de justifier pendant des heures la légitimité de nos peurs. Beaucoup ne les vivent pas. Et pour certainEs d’entre nous, ce sont des peurs quotidiennes.

"Je peux l’écrire 20 fois le mot "racisme". je peux le dire à chaque phrase, mais les mots, quand ils sont dits et quand ils sont ressentis, ce n’est pas pareil". Assa Traoré dans Le combat Adama, lgf, p. 76
"Quand on dit que les jeunes de quartier ne savent pas s’organiser, bah on sait s’organiser, mais la parole ne nous est jamais donnée." Assa Traoré dans Le combat Adama, p. 205

Que ce soit dans une salle de classe ou dans une AG, on a tendance à effacer les corps. Sauf qu’effacer les corps, c’est effacer l’AG. C’est effacer nos contradictions et les différents enjeux qui nous traversent. Effacer nos corps, c’est admettre l’hypothèse que nous serions toustes égaux/égales. Les hommes ne sont déjà pas égaux entre eux, c’est donc une méthode plutôt bancale vous en conviendrez. "Ceux qui cooptent ne font que promouvoir leurs propres intérêts (généralement la notoriété ou un intérêt financier). Lorsque ces ‘alliés’ cherchent à imposer leur agenda, ils se révèlent. Les organisateurices ‘radicauxales’ de ‘la base’, les plus-militant-es-que-toi, cherchent avidement à coopter les problèmes les plus sexy (pour la notoriété/l’égo/être le super allié/l’allié le plus radical) et fixent les modalités de l’affrontement ou dictent quelles luttes doivent être amplifiées ou marginalisées, sans égards pour le terrain sur lequel ils agissent." (Des complices, pas des alliés : abolir le complexe industriel de l’Allié – 🔴 Info Libertaire)

Pour construire un mouvement social massif plus fort et plus solidaires, il nous semble important de préciser le fait que les minorités peuvent parler à une AG, mais cela ne veut pas dire qu’on les écoute – parce que nos paroles remettraient en question vos méthodes d’organisation et vos discours politiques. À notre sens, ce n’est pas une mauvaise chose, ce sera construire ensemble un discours plus cohérent, et imaginer des formes d’actions qui ne seraient pas forcément violentes ou impossibles à mener pour certainEs d’entre nous.

"Si la théorie est blanche, alors elle ne peut être utile qu’à une partie de la population, voir utile à presque personne", bell hooks dans De la marge au centre, Cambourakis, p. 105

Aussi, il nous est déjà arrivé de voir des personnes queers – généralement des hommes cis blancs gay – se servir de leur identité gay pour contre-balancer nos argumentations, afin de redonner du crédit à une organisation de l’AG qui nous a discrédité d’emblée et qui se retrouve contrariée que nous tentions de nous défendre et de sortir d’une ligne politique pré-construite. Cette méthode découle principalement du fait que des hommes cis blancs gay sont plus facilement intégrés au marché du travail. Par conséquent, ils ne sont plus concernés par le travail du sexe, la précarité émotionnelle et économique que certaines d’entre nous peuvent subir, plongeant dans l’état d’anomie une partie d’entre nous. Si bien que nos réalités sont devenues extrêmement différentes (nous vous invitons à consulter l’ouvrage de Sam Boursier, Homo Inc.orporated pour comprendre la logique capitaliste à investir dans du capital humain afin de taper dans le pink-washing = "mariage pour tous"). N’oublions pas que dans les minorités, il y a des minorités. Il y a la bonne minorité aux yeux du patronat, et la mauvaise minorité : les folles, les transpédégouines, les drag’, etc. Toutes ces personnes qui sont contraintes d’exercer des métiers de merde, et parfois à risque, nous exposant encore plus au fascisme et au patriarcat.

Enfin, et nous terminerons là-dessus, beaucoup pensent que ce que nous faisons est un caprice. Nous pensons au contraire que l’analyse de classe, au sens de Georg Lukács, est très mal comprise. La force de travail ne peut être réduite à sa fonction de reproduction dans une économie d’accumulation. La force de travail est sociologiquement construite sur un croisement de dialectiques qui touchent à la race, au genre, au validisme, à la sexualité, etc. Rejeter ces réalités, c’est blanchiser nos luttes, et les normativiser dans des schémas pseudos biologiques dépassés. C’est être an-historique et rejeter la dialectique même. Un comble pour certainE. Sylvia Federici l’a bien montré :
"Si l’histoire n’est autre que l’histoire des conflits, des divisions et des luttes, il devient alors impossible d’analyser le processus historique du point de vue d’un sujet universel et unique." Sylvia Federici dans Le capitalisme patriarcal, La fabrique, p. 8

Enfin, nous pensons également que la révolution permanente, concept phare de Trotsky, est très mal employé dans certains mouvements : la déconstruction des privilèges sociaux ne peut pas se faire après la chute du système capitaliste. Elle doit se faire en reconfigurant la place que vous nous laissez dans NOS luttes, dans NOS AG, et dans NOS universités/lycées. CertainEs d’entre nous sont trotskystes, mais nous sommes dans l’incapacité de nous aligner sur les décisions de partis qui nous utilisent comme des trophées de validation de leurs espaces, afin que dans leurs discours, ils fassent preuve d’autorité.
D’autres sont anarchistes, et sont fatiguéEs de constater que la seule perspective politique de certains soit « lol on ne vote pas et on casse tout ». La dégradation de l’occupation de la Sorbonne n’a pas rendu service aux réfugiéEs venant d’Ukraine, et attendant de pouvoir être régulariséEs. Bien que nous soyons favorables à l’action directe, celle-ci doit être réfléchie et concertée avec l’amont des personnes qui auront le plus à perdre. Être anarchiste, c’est aussi s’organiser et être complice des camarades moins privilégiEs ; pas se comporter comme des virilistes qui mettent en danger les autres. Le culte de la violence est viriliste. Faites bien la différence entre la violence choisie, et la violence éprouvées par d’autres qui n’ont rien demandé. Nous sommes pour la violence car nous sommes révolutionnaires. Nous sommes pour la violence car nous la subissons quotidiennement et avons dû apprendre à nous défendre. Cependant, la stratégie doit guider nos actions, de préférence, et ne doit pas toujours être spontanée selon nous. L’action directe doit être organisée.
Construisons nos partis, nos syndicats et nos collectifs à l’image même de la masse. Image infiniment riche et puissante par différents moyens et différentes stratégies.
Cf (Transidentité, capitalisme et trotskisme - XY Media)

Note

À toutes les personnes qui comme nous se sentent en danger face aux politiques Lepenistes et au fascisme, n’ayez pas peur de vous prononcer dans vos facs et vos lycées. Nous serons toujours là pour aider nos sœurs, nos frères et nos adelphes qui sont écraséEs par des gens qui nous retirent le micro.
Et à toutes les personnes qui suivent naïvement la ligne politique du parti, sachez que nous n’oublierons pas.

Une bande de transpedegouines, pour certain.es racisæs, neuroA/handi.es, qui en ont marre de ne pas être écouté

PS : le troisième tour ne nous sauvera pas. Ce sont nos communautés qui nous ont toujours aidéEs. Ce qu’on veut, c’est la solidarité intracommunautaire. C’est pour cela que nous sommes invincibles et que nous écraserons toutes les personnes qui seront une menace pour nos existences.

Notes

[1Le véritable héritage de Jean-Marie Le Pen – YouTube

[2Usul. Faut-il vraiment voter Macron ? – YouTube

[4Ce que serait la France sous Marine Le Pen – YouTube

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