Message de solidarité pour des pétards contre la flamme olympique

| Saccage 2024

Le 16 juillet 2021, Daisuke Kuroiwa a lancé quelques pétards pendant une cérémonie de la flamme olympique, devant le stade de Musashino à Tokyo, pour exprimer sa colère contre cette fête toxique. Suite à son interpellation, il est incarcéré 139 jours au centre de détention de Tachikawa dans l’attente de son procès. Un an plus tard, il est condamné à un an de prison avec sursis. Il a fait appel le jour du verdict et le procès d’appel aura lieu ce septembre. Pour le soutenir, le collectif Saccage 2024 a rédigé un message de solidarité. Il a été envoyé en japonais et voici sa traduction française.

Comme beaucoup de soutiens à Daisuke Kuroiwa l’ont pointé avant nous, les Jeux Olympiques souffrent “du manque de légitimité” (l’amicus brief par Takashi Sakai). Le tribunal du district de Tokyo a ordonné une peine extrêmement sévère, un an de prison avec sursis, pour des pétards pendant une cérémonie de la flamme olympique à Tokyo. Il va de soi qu’il s’agissait d’un acte contestataire appartenant à la tradition de la non-violence. Face à cette réaction disproportionnée, on peut se demander si ce verdict n’est qu’une expression déplacée de la conscience de l’illégitimité.

Dans le dossier d’appel par l’avocat de la défense, on peut lire : "Dans la candidature aux Jeux Olympiques, le référendum n’est pas obligatoire. (...) En général, les citoyens n’ont qu’un moyen indirect de manifester leur avis par l’élection des députés ou maires". C’est tellement vrai. Les derniers Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) approuvés par les habitant·e·s via référendum remontent aux JOP d’hiver 2010 de Vancouver. Depuis, chaque référendum olympique s’est soldé par un "NON". La seule exception a été Oslo en 2013, ville dont les élu·e·s ont retiré la candidature ultérieurement. Peut-être pour cette raison, il n’y a plus eu de référendum autour de la candidature aux JOP depuis 2020. Cracovie (Pologne), Hamburg (Allemagne), Calgary (Canada), Sion (Suisse) toutes ces villes ont retiré leurs candidatures parce que le vote du "NON" l’a remporté au référendum. Si les Jeux Olympiques et Paralympiques sont prévus à Paris, à Milan-Cortina, à Los Angeles et à Brisbane, c’est parce qu’il n’y avait pas de référendum dans toutes ces villes. À date, le Comité international olympique (CIO) n’arrive toujours pas à désigner l’hôte des Jeux d’hiver 2030. On peut parier que ce ne sera pas par référendum qu’une ville hôte sera désignée. La ville de Sapporo (Japon), qui était la plus grande favorite jusqu’à l’éclatement de l’affaire de corruption des JOP de Tokyo, refuse obstinément le référendum en ignorant les lettres, les pétitions et les voix dans la rue qui le réclament. Cette obstination montre clairement de quoi ils ont peur.

Depuis Berlin 1936, les JOP sont avant tout un événement médiatique. Les journaux, les chaînes de télévision et de radio du pays hôte relaient la propagande du "mouvement olympique", parce que l’édition des JOP dans leur pays représente une grande opportunité pour leur business. Certaines chaînes paient des millions, voire des milliards dans le cas extrême de la NBC (chaîne états-unienne), pour le droit de diffusion. Quand la propagande du CIO est aussi hégémonique, pour ses opposant·e·s c’est l’action directe qui s’impose.

Même si les JOP 2024 de Paris ne semblent pas menacés par le Covid-19, ils souffrent également d’un manque de légitimité. Le chef du comité d’organisation, Tony Estanguet, n’a pas peur de manquer de respect pour les organisateurices brésilien·ne·s ou japonais·e·s et il aime persister à dire que les JOP de Paris sont "inédits, uniques et différents". A-t-il raison ? Pour le village olympique, des travailleurs immigrés ont été chassés de leur logement. Des sans-abris sont déjà transféré·e·s de la capitale vers d’autres régions. Pôle emploi n’offre que des formations liées à la sécurité des événements sportifs en Île-de-France. Le CROUS a annoncé la réquisition de quelques milliers de logements étudiants dans la région parisienne pendant l’été 2024. Les accidents, dont un mortel, s’enchaînent sur les chantiers olympiques. Enfin et surtout, le parquet national financier a perquisitionné un cabinet de conseil spécialisé dans le sport, fondé par deux cadres du Comité d’organisation de Paris. Le cabinet en question, Keneo, appartenait, jusqu’à 2020, au géant japonais Dentsu, qui se trouve au centre de l’affaire de corruption des JOP de Tokyo.

Si le CIO souffre de la rarification des villes hôtes potentielles, c’est parce que les saccages commencent à être connus, ne serait-ce que vaguement. Cela amène à une situation où des villes candidates, de plus en plus rares, ne font pas de référendum par peur de l’opinion négative de leurs habitant·e·s, et fait naître un cercle vicieux dans lequel la démocratie est négligée.

Est-ce que ce cercle vicieux sera brisé bientôt ? Ou est-ce que les Jeux Olympiques et Paralympiques feront toujours rage dans les années 2030 et saccageront encore tout ce qui est autour d’eux ? Dans un monde sans neige à cause du réchauffement climatique, les JOP d’hiver continueront-ils avec de la neige artificielle ?

Une chose est certaine. Ce n’est pas le CIO qui dira : "Bon, on arrête un spectacle has been comme ça". La tâche d’enterrer les JOP sera menée par celles et ceux qui luttent contre le capitalisme de fête. Pour cela, il nous faudra deux, trois, plusieurs Daisuke Kuroiwa. Il nous faudra plus de pétards qui rappellent tous les favelas détruits, tous les sans-abris chassés, tous les morts sur les chantiers olympiques et tous les anciens membres du CIO condamnés de corruption.

Fuck the Olympics, vive les pétards.

Note

En savoir plus sur le procès de Kuroiwa (en japonais uniquement) : https://kyuenmusasino.hatenablog.com/

Mots-clefs : arrestation | Jeux olympiques

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