De la réponse populaire et sociale à ce crime d’État pourrait donc naître de l’espoir. Et, pour bien des Mexicains, militants du mouvement social ou non, il ne s’agit pas, cette fois, de faire comme si de rien n’était et de laisser ce crime politique se transformer en simple fait divers sanglant, de ceux dont raffolent tant les médias du pays. « Si on touche à l’un de nous, on touche à nous tous », disaient autrefois les syndicalistes révolutionnaires des Industrial Workers of the World (IWW) aux États-Unis. Aujourd’hui, le Mexique d’en bas montre à ses dirigeants, à ses dominants, qu’en s’en prenant aussi cruellement à ces quarante-trois jeunes ils ont endeuillé des millions de Mexicains, tous ceux qui, quotidiennement, sont exploités par un système économique toujours plus délirant et écrasés sous le poids de la violence d’État. Mais ce deuil ne se pare pas seulement de noir et n’habite pas uniquement les cimetières (d’autant que la mort de tous les étudiants n’est toujours pas prouvée) : il arbore drapeaux et banderoles, cagoules et foulards et envahit les rues du pays. C’est un deuil enragé, dignement enragé, un deuil rempli de vie, de volonté et, semble-t-il, d’espoir. Dans un sens, le Festival mondial des résistances et des rébellions contre le capitalisme, organisé par l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) et le Congrès national indigène (CNI), arrive à point nommé.
Et, comme le Mexique dans son ensemble, il sera hanté par les fantômes des étudiants d’Ayotzinapa victimes de la barbarie étatique. Il accueillera la rage de tout un pays, voire de toute une planète, des milliers de militants venant d’un peu partout, épris de justice sociale et de liberté, étant attendus dans ce cadre, du 21 décembre 2014 au 3 janvier 2015. Il est encore trop tôt pour dire quoi que ce soit, mais cette vaste rencontre, qui voyagera à travers le Mexique insurgé pendant une dizaine de jours, pourrait peut-être donner corps, pendant un temps du moins, à une rage révolutionnaire. Et jeter les bases d’un réseau de luttes anticapitalistes et anti-autoritaires à dimension internationale. Demain, dimanche 21 décembre 2014, nous inaugurerons ce festival au sein de la communauté San Francisco Xochicuautla, laquelle s’affronte actuellement à l’État pour protester contre la construction d’une autoroute. Et qui, pour avoir ainsi refusé de vivre à genoux, a été violemment attaquée par les forces gouvernementales le 3 novembre dernier.
Ville de Mexico, le 20 décembre 2014
Tiré du blog ceux d’en bas