Interview de Trou Noir, le site qui propose « un voyage dans la dissidence sexuelle »

Entretien avec le site Trou Noir réalisé par La Grappe, le site Mutu de Bordeaux et environs.

La Grappe : Bonjour, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions.

Trou Noir : Bonjour, et merci à toute l’équipe de la Grappe de nous proposer cet entretien. Nous sommes ravis de voir naître un média collaboratif de luttes à Bordeaux et plus généralement en Aquitaine. On vous attendait depuis longtemps !

Trou Noir entretient depuis ses débuts, des liens avec différents médias du réseau MUTU ayant en commun un même fonctionnement et une même ambition politique qui ont à cœur de donner une résonance aux problématiques qui sont les nôtres, c’est-à-dire la manière dont les questions de sexualité, de genre et de désir sont constituantes de toute politique émancipatrice.

LG : Trou Noir est un site internet traitant des questions LGBT+ et féministes, d’un point de vue situé et révolutionnaire. C’est aussi le fruit d’une aventure qui a commencé il y a des années, et dont les liens amicaux et politiques ont débuté à Bordeaux. Pouvez-vous raconter votre parcours qui vous a mené à créer ce site ?

TN : « À bas la dictature des normaux ! » C’est avec ces mots repris au FHAR et inscrits sur une banderole géante installée cours Aristide Briand que des Bordelais.e.s ont manifesté, lors de la Marche des fiertés de 2017, leur intention de « re-politiser » les questions de sexualité. S’en est suivie la création d’un groupe TransPédéGouine dont la bordélisation des Prides officielles dura trois années. C’est par ce collectif et les différents liens tissés en France que Trou Noir a pu voir le jour. Certain.es d’entre nous se connaissent de longue date et ont lutté ensemble dans les mouvements sociaux, étudiants, antinucléaires ou à la zad de Notre-Dame-Des-Landes. Mais il y a aussi des rencontres plus récentes, véritables tourbillons qui ne laissent ni l’histoire, ni les évidences dormir sur leurs deux oreilles.

Notre constat est le suivant : les mouvements radicaux, autonomes, qui cherchent à tenir ensemble « vivre et lutter » ratent la question du désir, de la sexualité, de l’inconscient, de la crise de la présence, du genre… c’est pourquoi nous avons voulu apporter une contribution théorique et pratique aux luttes qui forment le seul horizon désirable.

LG : Bordeaux est une ville à la réputation tranquille et conservatrice. Le fait que les membres de votre équipe aient, au fur et à mesure, changé de région indique-t-il une difficulté à faire vivre les dynamiques révolutionnaires par ici ?

TN : Le départ et la dispersion des membres de l’équipe n’est pas une affaire de dépit politique mais de trajectoires singulières. On est appelé ailleurs par une situation politique, par un groupe d’amis, par l’histoire, par le cul… mais les liens sont toujours là, entre ceux qui partent et ceux qui restent, comme dans la chanson « Abandonnez-les » de Tony Geranno, ce fameux musicien bordelais.

Peut-être aussi qu’on n’échappe pas que difficilement à la solitude qui caractérise souvent les vécus homosexuels et trans, qui ont du mal à s’installer sur la durée dans des groupes politiques souvent structurés par la normativité de genre, de sexualité et d’amour. Alors on peut dire que Trou Noir est aussi une réponse à cet hermétisme de groupe par un branchement entre ces différentes solitudes.

Vous abordez la « difficulté à faire vivre des dynamiques révolutionnaires », c’est une expression que nous n’aimons pas beaucoup. Les actions, les campagnes, les luttes, les processus que l’on a mené cherchaient à rendre inséparables la vie et la lutte. Et c’est vrai que si l’on n’y prend pas garde, si on laisse l’idéologie abstraite supplanter notre rapport au monde et aux autres, si la généralité prend le pas sur la situation, alors on n’a d’autre destin que de s’épuiser et faner. Le mot « révolution » est un signifiant flottant, c’est-à-dire qu’il est capable d’exercer tour à tour les fonctions les plus diverses (idéologique, stratégique, existentielle, destructrice, communicationnelle…) dans la mesure où il permet un point de fuite à un monde social clos. À ce titre, « révolutionnaire » ne devrait s’appliquer qu’à la description de situation, sinon, on verse dans le performatif, dans l’invocation qui ne sont que des synonymes politiques de fantasmes.

Mots-clefs : LGBTQI+ | médias libres

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