Écologisation des totos, Totoïsation des écolos

Cet article fait suite au week-end Écologies Vénéneuses qui a eu lieu du 10 au 12 juin au squat de la Baudrière. Il propose un constat sur les dernières années de contestation à travers un double regard sur le milieu autonome et le milieu écolo.

Du 10 au 12 juin eu lieu le week-end Écologies Vénéneuses à la Baudrière, un squat anarcha-féministe, trans, pd et gouines à Montreuil. Ce week-end a réuni un ensemble de militantes issus de divers groupes : Cantine des Communardes, Gilets Jaunes de Montreuil, Désobéissance Écolo Paris, Saccage 2024, Zapatatistes, YFC, XR PEPPS, Zaclay, JAD Aubervilliers, ZAD Gonesse, Soulèvements de la Terre, La Chose, Zéro Chlordécone zéro poison, Vietnam Dioxine, Vérité et Justice pour Lamine Dieng...

En conclusion de ce week-end, les discussions se sont rejointes autour d’une perspective politique à organiser : l’écologisation des totos et la totoïsation des écolos.

Considérons l’année 2016 comme le début d’un nouveau cycle de contestation dans lequel nous sommes encore. C’est l’année du mouvement contre la loi travail, où le milieu autonome connaît un essor considérable, notamment en Île-de-France. Les activités du Mili (Mouvement inter-luttes indépendant) et de l’AFAPB (l’Action Antifasciste Paris-Banlieue) contribuent à la radicalisation d’une partie de la jeunesse lycéenne et étudiante. De nombreux groupes affinitaires autonomes se forment avec l’apparition du cortège de tête qui démocratisent la pratique du Black Bloc. Ces groupes développent une culture commune anticapitaliste lors de divers événements : assemblées, concerts, banquets, conférences, manifs sauvages, occupations, actions directes... Durant près de deux ans, des centaines d’autonomes foutent le zbeul quasi quotidiennement en contestation du système capitaliste.

Qui se souvient du 11h Nation, de l’apéro chez Valls, des assemblées au CICP, des manifs en hommage à Rémy Fraisse et à Clément Méric, des actions en solidarité au collectif Justice pour Adama, à Théo et dans l’affaire du Quai de Valmy ? Qui se rappelle de Génération Ingouvernable contre la mascarade présidentielle de 2017 et du Front Social contre les ordonnances Macron ? Qui peut témoigner des événements de l’Interlude Interlutte et de l’Autonome Autonome, de la Commune libre de Tolbiac, des sans facs de Nanterre ou encore de la Brèche à l’EHESS, ainsi que du cortège de tête réunissant 1200 autonomes le 1er mai 2018 ?

Fin 2018, l’intensification de la répression et l’absence de renouvellement des pratiques eurent raison du milieu autonome. Quelques autonomes se retranchèrent dans des squats, d’autres participent à faire des ZAD partout, tandis que le reste cessa tout simplement de militer pour revenir à une vie « normale » ou connu une période de burn-out militant. Le mouvement des Gilets Jaunes marqua une relance de la pratique du Black Bloc mais avec les mêmes écueils que lors des deux années de contestation précédentes : virilisme, absence de tactique et de formation communes face à la répression.

À partir de 2019, le mouvement climat se renforce, notamment avec l’importation de Youth for Climate et d’Extinction Rebellion en France, se distinguant par des modes d’action plus organisés et qui visent directement des institutions et des multinationales. Dès la première année d’actions, des franges radicales et anticapitalistes apparaissent dans YFC comme dans XR : occupation du centre commercial Italie 2, occupation du siège de Black Rock, camp climat à la place Sainte-Marthe, sabotage des trottinettes... Mais depuis ces franges sont minorisées en leur sein et tendent à participer de façon complémentaire à d’autres formes de mobilisation, telles que les Soulèvements de la Terre. Parallèlement plusieurs ZAD voient le jour en Île-de-France, d’abord à Gonesse, puis aux jardins ouvriers d’Aubervilliers et sur le plateau de Saclay. A chaque fois, la mobilisation est très faible sur ces ZAD, qui finissent par être expulsées les unes après les autres, dont il ne reste que le camp de Zaclay. Dès lors le buzz autour des actions de désobéissance civile des écolos a fais son temps et n’intéresse guère plus les médias, alors que les flics ont compris comment les gérer sans craindre le moindre débordement.

Maintenant, le milieu autonome et le milieu écolo connaissent les mêmes problématiques : entre-soi, adaptation de la répression aux pratiques de lutte, absence de perspective politique... Dans une telle configuration, ces deux milieux ont tout à gagner à se rencontrer et à composer ensemble pour les années qui viennent. Cet été le même constat a été fait lors d’une conférence organisée à Zadenvies réunissant des écolos, des autonomes et des antifascistes.

A la rentrée prochaine, cette rencontre sera proposée à toutes celles et ceux qui veulent s’organiser au-delà de son milieu militant.

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