Du radicalisme médiatique considéré comme un repas de famille

Peut-on, quand on est sur des positions anarchistes et/ou communistes, critiquer des figures de la radicalité médiatique comme Juan Branco, François Ruffin ou Frédéric Lordon sans se faire taxer d’élitisme ou se voir accuser de « diviser » ce qui serait - presque - notre camp ?

On s’est récemment agacé, dans les milieux d’extrême gauche, d’entendre critiquer les Branco, Lordon, Ruffin et autres radicaux-médiatiques, en imputant à ces critiques un élitisme supposé qui serait responsable du fait que nos idées – les idées communistes et anarchistes, en gros – ne « passent » pas dans la population et ne sont discutées que dans des cercles restreints. Mais il faut le dire clairement : si ces gens-là occupent le haut de l’affiche médiatique, c’est précisément parce qu’ils ne sont pas révolutionnaires. Ce n’est pas que, bien que pas très radicaux, ils sont tout de même accessibles, et aident « les gens » à réfléchir, ce qui devrait amener « les gens » vers des idées plus radicales : dès qu’ils sont présents, la question révolutionnaire est écartée d’emblée, le pas-très-radical est la condition de l’accès au débat public.

Il n’y a là nul complot, nul frein mis à la diffusion des idées révolutionnaires. Outre que la possibilité concrète de la révolution ne sera évidemment jamais discutée à la télévision, les radicaux-médiatiques sont aussi la manifestation du fait que des masses de gens ne veulent pas de la révolution, ou sont mêmes incapables de la penser, non par manque d’imagination, par bêtise ou par lâcheté, mais parce que la lutte des classes telle qu’elle existe n’est d’abord, dans ses manifestations les plus courantes, que la défense des divers intérêts de classe tels qu’ils existent dans le capital. C’est-à-dire que la lutte des classes, dans la période où nous sommes, s’exprime toujours d’abord dans la langue de ce qu’on va appeler le réformisme, pour faire simple. On peut « adapter » les discours tant qu’on veut, on ne met pas dans la tête des gens des idées dont ils ne veulent pas. Nous n’avons aucun devoir à « conserver l’unité » d’un mouvement révolutionnaire qui n’existe pas. Si les intellectuels radicaux-médiatiques sont écoutés, c’est qu’ils traduisent la critique de cette société dans le langage même de cette société, c’est pour cela qu’ils peuvent être entendus. La révolution quant à elle n’est pas une idée, une opinion à laquelle il faudrait rallier le plus grand nombre, mais un dépassement, une rupture. Et à cette rupture, personne n’est prêt : on renoncera plutôt aux énergies fossiles qu’à la division de la société en classes (et plus probablement à aucun des deux).

Les intellectuels et politiques radicaux-médiatiques manifestent la limite de toutes les luttes et de toute critique, la limite est leur environnement naturel, c’est là qu’ils habitent et prospèrent en bons petits parasites des luttes qui ne-sont-qu’un-début-continuons-le-combat, ou qu’un débat-continuons-le-début, comme ils aiment à fredonner plaisamment. D’ailleurs ils adorent les luttes, ils ne seraient rien sans elles.(...)

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