Le confinement, le temps qui passe à l’identique chaque jour, l’ennuie, l’attente, la peur de ne pas être en règle, l’arbitraire, la limitation de nos mouvements et de nos relations sociales… Si certain-e-s aujourd’hui ressentent un peu ce que veut dire être enfermé, c’est ce que vivent de façon permanente des milliers de personnes dans les prisons, les centres de rétention ou autres lieux d’enfermement.
Aujourd’hui dans les prisons, au nom de la lutte contre la propagation de l’épidémie, l’isolement et la violence de l’enfermement sont exacerbés. Les activités, comme les régimes « portes ouvertes » sont supprimés. Il ne reste aux prisonnier-ère-s qu’entre une et deux heures de promenade par jour. Les parloirs avec les proches et les avocat-e-s, seul moyen pour certain-e-s d’avoir des nouvelles rapidement, sont également suspendus.
La ministre de la justice a annoncé qu’en avril la télé, ainsi que des heures de communication seraient offertes. Non seulement ça va prendre du temps à mettre en place, quand on sait la lenteur de l’Administration Pénitentiaire en « temps normal ». Mais en plus le téléphone bénéficiera peu aux personnes prévenues puisqu’il est souvent refusé pendant l’instruction.
En prison l’accès aux soins est difficile. Les détenus doivent faire face à de nombreux obstacles : le refus des matons de les emmener à l’infirmerie, le peu de personnel soignant, les hospitalisations sous surveillance et parfois même attaché. Ils doivent aussi supporter l’hygiène dégueulasse des lieux et la promiscuité forcée. Les détenus sont considérés comme le risque alors que ce sont les matons qui vont et viennent dehors, et continuent de postillonner leurs ordres à la gueule des détenu-e-s. Ces conditions rendent les détenu-e-s plus vulnérables face à l’épidémie.
En plus, quand on sait que les prisons sont surpeuplées, c’est entassé-e-s qu’ils subissent le confinement. Et pour certain-e-s dans des cellules d’isolement où chacun-e peut se retrouver au moindre soupçon d’infection, sans aucun test pour le justifier. Alors que plus de 900 détenu-e-s seraient infecté-e-s, presque aucune information n’est communiquée à l’intérieur. Aucune mesure n’est prise face au virus, excepté des mesures privatives supplémentaires, comme le rationnement des cantines qui permettent pourtant d’obtenir des denrées nécessaires à la vie en prison.
A l’extérieur non plus, les proches n’ont pas d’information sur les personnes contaminé-e-s, ni sur d’éventuels transferts suite à des révoltes.
Dans un moment où le rapport à la mort est encore plus présent, pour soi et pour ses proches, ne pas pouvoir donner et recevoir de nouvelles et se sentir davantage à la merci de l’administration pénitentiaire qui fait déjà subir un quotidien angoissant aux détenu-e-s, donne envie de se révolter face à la suppression des rares espaces qu’il reste pour respirer. Et pourquoi pas des envies de liberté.
Face à cela, les prisonnier-ère-s se révoltent dès l’annonce de la suppression des parloirs et les jours suivants. Puis le week-end du 21 mars c’est dans dans plus d’une quinzaine de prison que des centaines de prisonnier-e-s se sont révoltés. Certains refusent de remonter en cellule, d’autres montent sur les toits, prennent le contrôle de zones réservées à l’Administration Pénitentiaire et brûlent des parties de la prison.
Avant cela des mutineries semblables avaient éclaté en Italie : incendies, évasions, rassemblements en solidarité, mais aussi des détenus blessés et tués.
Depuis les révoltes se multiplient dans différents pays sur tous les continents, avec souvent de nombreux morts suite à l’intervention de la police ou de l’armée.
Comme à l’accoutumée, l’AP va désigner des meneurs et la justice donner des peines supplémentaires. Déjà plus d’ une quinzaine de personnes ont été mises en garde-à-vue en France et des peines ont été distribuées, jusqu’à un an ferme suite à la révolte à Bézier. Nous avons toutes les raisons d’en être solidaire !
D’autre part, face au rapport de force établi par les prisonnier-e-s et la peur d’un scenario à l’italienne, l’État annonce la libération de 5000 détenu-e-s. Sur plus de 71.000 prisonnier-e-s c’est finalement peu de monde…
Cette décision, plus qu’une mesure sanitaire, cherche à acheter les prisonnier.e.s à peu de frais et répondre aux menaces de grève des matons qui réclament un confinement encore plus strict à l’intérieur.
Mais toutes ces réactions d’insoumission à l’autorité carcérale laisse entrevoir la possibilité d’en finir un jour avec tous les lieux d’enfermement (prisons, centres de rétention ou hôpitaux psychiatrique).
Avec ou sans epidémie, liberté pour tou-te-s !
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