Ce 17 novembre aura lieu une manifestation nationale contre l’augmentation des taxes sur l’essence.
La première fois que j’ai entendu parler de ce rassemblement, ma première réaction a été similaire à celle de notre camarade qui ne s’y rendra pas mais par la suite, certaines lectures m’ont fait changer d’avis.
Ce matin, la lecture de cet article m’a donné envie de vous partager ma réflexion.
Première question à toujours se poser : la cause est elle juste ?
Oui, le racket des prolétaires qui, pour beaucoup en dehors des grandes villes, dépendent de leur voiture pour travailler et de facto se nourrir est une injustice à combattre.
Dès que nous aurons apporté une solution durable à l’exclusion sociale, au sexisme, au racisme, à l’homophobie, au traitement des sans-papiers, à l’impérialisme, à l’esclavage, aux violences policières, au mal-logement, à la corruption de la magistrature, à la corruption des aux politiciens, à la maltraitance animale, aux sectes et que nous aurons mis un terme avec succès aux guerres, à la faim dans le monde et à la lutte des classes ; alors le prix de l’essence sera la première de mes préoccupations, parce que c’est une cause juste.
Le principal argument qui y est opposé est l’argument écologique du gouvernement, mais la majeure partie de la population ne conduit pas tant par confort que par obligation, ceux qui ne limitent pas leurs déplacements véhiculés pour des motifs écologiques le font déjà pour des raisons économiques et il est à parier que l’impact de cette mesure sur la consommation d’essence sera minime. Quand au diesel, remplir les casses et faire tourner l’industrie pour remplacer des véhicules en état de marche n’est pas la meilleure manière de sauver la planète, ajoutons que cette mesure entrave l’accès aux alternatives, déjà illégales, puisque rouler à l’huile ne sera plus seulement repérable à l’odeur mais au seul modèle du véhicule.
Est-ce une manœuvre de l’extrême droite ?
Il semblerait que non et s’il s’avère que oui, ils n’ont rien assumé, ce qui justifie de s’y rendre, rejoindre un appel lancé par l’extrême droite laisse entendre que nous les soutenons, rejoindre un évènement instrumentalisé, en revanche, prouve juste que ces coquins sont malhonnêtes et nous ont manipulé ce qui justifie sur place de se révolter haut et fort. Cependant l’extrême-droite sera là pour surfer sur cette vague c’est certain.
S’ils viennent faire de la récupération insidieuse, la présence d’un militant de gauche suffisamment expérimenté pour affronter leur rhétorique en argumentant de manière calme et raisonnée ne pourra que leur compliquer la tâche.
S’ils sont nombreux et organisés pour une récupération bien sale, la presse sera présente et un rassemblement citoyen dont la moitié des participants scandent à l’unisson « on est chez nous » sans autre opposition qu’une poignée de délégués syndicaux identifiables et désemparés montrera sur tout les écrans de l’église cathodique que leurs idées sont bien acceptées par « les vrais gens ». En revanche, si leur manœuvre déclenche des hostilités avec l’autre moitié du rassemblement ça montrera que la population ne les soutient pas.
Un rassemblement pareil pourrait très vite dégénérer si un simple citoyen ne comprenant pas ce qu’il se passe se mettait à poser un peu trop fort les questions qui fâchent, d’autant que les participants à ces rassemblements dépolitisés sont souvent très vulnérables au hooliganisme intellectuel.
On pourrait avancer que ce type de mouvement réactionnaire n’est pas un terrain propice aux discours révolutionnaires, et c’est un argument pertinent, mais à défaut de pouvoir convaincre certains individus, nous pouvons toujours empêcher l’extrême-droite de le faire.
Oui, mais à quoi ça sert ?
Ce rassemblement ? A rien du tout. S’y rendre ? A communiquer avec ce public qui, d’ordinaire, n’entend pas nos cris de révolte. Non pas via le prisme des médias, mais directement à leur contact.
Comme je l’évoquais en description, certains messages sur les réseaux sociaux parlent déjà de faire la révolution et renverser le grand capital, face à de telles promesses je ne doute pas une seule seconde de croiser quelques guerilleros fraichement pubères prêt à tout risquer pour la cause, même une heure de colle.
La suite vous la connaissez aussi bien que moi, les flics vont se mettre en ligne, matraques et boucliers en mains, ces révolutionnaires zavattistes vont se sentir acculés et paniquer, commenceront à agresser verbalement les pandores en se tenant à portée de matraque et à ce moment là, grâce à leurs formidables talents de diplomates et de pédagogues, les gardiens de la paix sauront trouver les mots justes afin de les rassurer et d’apaiser les tensions. C’est leur métier après tout.
Si, à la surprise générale, les choses ne se déroulent pas comme ça et que les matraques commencent à pleuvoir, alors il y aura probablement un grand philosophe pour livrer son analyse sociologique afin de défendre ces pauvres policiers qui n’ont rien fait pour mériter ça, sans manquer de faire référence aux zadistes, cette secte qui vole les terres des paysans pour partouzer et se droguer ainsi qu’aux black blocs, ces dangereux terroristes dont les dirigeants organisent l’infiltration des manifs afin de briser des flics et insulter les vitrines.
Ce moment là sera comparable aux récupérations insidieuses, ce sera le moment ou il faudra porter un contre-discours et engager un débat posé et constructif, non pas à destination de votre interlocuteur qui vous écoutera sans rien entendre, mais à tout les autres, suffisamment ouverts d’esprit pour tirer les conclusions de cet affrontement gagné d’avance d’idéaux et d’idées basses.
Le véritable impact de parler militantisme à ce public dépolitisé, en situation sur le terrain, c’est qu’ils ne seront pas nombreux à être affectés mais, dans un peu plus d’un mois, ils fêteront noël en famille. Comme chaque année leur tonton Gégé après le 4e gramme commencera à débiter son sempiternel discours sur la menace islamo-gauchiasse devant le silence gêné du reste de la famille. Mais cette année, comme cadeau, il recevra la réponse de son neveu à gilet jaune, qui racontera ce que lui a vu de ses yeux et entendu de ses oreilles lors de la révolution manquée de peu du 17 novembre. Tonton Gégé oubliera, comme tout les matins, mais le reste de la famille s’en souviendra et y réfléchira, car le témoignage du vécu d’un proche aura plus de poids que des articles de presse, contradictoires d’une ligne éditoriale à une autre.
Ne vaut il pas mieux concentrer ses efforts sur des causes plus importantes ?
Oui. C’est le point qui me perturbe le plus. On se croisera tout de même samedi, je serais à Vitry histoire de faire un peu de volume dans le cortège et affirmer mon soutien sur les photos qui circuleront par la suite, puis je vous fausserai compagnie lorsque commenceront les discours et que des militants éprouvés à cette cause déballeront des informations intéressantes et des arguments solides à d’autres militants qui savent déjà tout ça tandis que les journalistes seront déjà rentrés au bureau pour s’autocongratuler en se félicitant d’avoir fait un bon travail.
Et si vous avez bien suivi le point précédent, alors vous savez à quoi je joue avec cette dernière phrase. La technique de débattre avec un dogmatique fonctionne aussi en prêchant des convertis.
En conclusion :
Voila pourquoi je manifesterai avec les gilets jaunes, pas pour les taxes sur l’essence mais pour la propagande. Dans le bon sens du terme. Il faut occuper tous les terrains, surtout ceux où les gens ne sont pas armés pour appréhender un discours politique un peu retors.
Une légende raconte qu’il existe des ordinateurs sans clavier ni souris et que dessus un homme de centre-gauche prénommé Jean-Luc prétend nous représenter sans que personne ne le contredise. Partout ou se tient un discours politique, tenons nous présents et prêts à y répondre.