Tout le monde déteste la police du métro

La militarisation de la sûreté RATP doit nous interroger sur la banalisation de l’encadrement armé de notre vie quotidienne, et sur les manières d’y faire face. Fraude, gratuité des transports, solidarité employé·es-usager·es, autodéfense : quelles pistes explorer, quels outils développer ?

Il y a quelques jours, nous mettions en ligne un projet de tract destiné aux usagers et aux usagères de la RATP que la pandémie nous avait empêché de mener à bien [1]. Intitulé « Tout le monde déteste la police du métro », le tract se proposait de fixer le contexte de son écriture et de présenter la loi Savary à l’origine de la militarisation des agents de la sécurité de la RATP et de la SNCF. Les discussions entreprises avec des camarades de divers horizons politiques à ce sujet nous ont donné envie de prolonger notre réflexion pour articuler la question des violences sécuritaires à celle de la gratuité des transports.

Police partout

La militarisation du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR, alias « sûreté RATP ») depuis la loi Savary de mai 2016 a nourri un processus de banalisation de l’encadrement armé de notre vie quotidienne par la police et ses supplétifs. Aux violences policières quotidiennes, viennent désormais s’ajouter le lot d’abus et de « bavures » grandissantes des agents de sûreté de la RATP, assermentés et reconnus par le Procureur de la République. Pour leurs employeurs, les agents du GPSR ne sont pas moins que le GIGN du rail francilien, rien que ça [2].

À poste fixe ou en patrouille, ces miliciens assermentés obéissent à une mission précise : traquer les fraudeurs sans titre de transport et verbaliser les incivilités. Ils opèrent en bande, sont équipés d’armes à feu et prennent un plaisir à peine caché à parader comme des miliciens paramilitaires. Dans les bus, les tramways, les métros et les RER franciliens, ils procèdent à des contrôles au faciès, mettent des prunes pour non-port du masque avec le leur sous le nez, réalisent des plaquages ventraux, mettent des coups de gazeuse dans les couloirs du métro [3], lâchent des RKO à des usagers soupçonnés de ne pas posséder de titre de transport [4], intimident quiconque tente de filmer ou de surveiller leurs méthodes violentes, etc.

Flics ratés devenus supplétifs de la Police nationale, ils assurent une continuité des pratiques de terreur policière quotidienne , et constituent un instrument supplémentaire de contrôle social visant à nettoyer le réseau de transport francilien de ses éléments indésirables. Ils accomplissent leur tâche avec d’autant plus de zèle que la police se voit autoriser une plus large autonomie dans sa fonction de répression de la contestation et que la spéculation immobilière relègue les pauvres toujours plus en marge du centre et de sa proche périphérie.

Classes laborieuses, classes dangereuses

Le SMIC net s’élève à 1 258€ pour une personne travaillant à temps plein. Un abonnement annuel au réseau de transport RATP varie entre 350€ pour les étudiant·es de moins de 26 ans et les élèves du primaire et du secondaire, 827€ pour les bénéficiaires d’un forfait mensualisé avec douzième mois offert, 900€ pour les bénéficiaires d’un forfait mensualisé sans douzième mois offert, et 451,2€ pour les personnes de plus de 62 ans. À ce constat s’ajoute celui de la difficulté pour beaucoup de travailleurs et de travailleuses de faire valoir leur droit au remboursement partiel de leur titre de transport par leur employeur. Sans parler de l’insécurité de l’emploi et de la mode pour l’offre d’emploi en CDD et à temps partiel largement encouragée par les cadeaux fiscaux de l’État au patronat.

Partant de ce constat, la gratuité apparaît comme la seule revendication légitime et le seul programme de classe en matière de droit à l’accès aux transports. Certes, l’idée fait son chemin au sein des organisations syndicales et chez la gauche parlementaire. Mais elle se heurte toujours aux mêmes limites, inhérentes à ces formes d’organisation intégrées au système démocratique bourgeois : le projet de gratuité des transports, tel qu’il est majoritairement pensé et défendu aujourd’hui, est celui d’une extension du pouvoir et des prérogatives de l’État. Derrière le « bien commun » et le « refus de la marchandisation », il y a toujours l’État, ses « services publics » et ses entreprises nationalisées. L’objectif d’un tel projet de gratuité n’est pas de placer les régies de transport du territoire sous contrôle direct des travailleurs et des travailleuses qui les font fonctionner. Aucun acteur politique, aucune personnalité publique se déclarant favorable à la gratuité, ne soutient ni n’est solidaire des fraudeurs et des fraudeuses sur qui le GPSR lâche ses chiens.

Au contraire, les organisations historiques de la classe ouvrière les syndiquent et les couvrent sans sourciller, que ce soit lorsqu’ils gazent et matraquent des usagers [5] ou quand ils jouent les briseurs de grève et les indics contre les salarié·es de la COMATEC chargé·es de nettoyer les métros parisiens [6]. Dans ce contexte, la gratuité se présente d’abord et avant tout comme une mesure nécessaire pour garantir la sécurité et la sérénité des usagers et des usagères du réseau RATP, en particulier ceux et celles les plus touchées par les violences du GPSR  : précaires, personnes non-blanches, sans-abris, sans-papiers, etc.

Illégalisme, solidarité et autodéfense

Parce que l’État ne marche jamais sans sa police, il importe de démasquer et de combattre les projets de gratuité des transports des chantres du développement de l’action étatique dans notre vie quotidienne. Quand nous revendiquons la gratuité immédiate des transports publics pour toutes et pour tous, non seulement nous revendiquons la fraude comme pratique politique légitime, mais nous défendons également le passage des réseaux de transport sous le contrôle direct des travailleurs et des travailleuses qui les font tourner, avec qui nous avons tissé de précieux liens de camaraderie dans la lutte, en manifestation et sur les piquets de grève, dans le froid et sous les coups des policiers.

Plus que jamais, affirmons l’autodéfense populaire comme une pratique quotidienne de lutte contre la violence de l’État, de ses polices et de ses milices. Produisons une critique radicale sans concession des violences sécuritaires, de leur militarisation et de sa banalisation. Construisons la solidarité sur le terrain : avec les travailleurs et les travailleuses de la RATP d’une part, pour développer l’illégalisme et le sabotage des portiques et des bornes de validation des titres de transport ; avec les usagers et les usagères du réseau d’autre part, pour résister aux violences du GPSR et mettre un terme au sentiment d’impunité dont ils jouissent.

Note

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Localisation : région parisienne

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