Soutien aux cheminots en lutte et à la grève générale en Corée du Sud

La Corée du Sud connait depuis le 9 décembre 2013 l’une des plus importantes grèves de trains de ces dernières années. La mobilisation contre la privatisation du rail a porté ses fruits : réduction de 70% du fret [1] et de 40% du transport de passagers.

L’union syndicale KCTU, qui considère la répression anti-grève comme une déclaration de guerre envers les travailleurs, appelle à la grève générale à partir du 28 décembre (voir néanmoins la fin de l’article à ce sujet). 24 grévistes, sous le coup d’un mandat d’arrêt, sont en fuite.

Sud Rail et l’Union Syndicale Solidaires appellent à un rassemblement de soutien aux cheminots coréens en lutte ce vendredi 27 décembre, à 17h30 devant l’Ambassade de Corée, 125 rue de Grenelle, Paris 7e (métro La Tour-Maubourg ou Varenne).

Afin de mieux comprendre la situation, nous vous proposons la traduction d’un article du site anarchiste-communiste Libcom qui fait le point sur la 3e semaine de mobilisation.

Une note en premier lieu. Le paysage syndical coréen est peu semblable à celui que l’on connait en France. La fédération la plus importante, la FKTU, a été pendant longtemps le seul syndicat autorisée en Corée. Autant dire qu’ils ont toujours été de mèche avec le pouvoir, que ce soit sous la dictature ou sous la « démocratie » (la CFDT a l’air intègre à côté !).
De l’autre, la KCTU est longtemps restée dans la clandestinité, avant d’être autorisée en 1997 (peu de temps après les grèves massives et offensives de 1996-97 où la KCTU a été fortement impliquée). Peu de mouvements syndicaux d’ampleur depuis, même si certaines luttes atteignent une intensité rare (comme à SSangyong où les ouvriers ont occupé leur usine pendant plus de 2 mois, et se sont défendus hardiment contre les flics, voir cette vidéo). Pour une analyse plus fine de la situation et des luttes en Corée du Sud, on pourra lire l’article de Loren Goldner [2].

Par ailleurs, la date du 28 décembre est chargée, il s’agissait en 1996 de la conclusion d’une marche de plusieurs centaines de milliers de personnes qui s’étaient terminés par de nombreux affrontements contre la police anti-émeute.

Des matelas anti-suicide lors de l’assaut du siège de la KCTU

Les cheminots coréens en grève contre la privatisation

publié sur Libcom le 23 décembre 2013, traduit par Paris Luttes Info

Dimanche 22 décembre, 4600 policiers anti-émeutes et 900 des forces spéciales ont assiégé le siège central de la KCTU pour apporter des mandats d’arrêts aux leaders de l’union syndicale des chemins de fer (KRWU, affiliée à la KCTU). Plus de 800 personnes étaient présentes en soutien.

La police a brisée les portes vitrées de l’entrée du bâtiment et a arrêté 120 grévistes. Les dirigeants syndicaux s’étaient déjà enfuis du bâtiment. Les flics ont aspergés les manifestants de gaz lacrymogène. Les manifestants ont rendu la pareille en aspergeant d’eau les flics. Les médias bourgeois ont couvert le raid policier en direct, espérant diaboliser les grévistes. 

La grève a éclaté le 9 décembre lors de l’annonce de la création d’une nouvelle entreprise issue du KORAIL (le gérant publique du rail), qui gère tout le système ferroviaire national et 3 lignes de métro conjointement avec le Métro de Séoul, pour lancer une nouvelle ligne de train à grande vitesse. Malgré les affirmations du gouvernement, il s’agit bien là de première étape de la privatisation de KORAIL, tout comme l’avait fait le gouvernement japonais en découpant en 7 entités privées le Japan Railways Group en 1987.

La présidente PARK Geun-hye est la fille du dictateur PARK Chung-hee qui dirigea la Corée du Sud du coup d’État militaire de 1961 jusqu’à sa mort lors d’une beuverie au siège de la KCIA (les services secrets sud coréens, liés à la CIA, à l’extrême droite et à la Ligue anticommuniste mondiale). Elle continue sa dictature contre les travailleurs dans une nouvelle forme néo-libérale. Elle a déclarée que la grève risquait « d’endommager l’économie nationale » pour justifier l’attaque policière.

La PDG de KORAIL, CHOI Yeon-hye a déclaré le 23 décembre son plan d’embaucher 500 jaunes pour faire marcher les trains pendant la grève. « Je prévois d’embaucher 300 ingénieurs et 200 collaborateurs comme techniciens. Ils seront déployés sur les lieux de travail après un programme de formation » a affirmé CHOI dans un communiqué. L’actuel droit du travail interdit l’embauche de remplaçants durant une grève, mais la direction affirme que les moyens d’actions de la grève sont illégaux, ce qui justifierait l’emploi de jaunes.

Une femme de 84 ans a été tuée sur une ligne de métro le 15 décembre, coincée entre le wagon et les portes vitrées qui séparaient la plateforme des quais. Un étudiant de 19 ans, embauché par KORAIL comme jaune pour remplacer des grévistes, a été reconnu responsable de l’accident.

Pour la 3e semaine de grève :

  • KORAIL emploie 20473 salariés
  • 7 672 travailleurs en grève actuellement en grève
  • 1 098 sont retournés au travail le 23 décembre
  • 8 565 travailleurs sont suspendus par KORAIL
  • 2 responsables syndicaux ont été arrêtés, des mandats d’arrêts à l’encontre de 25 autres ont été signés
  • KORAIL a dépensé 7,7 miliards de won (5,3 millions d’euros) pour des actions en justice à l’encontre de 186 personnes accusées d’êtres des meneurs de grève.

La KCTU a déclaré que les actions anti-grèves étaient une « déclaration de guerre » et appelle ses 690 000 adhérents à une grève générale le 28 décembre. C’est la position rhétorique habituelle de la KCTU dans de telles situations, n’ayant pas pris part à une vraie grève générale depuis les manifestations massives de 1996-1997 pendant un mois en opposition aux mesures draconiennes sur les nouvelles lois sur le travail.

Notes

[1Un chiffre à relativiser puisqu’en 2005 le fret ne représentait plus que 7% du transport de marchandise terrestre

Mots-clefs : Asie | grève | Corée du Sud
Localisation : Paris 7e

À lire également...