Radicalisation : les néo-nazis armés désormais présentés comme des victimes

Décryptage du traitement des agressions racistes par les médias et les politiques par le collectif antiraciste Mémorial98.

La banalisation du néo-nazi ordinaire vient de passer un nouveau cap ce week-end : le voici devenu dans les médias " riverain excédés" .

Gaël et David sont deux militants calaisiens de l’extrême-droite la plus fanatique et la plus assumée : sur le profil Facebook du père et du fils que des militants antifascistes ont trouvé en quelques clicks, les deux compères affichent leurs tatouages « runiques » et leurs drapeaux nazis ( photo du fils ci-jointe).Comme le dit benoîtement l’un des deux aux journalistes, « ils sont de toutes les manifs ». Avec leur Kamarade Kevin Frèche, fondateur du groupe fasciste « Sauvons Calais », et lui même tatoué de symboles nazis.
Ce sont aussi des militants armés. Qui, samedi ont sorti leur fusil et visé ostensiblement des migrants et leurs soutiens qui manifestaient. S’ils n’étaient pas néo-nazis, on les eût facilement, en cette période d’état d’urgence, qualifiés de terroristes. Ils auraient sans nul doute passé les dernières quarante-huit heures en garde à vue et les mois suivants en prison.

En lieu et place, ils se répandent comme « victimes » dans les médias, qui font la publicité de leur page de soutien , relayée sur le site de Soral "Égalité et Réconciliation" et sur Fdesouche. Page, qui pour d’autres que des néo-nazis aurait sans doute valu une inculpation pour « apologie du terrorisme » à ses auteurs et aurait été fermée sur ordre du Ministère de l’Intérieur. On notera d’ailleurs que parmi les premiers et actifs soutiens des néo-nazis au fusil, l’on trouve Damien Rieu, de « Génération Identitaire », jamais condamné à ce jour pour l’attaque contre la mosquée de Poitiers, et dont les troupes ont attaqué un centre d’accueil des réfugiés l’automne dernier, en région parisienne.

Mais que les antiracistes s’estiment heureux, la police a tout de même confisqué l’arme.

Cela ne chagrinera pas la mouvance calaisienne néo-nazie outre mesure. Il suffit de compter le nombre d’opérations commando menées par des hommes cagoulés contre les migrants, ces ratonnades de nuit qui durent depuis des mois, sans que jamais on n’en retrouve les auteurs. Il suffit de regarder ces vidéos diffusées par des militants antiracistes, qui montrent les milices d’extrême-droite intervenir aux côtés de la police lors d’opérations répressives dans les bidonvilles où survivent des femmes, des hommes, des enfants traités comme des sous-hommes. Un fusil de plus ou de moins, ce n’est pas grand-chose pour cette mouvance là.

Surtout quand exhiber ce fusil aura permis de susciter la compassion médiatique, et donc une immense victoire politique : lorsque le néo-nazi devient voisin légitimement exaspéré, il sait que ses cibles peuvent trembler, car elles sont désormais laissées à sa vindicte, en toute impunité.

Et puis les armes, elles tournent, dans cette mouvance là, à peu près tranquillement. Quelques affaires émergent parfois, comme des exceptions qui confirment la règle de l’impunité. Ainsi, pour donner une caution de gauche à l’état d’urgence, le Ministère de l’Intérieur a-t-il fait bruyamment et administrativement Christophe Lavigne et son père, deux autres néo-nazis, qui avaient à leur domicile 200 Kilos de munitions. Mais ces munitions, Lavigne n’aurait jamais du pouvoir les collecter en paix, et si les services de renseignement ont besoin de l’état d’urgence pour les confisquer, c’est bien, qu’en temps ordinaire, rien n’est fait contre les terroristes d’extrême-droite : car Lavigne était parfaitement connu. Interpellé pour un projet d’attentat contre la mosquée de Vénissieux, la veille de passer à l’acte, il a obtenu une relaxe, bien qu’il ait été reconnu coupable de l’incendie de la mosquée de Libourne. Ce qui attestait de sa capacité d’aller jusqu’au bout de ses idées.

Quant à Claude Hermant, compagnon de route de Serge Ayoub, militant historique de l’extrême-droite extra-parlementaire, il aura manifestement pu trafiquer des armes en toute impunité pendant des années avant d’être enfin interpellé. Un de ses derniers marchés a consisté à procurer les armes qui ont servi à Amedi Coulibaly pour les attentats de l’Hypercacher et de Montrouge.

A Reims, c’est un trafic d’armes animé par des notables locaux et un ancien candidat du FN qui a été mis à jour

De même, juste après les attentats de novembre, Enis se faisait tirer dessus par trois individus, à la sortie d’un kebab à Cambrai, dont l’un se suicidera après son acte : des néo-nazis, encore, et une tentative d’assassinat qui n’a pas fait couler beaucoup d’encre.

Toutes ces affaires jusqu’ici étaient évoquées par les médias en mode "fait divers" : jamais d’enquête fouillée sur les liens entre elle et leurs auteurs, jamais de détails sur la mouvance auquels il appartiennent et leur degré d’engagement. Jamais d’interrogations sociologiques, jamais de mise en cause de l’extrême-droite parlementaire et du FN. Pourtant, il ne faut pas chercher bien loin les amis des néo-nazis : un des assistants parlementaires de Marion Maréchal Le Pen a du reconnaître récemment avoir aidé l’un d’eux en fuite après des tabassages il y a quelques années. Imagine-t-on le scandale qu’aurait déclenché le soutien de n’importe quel député à un militant même peu actif de l’intégrisme musulman ?

Avec l’affaire de Calais, la banalisation vient de franchir un nouveau cap, puisque désormais des néo-nazis armés sont présentés comme des victimes.

La suite à lire sur le blog de l’info antiraciste

Voir aussi le portrait du « riverain excédé », skinhead néo-nazi armé réalisé par la Horde

Mots-clefs : néo-nazis
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