Le Sénat a débuté hier la discussion en hémicycle de la proposition de loi dite « Narcotrafic », dont les mesures de surveillance et répressives nous inquiètent particulièrement, à La Quadrature comme avec les autres organisations de l’Observatoire des Libertés et du Numérique. À la lecture des amendements adoptés à ce stade, nous constatons que les sénateurs se sont manifestement senti pousser des ailes. Ils ont adopté nombre de mesures qui semblent irréelle tant elles sont dangereuses, faisant sauter autant que possible les limites de la surveillance et des pouvoirs répressifs. Voici un aperçu de ce florilège autoritaire.
Tout d’abord, les sénateurs ont signé le retour de l’activation à distance des objets connectés pour filmer et écouter les personnes à leur insu. Proposée par Eric Dupont-Moretti en 2023 dans une loi de réforme de la justice, cette mesure de surveillance avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Cela n’empêche pas les parlementaires de réintroduire aujourd’hui dans le texte un régime quasi identique, qui présente les mêmes dangers qu’il y a deux ans. Ainsi, aussi bien les appareils fixes (voir l’amendement) que mobiles (voir l’amendement) seraient transformés en mouchards pour la poursuite de certaines infractions. C’est une poursuite du processus de légalisation des logiciels espions (comme ceux de NSO/Pegasus) là où l’urgence serait de les interdire tant ils sont dangereux pour les équilibres démocratiques et les libertés individuelles.
Ensuite, les sénateurs tentent de donner corps à l’obsession des dirigeants ces dernières années : accéder au contenu des communications chiffrées, par exemple via les applications Whatsapp, Signal ou Telegram (lire l’amendement). Et cela fait autant d’années que les organisations comme La Quadrature, les experts en cryptographie ou même l’ANSSI le répètent : non seulement cette mesure est impossible techniquement mais elle contrevient à toutes les exigences de sécurité numérique. Le chiffrement de bout-en-bout est conçu pour que les entreprises elles-mêmes n’aient pas accès aux messages. Introduire un accès, une « backdoor », affaiblirait le niveau de protection de l’ensemble des communications et cela n’est d’ailleurs prévu nulle part dans le monde. Le chiffrement est une mesure de sécurité, le casser rendrait le monde numérique vulnérable et personne n’y a intérêt. Mais pourquoi s’embarrasser de la vérité quand on peut faire du sensationnel ? Il est urgent que cette modification soit retirée du texte.