Le 6 janvier 2021, des milliers de partisan·es de Trump, répondant à un appel de celui-ci, prirent d’assaut le Capitole, qualifié de « siège de la démocratie américaine », avec une aisance qui a été beaucoup commentée. Les images hallucinantes ont tourné en boucle sur nos ordinateurs. On y voit des hordes de gens renverser de maigres barrières, déborder une police en sous-effectif, escalader les murs d’enceinte, fracasser les vitres, puis parader dans le décorum du Parlement des États-Unis alors que des élus se terrent sous leurs sièges. On y voit aussi des néo-nazis, un chaman complotiste de QAnon, et autres porteurs de drapeaux confédérés.
Les images de l’assaut ont pu provoqué un vague malaise. À la fois par dégoût pour les militant·es trumpistes, par peur de ce que l’événement révélait de l’ampleur du phénomène fasciste dans le monde occidental, et par sentiment de dépossession d’une forme d’action insurrectionnelle qu’on aimerait voir servir d’autres causes. Par le passé, on avait plutôt eu l’habitude de jubiler en voyant ce genre d’attaque visant des lieux de pouvoir. On peut se souvenir par exemple du combat avec les forces de l’ordre sur les marches du Parlement de Rio de Janeiro, au Brésil, en 2013, lors d’un mouvement historique contre la vie chère.
Pour un observateur français, la comparaison avec les Gilets Jaunes, dernier mouvement populaire à avoir menacé physiquement des lieux de pouvoir, s’impose spontanément à l’esprit. Des commentateurs mal intentionnés ont alors tenté des assimilations fallacieuses au trumpisme alors que l’écart est irrémédiable. (Sur ce point, on pourra se référer utilement à l’article de Nantes révoltée, « Trumpistes et Gilets Jaunes, même combat ?)
Toutefois, c’est une bonne occasion de se souvenir des questionnements qui ont plané autour de la porosité du mouvement des Gilets Jaunes avec l’extrême-droite. Quoique ceux-ci continuent encore aujourd’hui à brouiller les catégories politiques, il est rassurant de constater que l’histoire du mouvement—notamment marquée par une hostilité croissante à l’égard de la police—contrecarre tout rapprochement sérieux avec l’émeute proto-fasciste qui a eu lieu aux USA.
Les Gilets Jaunes mis hors de cause, une interrogation lancinante, qui dépasse notre champ de compétence et le cadre de cet article, subsiste : celle du spectre de l’extrême-droite en France. Doit-on craindre une intensification de la montée du fascisme ? Doit-on envisager une prise de pouvoir ? Quelles formes prendrait-elle ?
En-deça de ces questions, un détour par l’histoire française a paru utile pour nourrir notre imaginaire et se préparer à résister. L’effet de miroir déformant qu’a provoqué l’assaut du Capitole interroge sur la différence entre une émeute fasciste et une émeute révolutionnaire. Partant de là et laissant nos préoccupations s’élargir au-delà de la question fasciste, on peut porter un regard sur les épisodes de prise de rue par les forces réactionnaires qui ont eu lieu en France au cours de l’histoire contemporaine.