Macron a démarré fort. Multipliant les attaques néolibérales dans tous les domaines de la vie, il commence à se faire des ennemi.e.s dans de nombreux secteurs. Les syndicats se rangent en ordre de bataille contre les ordonnances, les fonctionnaires se mobilisent contre le gel de la valeur du point indice, le rétablissement de la journée de carence, et la suppression de 130.000 emplois aidés, et les retraité.e.s ont pris la rue contre la hausse de la CSG.
Les journées de mobilisation s’enchaînent avec ces différent.e.s acteurs et actrices prenant part à la contre-offensive anti-Macron. Mais le grand absent dans tout ça, c’est la jeunesse. Certes présente en cortège de tête lors des manifestations intersyndicales du 12 et 21 septembre, les mobilisations locales dans les lycées et les facs sont rares, voire inexistantes. Pendant le mouvement contre la loi « Travaille ! » du printemps 2016, la jeunesse s’était fait remarquée comme étant le fer de lance du mouvement, « débordant » les cadres de contestation syndicaux et provoquant une intensification de la lutte contre la politique néolibérale du PS.
Mais aujourd’hui, alors que tout se joue, la jeunesse se fait surtout remarquer par son absence. Les quelques blocus de lycées le 12 septembre n’ont pas tenu, et les Assemblées étudiantes peinent à mobiliser. Mais il faut le répéter, C’EST AUJOURD’HUI QUE TOUT SE JOUE. Si les ordonnances passent, si les réformes de l’éducation, du logement et de la santé sont actées, si l’état d’urgence permanent est instauré sans contestation, Macron aura carte blanche pour faire tout ce qu’il veut pendant les 5 prochaines années, détruisant le peu de « social » qu’il reste dans ce pays tout en armant légalement l’exécutif et militairement les forces de l’ordre.
Construire un mouvement de jeunes
Les dernières grandes luttes de la jeunesse dans le monde de l’éducation datent d’une dizaine d’années (sans oublier bien sûr les révoltes de 2005), lorsque les lycéen.ne.s et étudiant.e.s se sont soulevé.e.s victorieusement contre le CPE en 2006, puis (moins victorieusement) contre la LRU en 2007. La force de ces mouvements résidait dans leurs revendications, qui sont partis d’appels à retirer ces projets de loi pour devenir des critiques de l’ensemble d’un système de gouvernance économique. Mais il ne faut pas négliger la puissance potentielle des premiers appels au retrait de ces lois, car elles permettent surtout aux concerné.e.s de se positionner en temps que sujet politisé directement atteint par ces attaques systémiques. Ce positionnement est essentiel pour lancer ces dynamiques de luttes, pour faire croître le sentiment désabusé et de révolte, et pour faire converger un certain nombre de personnes dans une contre-offensive en mesure de faire trembler le pouvoir. Il a fallu que le CPE et la LRU soient perçus comme étant des affronts spécifiquement contre la jeunesse pour qu’elle soit en mesure d’y répondre de façon combative.
Il peut nous paraître clair que ce n’est pas seulement contre telle ou telle réforme que l’on se bat, mais bien contre un ensemble de structures de gouvernance. Mais il faut avant-tout que s’étende le spectre de sujets politisés, pour qu’ensuite se radicalisent nos revendications. On n’est seulement contre Macron et son monde lorsqu’on peut collectivement proposer des alternatives.
Contre la sélection et son monde
Pour effectuer une convergence des luttes, il faut d’abord qu’il y ait des luttes. Si la jeunesse veut se coordonner et avoir son mot à dire aux côtés des salarié.e.s, des retraité.e.s, et des fonctionnaires, il faut qu’elle se constitue autour d’une base de revendications qui lui sont propres. Et on n’est clairement pas en manque de revendications. Ce qui vient en termes de réforme à l’éducation est d’une violence structurelle inégalée depuis des années. Outre la suppression de 331 M€ de crédits sur le budget 2017 de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, il y a la refonte de l’université publique en machine à production privée et hors-de-prix, réservée aux élites du pays.
- A la rentrée 2018, la mise en place de la sélection à la fac dès la L1, avec un système de prérequis, coïncidera avec une réforme du bac qui aura pour objectif de renforcer le lien entre les entreprises et le bac professionnel. Cette double-mesure fermera l’enseignement supérieur aux classes populaires et de façon plus large à tou.te.s celleux qui seront considérés comme “pas assez méritant.e.s”. Alors que la rentrée 2017 a vu une quantité sans précédent de "sans-facs" se faire refuser l’accès à l’université, cette sélection laissera des dizaines de milliers de bachelier.e.s sans possibilité d’étudier après le lycée.
- La facilitation du changement des statuts des universités en "grands établissements" apportera, sous la devise de "l’autonomisation des universités", plus d’opacité dans la gestion, plus de sélection, une explosion des frais d’inscriptions, ainsi que la réduction des droits des étudiant·e·s et du personnel, comme ça a été le cas à l’Université de Lorraine ou encore à Paris IX - Dauphine, où les frais de scolarité pour certaines licences dépassent les 7000€ !
- Pour accompagner cette "autonomisation de l’université", le gouvernement prévoit le Projet d’Investissement d’Avenir III (PIA 3), qui octroiera des financements publics aux facs créant des cursus sélectifs.
- Pour financer les coupes budgétaires et cette "autonomisation", ce seront les étudiant.e.s étranger.e.s non-ressortissant.e.s de l’Union Européenne en particulier qui verront leurs frais d’inscription augmenter.
- Et les mesures du gouvernement contre la jeunesse ne s’arrêtent pas là : les réductions des APL touchent près d’un million d’étudiant.e.s, et les ordonnances touchent déjà les 46% d’étudiant.e.s qui sont salarié.e.s.
- Alors que la jeunesse s’était remontée contre le CPE, qui prévoyait 2 ans de période d’essai pour les moins de 26 ans, les ordonnances ouvrent la possibilité aux entreprises de fixer leur propre période d’essai pour les CDI. Ce qui veut dire que la durée de la période d’essai sera indéterminée légalement, et aux mains des patrons. On peut ainsi imaginer l’entrée dans le monde du travail comme étant le passage vers le précariat généralisé, où on se voit enfermer dans une logique hyper-productiviste et se faire retirer tout droit à la grève et à l’organisation syndicale, car licenciable à tout moment.
Macron : ta période d’essai est finie
Ce qui nous reste à faire est clair : construire un mouvement de la jeunesse autour des problématiques qui lui sont propres. La sélection en L1 et "l’autonomisation des universités" sont trop gros pour laisser passer. Convergeons autour d’un mot d’ordre clair : l’éducation se doit d’être ouverte à tou.te.s.
Si nous voulons faire reculer ce gouvernement sur ces mesures, et si nous voulons l’empêcher de faire de ce pays un énième laboratoire d’expérimentation du néolibéralisme, organisons-nous dès maintenant dans les lycées et les facs, avec les enseignant.e.s et le personnel. Un appel circule déjà pour faire du 10 octobre une journée d’action pour la jeunesse. Préparons cette journée d’action, bloquons les lycées et les facs, soyons inordonnables. Mais surtout, construisons un mouvement de jeunesse, aux côtés des autres secteurs en lutte.
Faisons de ce quinquennat leur cauchemar.