Pour notre camarade, faire barrage à l’indifférence

Vendredi dernier, un de nos camarades étudiant et militant a commis l’impensable par désespoir. Par son geste, il cherchait à dénoncer la précarité de sa situation, mais aussi l’impasse dans laquelle place de trop nombreux étudiants le système d’enseignement supérieur et les gouvernements néolibéraux successifs. Alors que nous sommes tous encore sous le choc, certains s’attèlent déjà à vouloir atténuer la portée de son geste et de cette manière nier ce qu’il dit sur l’état de nos facs et de notre société aujourd’hui. Article initialement publié sur Rebellyon.

Via ce texte, je n’ai pas la prétention d’expliquer le geste de notre camarade vendredi dernier. Tout au plus, je pense pouvoir apporter quelques éléments de réponse sur le malaise qui touchent l’université aujourd’hui (et la société en général) ainsi que sur ses ressorts intimes. Si je me suis mis à rédiger ce texte si tôt, c’est que j’ai déjà assisté à de trop nombreuses tentatives de minimiser et dépolitiser son geste, ou encore d’attribuer à lui seul la responsabilité de ses difficultés. Contrer ces arguments et cette rhétorique malsaine est un travail politique indispensable : celui de lutter contre l’oubli et la passivité que vont vouloir nous imposer le gouvernement, le ministère, l’université et les médias. J’invite d’ailleurs tout le monde à s’y atteler, pour préserver l’honneur de notre camarade et celui de tous ceux et celles qui souffrent en silence. J’espère ainsi pouvoir aussi permettre aux camarades ne s’en sentant pas capables (quoi de plus normal après ce qu’il s’est passé) d’avoir à se confronter à la violence, la bêtise et au manque d’empathie de certains.
Gouvernement et université préparent déjà l’oubli.

Tout d’abord quelques mots sur la réaction institutionnelle. Si la ministre et la présidence de Lyon 2 ont déclaré s’associer à la douleur de la famille, leurs autres réactions appellent à la vigilance de tous. Déjà, dans son communiqué du samedi 9 novembre la présidente, Nathalie Dompnier, a déclaré n’avoir jamais eu connaissance des difficultés personnelles de notre camarade. Quiconque a étudié à l’université sait qu’il s’agit d’un monde marqué par l’anomie sociale. La solitude, l’isolement rythment souvent les premières années de fac en particulier quand on est en situation d’échec, confronté à des problèmes familiaux et personnels ou encore contraint de travailler. Nombreux sont ceux d’entre nous qui ont eu des idées noires… La faute au format des cours (qui limitent les occasions de sociabiliser), le manque d’encadrement et de soutien, et surtout la logique de tri social propre aux premières années de fac aujourd’hui. Rien à l’université n’invite réellement à briser l’isolement et la solitude dans lesquels certains s’enferment. Que dire des dispositifs d’aide psychologique si ce n’est qu’ils sont largement insuffisants, voire inexistants ? Tous ceux qui ont voulu consulter à l’université connaissent les longs temps d’attente pour avoir un rendez-vous. Il est aussi notoirement connu que la psychologue en charge des permanences à Bron est une incompétente plus occupée à maltraiter les étudiants qu’à les aider d’une quelconque manière. Peu sont ceux qui peuvent se permettre de voir un spécialiste compétent en dehors de l’université.

Comment prendre cette déclaration de la présidente si ce n’est comme une manière maladroite de se dissocier d’office du drame ? On voit bien arriver la suite : les différentes institutions (université et Crous) et le gouvernement vont insister sur les problèmes personnels et familiaux de notre camarade pour expliquer son geste, niant par là même tous les problèmes sociaux qu’il soulève. Nous, ses amis et ses camarades, allons alors être accusés de vouloir instrumentaliser à des fins politiques sa tentative de suicide. La visite samedi dernier de la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal prend tout son sens. Le gouvernement a peur des potentielles conséquences politiques du drame dans les universités alors qu’une importante grève s’annonce pour le 5 décembre. Heureusement pour eux, le jeu cynique de la communication de crise leur permettra peut-être d’étouffer l’incendie avant qu’il ne prenne.

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