L’OPHLM d’Ivry-sur-Seine est propriétaire de l’immeuble de trois étages situé 2 rue Baudin à Ivry-sur-Seine, dont le dernier appartement a été libéré autour du 10 mars dernier. L’immeuble est promis à la démolition : il faut bien donner du travail aux rénovateurs urbains, à leurs armées d’architectes et d’aménageurs, qui rêvent de couler du béton là où des arbres et des vieilles pierres ont survécu à leurs attaques.
Comme on était sans logement et que cet espace sera offert à des bulldozers, nous avons choisi de nous y installer. Des immeubles comme celui-ci, il y en a beaucoup. La spéculation immobilière fait des ravages, les loyers ne cessent d’augmenter et les assureurs incitent les propriétaires à demander des garanties toujours plus exigeantes envers leurs futur-e-s locataires.
On n’accepte pas que nos salaires ne servent qu’à remplir les poches des propriétaires. On n’accepte pas non plus que des immeubles entiers soient vides alors que des milliers de gens vivent à la rue ou dans des conditions inacceptables.
Ils nous diront sûrement que l’immeuble est insalubre. Ils ajouteront que notre sécurité n’est pas assurée. Et pour finir, tenteront de nous faire culpabiliser en affirmant que la démolition à venir servira à la construction de nouveaux logements sociaux, avant de procéder à notre expulsion comme il se doit dans ce monde de brutes.
Le logement social, on connaît la chanson : des listes à n’en plus finir, des critères de sélection absurdes, des années d’attente, l’obligation d’accepter la première proposition au risque de ne plus en avoir d’autre, etc. On n’accepte pas que l’OPHLM fasse le tri entre les bon-ne-s et les mauvai-se-s pauvres pour l’attribution de logement. Nous sommes pour la réquisition pure et simple des logements vacants, pour tous ceux et celles qui n’en ont pas.
Pour ce qui est de l’immeuble, qu’ils ne s’inquiètent pas, tout va très bien. Il est tout a fait sain et salubre, les murs sont solides, on a l’eau et l’électricité à tous les étages. Ne manquent que la fibre optique et le conteneur à poubelles. Et au fait, si quelqu’un s’y connaît en chaudières à gaz, merci de nous envoyer un télégramme (œufs de Pâques en récompense)...
Le 30 mars, les flics sont venus à deux reprises nous rendre visite, appelés par les services du propriétaire. Constatant notre occupation sans droit ni titre, grâce à une facture EDF, ils ont dit au propriétaire d’aller se faire voir en justice pour nous faire expulser.
Ils sont ensuite revenus, prétextant une « rixe », pour fouiller l’ensemble de l’immeuble à la recherche de Karim (précision : on ne sait toujours pas qui c’est !) et de ses potes bagarreurs, avant de repartir à nouveau. Si quelqu’un connaît Karim, merci de se manifester pour qu’on le poukave (on se détend, c’est une blague, on n’est pas comme ça). Les molosses de la BAC 94 ont bien défoncé quelques portes et glissé leurs lampes-torches derrière nos canapés pour trouver un os à ronger, mais ont fini par s’en retourner bredouilles, non sans renverser le cendrier d’un camarade (relous les chtars : pas sur le tapis !) et confisquer un nunchaku trouvé dans la cave de l’immeuble (il leur servira à la maison poulaga).
La rixe n’était donc qu’une excuse pour procéder à une vérification plus approfondie de nos conditions d’installation (ils ont cru qu’ils pouvaient faire l’état des lieux à la place du proprio). Nous ne sommes pas dupes. Nous pensons même que les services du propriétaire ont inventé cette histoire pour faire revenir les flics, pensant sans doute que ça aiderait à ce qu’ils nous foutent dehors.
Le lendemain, les flics sont revenus une dernière fois gratter la porte du petit doigt pour s’assurer que le hall de l’immeuble était bien barricadé. Résultat : une demie-heure d’ITT pour ongle élimé. Dur dur d’être policier !
Enfin, le surlendemain, l’agent de sécurité est revenu dés neuf heures pour récupérer le courrier de la bonne vieille Ginette qui n’habite plus là depuis 1994. La bonne excuse ! On lui a dit d’arrêter de faire chier notre copropriété. La prochaine fois, c’est le seau d’eau froide.
Depuis, c’est la paix sociale. Nous sommes donc officiellement les nouvelles/aux habitant-e-s du 2 rue Baudin, pour une durée indéterminée et en attendant que la justice décide de notre sort.