Murray Bookchin : L’agriculture radicale, 1972.

« Notre époque agricole – clairement capitaliste – considère la culture alimentaire comme une entreprise commerciale exploitée strictement dans le but de générer des profits dans une économie de marché. De ce point de vue, la terre est une marchandise aliénable appelée "bien immobilier", le sol une "ressource naturelle" et la nourriture une valeur d’échange qui est achetée et vendue de manière impersonnelle par le biais d’un moyen appelé "argent". »

Dernier texte de la trilogie consacrée à l’agriculture par des penseurs libertaire du 19e et 20e siècle. Les articles précédents sont accessibles ici :

Si le cauchemar que pressentait Reclus est effectivement advenu, il n’aurait sans doute pas su imaginer qu’on puisse un jour produire une société humaine dans laquelle l’épanouissement de tous tiendrait à la consommation, dans laquelle les besoins deviendraient des désirs et où le désir serait une chose accumulable à l’infinie toujours caduque et renouvelée. Les anciens pensaient qu’une fois les besoins assouvis viendrait d’elle-même la délivrance. Ils pouvaient anticiper la cruauté, mais pouvaient-ils imaginer Auschwitz ? Hiroshima ? Nagasaki ? Pouvaient-ils s’imaginer une régression pareille tenue par la modernité ?

Le texte de Bookchin s’écrit donc sous cet éclairage. Les années 50 ont fleuri, l’américanisation du monde libre est un fait qu’on constate partout ; on peut boire du cola et être sexy dans son jean en écoutant du rock sur l’autoradio dernier cri. Il reste bien le communisme mais 68 est passé. En plein milieu de la guerre froide, entre l’écrasement du Printemps de Prague, les goulags, bientôt la fin des trente glorieuses, les grandes surfaces font plus envie qu’un rideau de fer Staliniste.

À l’instar de la culture paysanne, la culture ouvrière devient à son tour une relique. On ne croit plus à ce destin qu’annonçaient toutes les prophéties. La « classe moyenne » brouille l’odyssée, la figure du consommateur recouvre celle du travailleur, l’accumulation est flagrante, l’opulence et le supeflu. La rumeur soupçonne que « les courses », cette félicité d’après-guerre, ont corrompu les espérances. Les marchandises que l’on agrippe sont désormais décorrélées des heures de travail cadencées que leur fabrication exige. C’est un article, un produit, un truc, un fétiche, confectionné par quelqu’un quelque part sans trop savoir comment. On mange une marque, des couleurs, un design, des slogans. On habite la fiction globale depuis l’instance publicitaire. Le capital a triomphé, plus rien ne lui fait concurrence.

Prenant en respect l’anarchisme, Bookchin tente une analyse des profondeurs de l’histoire, des causes et des conséquences qui ont pu mener à ce que certains vivent comme un désenchantement. Bookchin revient à des fondamentaux, à des questions originaires qui ne sont pas pour nous déplaire mais qui fleurent trop fort le chagrin, et trahissent à moindre frais une anthropologie New Age ; Lebensreform anarchisante tient lieu de conscience planétaire. C’est tous ces bavardages concernant l’approche « holistique » et « cosmique » des phénomènes, toutes les conneries propres à la contre-culture de la période. Une fange où s’amalgament spiritualités, idéologies révolutionnaires et gravats utopistes. Il faut rappeler que les théories de Rudolf Steiner pèsent autant chez les écologistes que chez les beatniks de l’époque, que les identitaires néopaïens s’inspirent volontiers de Gramsci, quand la critique de la modernité développée par Heidegger triomphe dans toutes les grosses têtes postmodernes. C’est la fin des grands récits, la fin des sujets historiques, bientôt la « fin de l’histoire ». Bref, c’est la confusion.

Le texte de Bookchin témoigne de cette perturbation, car il est clair qu’en ne prenant pas en compte la lutte des classes, ou en la prenant seulement de haut, Bookchin se perd dans tous les méta-discours alternatifs plus ou moins vraisemblables, et finit par remplacer le prolétariat qu’il a enterré trois ans plus tôt [1] par tout un tas d’autres sujets encore un tant soit peu plausibles : Hippies, tribus, jeunesses – c’est d’ailleurs la voie que saisissent tous les rouges repentis qui cherchent à réformer leur croyance. Cet artifice lui permet de poursuivre sa construction mentale sur un modèle affaibli qui le poussera à modeler une fantaisie humaine, originelle, authentique, « naturelle », en opposition à l’humanité moderne, synthétique, artificielle qu’il est de bon ton de fustiger. Sa critique du consumérisme progresse en réalité vers le biorégionalisme, dans laquelle « communauté humaine naturelle » et « communauté du sol » deviennent des termes interchangeables. Cette poursuite est à peu de chose près celle que défend aussi la nouvelle droite, un groupe humain dans son biotope, son territoire, enraciné [2]. Des restes de « Révolution Conservatrice » allemande, un peu de vitalisme, la célébration de l’organique et du vivant : le romantisme réactionnaire. C’est sans compter qu’une interprétation aussi « territorialisante » de l’espèce humaine oublie volontairement de signifier qu’elle a vécu plus de 99% de son histoire dans des logiques de mouvements et de nomadismes. Cette interprétation des faits ne conviendrait en somme qu’aux communautés humaines depuis le sacre de la sédentarisation (et donc de l’agriculture). En partant d’un tel constat, on peut, comme le font les primitivistes, se demander si la sédentarisation elle-même n’est pas déjà un phénomène contre-nature, et donc tous les enracinements possibles des germes de « décadence ». On peut toujours modeler l’histoire selon ce que l’on veut en faire, partir d’un point de départ historique de façon tout-à-fait arbitraire, pour convenir à une grille de lecture qui puisse satisfaire un sentiment, une conviction ou une croyance. Soit, les figurations indo-européennes font de la terre la matière duquel l’Homme est issu, mais le ramener à une souche fait de lui un arbre sans tronc. La terre n’est pas une parcelle, c’est un élément, une matière, la poussière ; Humus, Humain, et plus certainement Humilité.
À vrai dire, nous ne sommes ni de celles ni de ceux qui éprouvent quelconque regret vis-à-vis des ascendances, des appartenances à une caste, à une classe, à un clan, à un sol ou à un terroir. La nostalgie d’un monde perdu nous indiffère absolument.

Ceci étant dit, le texte de Bookchin n’est évidemment pas ethnodifferencialiste, il n’est donc pas pour ainsi dire planifié vers la réaction, mais il témoigne d’ambiguïtés qui, en filigrane, peuvent contaminer les discours de notions floues et périlleuses. Et c’est un thème récurrent dès-lors qu’il s’agit de « nature », d’« authenticité » et plus largement d’écologie. Car on la sent cette infamie, cette déçue de l’avenir radieux. D’un côté, le retour à la terre, l’harmonie, la simplicité, de l’autre, le localisme, la patrie, le « acheter français », toute une panoplie d’abstractions qui rappelle ô combien comment l’écologie peut, si l’on n’y prend garde, devenir un conservatisme creux parfaitement rétrograde.

Les flatteries stratégiques adressées à la province autant que les errances mystico-politiques du mouvement völkisch sont tout sauf des vestiges. L’opposition Ville-Campagne qui a fait tout le 20e siècle nous revient constamment dans l’angoisse. « Urbains progressistes » Vs « Ruraux populistes », il suffit d’analyser les verbiages du personnel politique mondial et le résultat des urnes par régions pour comprendre que cette opposition n’est malheureusement pas tombée en désuétude.

L’écologie politique ne sera pas nécessairement libertaire, faisons-nous une raison, il y a même à parier qu’elle sera tout le contraire. Pour autant, ni le primitivisme le plus grotesque, ni l’écologie profonde de certaines sectes au verbe émeraude ne semblent répondre à l’affaire. La misanthropie est rampante, l’éco-business en bulldozer, quant à son pan autoritaire, démagogue, hypocrite, un traquenard manifeste. Et disons-le franchement, le municipalisme libertaire de Bookchin et son éloge du « peuple » et du « citoyen » nous semble être de piètres conceptions. Son « peuple », gouverné par la morale et s’érigeant contre l’État par la légalité du vote que toutes les bottes peuvent écraser, risible. C’est ce format communaliste que Kropotkine et Reclus tendaient à dépasser, car il n’était à leurs yeux qu’une reproduction miniature du fonctionnement d’État. Et donc, comme un certain situationniste, nous pensons effectivement que sous bien des aspects Bookchin n’est qu’un énième « crachat dans l’affreuse soupe communautaire ». Nous convenons de la formule, comme nous convenons du fait que l’IS [3] était une coterie sectaire de jeunes snobs autocentrés, aux usages contradictoires et aux prétentions de poseurs.

La trajectoire de Bookchin nous apparaît comme un bilan. Du communisme à l’anarchisme, du prolétaire aux multitudes dominées, pour un naufrage délibéré : l’interclassisme des communs. Cette trajectoire est si fidèle aux évolutions de notre camp que rien que pour cela elle est précieuse à observer.

Pour autant, rendons-nous à l’évidence, rien ni personne ne s’éternise immaculé. Il y a partout un peu de sens qui puisse nous porter autre part. Des directions, des horizons, une constellation de croquis capable de nous stimuler, le reste fait le débat minable de ceux qui souhaitent se déchirer. Le communalisme idéalisé et le volontarisme crétin du texte de Bookchin sont tout sauf formidables, mais cherchons-nous la panacée ? Le parchemin ultime d’où jaillira l’épiphanie ?

Aux vues des circonstances, toutes les impulsions capables de nous inspirer de nouvelles perspectives, si elles ne sont pas intrinsèquement réactionnaires, peuvent et doivent être considérées. Même lourdement chargé des limites de son époque, ce texte a toutefois le mérite de poursuivre les notions d’entraide et de mutualisme entreprises par Kropotkine, de poursuivre la thèse de Reclus qui voyaient déjà dans l’homme un « agent géologique », anticipant tous les débats concernant l’Anthropocène, le Capitalocène, le Necrocène, ces concepts devenus à la mode dans toutes les cours de récréations des instituts du monde adulte. Le texte poursuit aussi, bien qu’il le fasse trop brièvement, les notions de besoins et de technologie. À l’heure où la 3e révolution agricole nous condamne à un basculement inévitable vers le quatre point zéro, à l’heure de l’Internet des objets, des Big Data, de l’intelligence artificielle et de la robotique adaptée au smart farming, une réorientation générale de la recherche n’est-elle pas envisageable ? Souhaitée et souhaitable ? Qui ? À part les amnésiques, peut encore penser qu’une telle évolution puisse davantage profiter à la majorité qu’au secteur privé qui en est à l’initiative ? Qui ? Pour penser qu’accélération et technophilie puissent permettre une répartition plus juste des biens ? La promesse est gâchée depuis bientôt deux siècles. La mythologie ne prend plus. Car enfin qui ? À part les capitalistes, souhaitent faire produire et donc acheter des miroirs connectés vendus en guise de conscience de soi ? Assurément, nous nous adapterons une fois de plus aux transformations futuristes auxquelles on nous conditionne, mais ne souhaiterions-nous pas une élévation mondiale des conditions d’existence (accès à l’électricité, à l’eau, à un logement, aux soins et à la nourriture) comme le souhaitaient nos anciens ? Plutôt qu’une séparation toujours plus démesurée entre des modes de vie et leurs implications ? De toute évidence, sans parler ni de classes ni de moyens de productions, l’objectif restera sérieusement entravé dans les faits par des obstacles matériels qui nous dépasseront toujours. L’autonomie se gagne, comme le pain en ce bas monde.

Revenir à la base, les « besoins réels », pour toutes et tous, partout.
C’était ça, la mission première du progrès.

Malgré toutes ses insuffisances, ce texte peut au moins permettre de poser des ébauches, des principes, des chemins : la réappropriation technologique – hightech ou lowtech selon les besoins réels des populations ; la synthèse entre ville et campagne que soutenait déjà Reclus – en tant que dépassement d’une opposition puérile entre l’ancien et le nouveau ; et la quête de sens dans des activités et une vie quotidienne qui n’en n’a plus aucune. Toutes ces analyses pourraient encore aujourd’hui être déterminantes, et des réflexions plus denses sont à mener sur ce terrain, sur des pratiques, des outils, des cadres de réflexions collectifs et révolutionnaires.

L’abattement est une force qui peut mener aux regrès, la tentation est grande et les glissements sont aisés. Il faut résolument nous soustraire aux écueils des folklores particularistes, de l’écologie identitaire, de l’ésotérisme anti-moderniste et anti-progressiste que ce texte coudoie sans jamais rencontrer, mais c’est aussi et surtout en prenant conscience de ces écueils que nous parviendrons définitivement à nous en écarter.

Murray Bookchin : L’agriculture radicale, 1972.

L’agriculture est une forme de culture. Et la culture de denrées alimentaires est un phénomène social et culturel propre à l’humanité. Chez les animaux, tout ce qui pourrait être décrit comme une culture vivrière apparaît de manière éphémère, voire pas du tout ; et même parmi les humains, l’agriculture s’est développée il y a à peine plus de dix mille ans. Pourtant, à une époque où la culture alimentaire est réduite à une simple technique industrielle, il devient particulièrement important de s’attarder sur les implications culturelles de l’agriculture « moderne » – afin d’indiquer leur impact non seulement sur la santé publique, mais aussi sur la relation de l’humanité avec la nature et la relation d’humain à humain.

Le contraste entre les pratiques agricoles anciennes et modernes est dramatique. Il serait en effet très difficile de comprendre l’une à travers la vision de l’autre, de reconnaître qu’elles sont unies par une quelconque continuité culturelle. Nous ne pouvons pas non plus attribuer ce contraste uniquement à des différences technologiques. Notre époque agricole – clairement capitaliste – considère la culture alimentaire comme une entreprise commerciale exploitée strictement dans le but de générer des profits dans une économie de marché. De ce point de vue, la terre est une marchandise aliénable appelée « bien immobilier », le sol une « ressource naturelle » et la nourriture une valeur d’échange qui est achetée et vendue de manière impersonnelle par le biais d’un moyen appelé « argent ». En effet, l’agriculture ne diffère pas plus d’une branche industrielle que la sidérurgie ou la production automobile. En fait, dans la mesure où la culture alimentaire est affectée par des facteurs non industriels tels que les changements climatiques et saisonniers, elle manque de la précision qui caractérise une opération véritablement « rationnelle » et scientifiquement gérée. Et pour éviter que ces facteurs naturels n’échappent à la manipulation bourgeoise, ils font eux aussi l’objet de spéculations sur les marchés futurs et entre intermédiaires dans le circuit allant de la ferme au point de vente.

Dans ce domaine impersonnel de la production alimentaire, il n’est pas surprenant de constater qu’un « agriculteur » se révèle souvent être un pilote d’avion qui époussette les cultures avec des pesticides, un chimiste qui traite le sol comme un dépôt sans vie de composés inorganiques, un opérateur d’immenses machines agricoles qui est plus familier avec les moteurs qu’avec la botanique, et peut-être surtout, un financier dont la connaissance du terrain est peut-être inférieure à celle d’un chauffeur de taxi urbain. Les aliments, à leur tour, parviennent au consommateur dans des contenants et sous des formes si fortement modifiées et dénaturées qu’elles ne ressemblent guère à l’original. Dans le supermarché moderne et scintillant, l’acheteur se promène distraitement devant un spectacle d’emballages sur lesquels les images de plantes, de viande et de produits laitiers remplacent les formes de vie dont ces produits sont issus. Le fétiche revêt la forme du phénomène réel. Ici, la relation de l’individu à l’une des expériences naturelles les plus intimes - les nutriments indispensables à la vie - est dissociée de son ancrage dans la totalité de la nature. Les légumes, les fruits, les céréales, les produits laitiers et la viande perdent leur identité de réalité biologique et acquièrent souvent le nom de l’entreprise qui les produit. Le « Big Mac » et la « Knacki » n’évoquent plus l’idée qu’une créature vivante a été cruellement massacrée pour fournir cet aliment au consommateur.

Cette vision dénaturée est en contradiction flagrante avec une sensibilité animiste antérieure qui considérait la terre comme un domaine inaliénable, presque sacré, la culture alimentaire comme une activité spirituelle et la consommation alimentaire comme un rituel social sacré. Les Cayus du Nord-Ouest n’étaient pas les seuls à être à l’écoute du sol, car le "Grand Esprit", selon les mots d’un chef Cayus, "a désigné les racines pour nourrir les Indiens". [4] Le sol vivait, et sa voix devait être respecté. En effet, cette vision a peut-être été un obstacle culturel à la diffusion de la culture vivrière ; Il y a peu de déclarations de chasseur contre l’agriculture qui soient plus émouvantes que les remarques mémorables de Smohalla : "Vous me demandez de labourer la terre. Dois-je prendre un couteau et déchirer la poitrine de ma mère ? Alors, quand je mourrai, elle ne me prendra pas en son sein pour m’y faire reposer". [5]

Lorsque l’agriculture est apparue, elle a clairement perpétué la sensibilité animiste du chasseur. La richesse des récits mythiques entourant la culture alimentaire témoigne d’un monde enchanté débordant de vie, de but et de spiritualité. La notion de Dieu comme projection de l’homme de Ludwig Feuerbach ne tient pas compte de la mesure dans laquelle l’homme primitif est marqué par l’empreinte du monde naturel et, en ce sens, en est une extension ou une projection. Dire que l’humanité primitive vivait en « partenariat » avec ce monde tend à sous-estimer la réalité ; l’humanité faisait partie de ce monde, elle ne vivait pas à côté ou au-dessus de lui.

Parce que la terre était vivante, voire mère de la vie, la cultiver était un acte sacré qui nécessitait des rituels invocateurs et apaisants. Pratiquement tous les aspects de la procédure agricole avaient leur dimension sanctifiante, de la préparation du sol à la récolte. La récolte elle-même était bénie, et « rompre le pain » était à la fois un rituel domestique qui affirmait quotidiennement la solidarité entre proches et un acte de pacification hospitalière entre l’étranger et la communauté. Aujourd’hui encore, on scelle une affaire par un verre ou on célèbre un événement important par un festin. Abattre un arbre ou tuer un animal nécessitait aussi des rites d’apaisement, qui reconnaissaient que la vie était inhérente à ces êtres et que cette vie s’inscrivait dans une constellation de phénomènes sacrés.

Aussi naïfs que puissent paraître ces mythes et bon nombre de ces pratiques à l’esprit moderne, ils reflètent une vérité sur la situation agricole. Après avoir perdu contact avec cette sensibilité « préscientifique » – au grand prix de la fertilité des terres et de son équilibre écologique –, nous savons désormais que les sols sont bien vivants ; qu’ils ont leur santé, leur équilibre dynamique, et une complexité comparable à celle de toute communauté vivante. Ce n’est pas dire que les détails qui entrent dans cette connaissance soient fondamentalement nouveaux ; mais plutôt que nous en prenons conscience d’une manière nouvelle et holistique. Pas plus tard qu’au début des années 1960, l’agronomie américaine considérait généralement le sol comme un milieu dans lequel les organismes vivants étaient largement étrangers à la gestion chimique des cultures vivrières. Après avoir saturé le sol de nitrates, d’insecticides, d’herbicides et d’une effroyable variété de composés toxiques, nous sommes devenus victimes d’un nouveau type de pollution qu’on pourrait bien appeler la « pollution des sols ». Ces toxines sont les additifs cachés de notre alimentation, les spectres invisibles qui nous reviennent en tant que produits résiduels de notre mode d’exploitation du milieu naturel. De manière non moins significative, nous avons gravement endommagé le sol dans de vastes zones de la planète et l’avons réduit à une simple schématisation propre au point de vue scientifique moderne. La vie animale et végétale, si essentielle au développement d’un sol nutritif et friable, est diminuée et, dans de nombreux endroits, se rapproche de la stérilité d’un sable appauvri et désertique.

En revanche, l’agriculture primitive, malgré ses dimensions imaginaires, définissait la relation de l’humanité avec la nature au sein de paramètres écologiques valables. Comme l’observe Edward Hyams, l’attitude des personnes et leur culture font autant partie de leur équipement technique que des outils qu’ils utilisent. Si « la hache n’était que l’outil physique que l’homme ancien utilisait pour abattre les arbres » et que « l’outil intellectuel lui permettait de balancer sa hache » efficacement, « qu’en est-il de l’outil spirituel ? Cet « outil » est le « membre de la trinité des outils qui permettent aux individus de contrôler et de vérifier leurs actions en se référant au "sentiment" qu’ils ont des conséquences et des changements qu’ils apportent à leur environnement. » En conséquence, l’abattage des arbres aurait été limité par leur état d’esprit, car les peuples primitifs « croyaient que les arbres avaient une âme et étaient vénérés, et ils associaient certains dieux à certains arbres. Osiris à l’acacia, Apollon au chêne et au pommier. Les temples de nombreux peuples primitifs étaient des bosquets... » Si les aspects mythiques de cette mentalité sont suffisamment évidents, il n’en demeure pas moins que cette mentalité en tant que telle « a été immensément précieuse pour la communauté du sol et donc, à terme, pour l’homme. Aucun arbre ne serait abattu sans raison, mais seulement lorsque cela serait absolument nécessaire, et ensuite accompagné de rites propitiatoires qui, s’ils n’engendraient rien d’autre, servaient constamment à rappeler aux abatteurs d’arbres qu’ils accomplissaient un travail dangereux et important. » [6] On peut ajouter que, si la culture est considérée comme un « outil », un simple renversement permettrait facilement de considérer les outils comme des éléments de la culture. Ce changement de point de vue convient parfaitement à ce que Hyams tente de formuler. En fait, ce qui caractérise uniquement la mentalité bourgeoise, c’est l’avilissement de l’art, des valeurs et de la rationalité au rang de simples outils - une mentalité qui s’est même infiltrée dans la critique radicale du capitalisme si l’on en juge par la teneur de la littérature marxienne qui abonde aujourd’hui.

Une approche radicale de l’agriculture cherche à transcender l’approche instrumentaliste dominante qui considère la culture des aliments comme une simple « technique humaine » opposée aux « ressources naturelles ». Cette approche radicale est littéralement écologique, au sens strict où la terre est considérée comme un oikos, une maison. La terre n’est ni une « ressource » ni un « outil », mais l’oikos d’une myriade de bactéries, de champignons, d’insectes, de vers de terre et de petits mammifères. Si la chasse laisse cet oikos essentiellement intact, l’agriculture, en revanche, l’affecte profondément, faisant de l’humanité une partie intégrante de celle-ci. Les êtres humains n’affectent plus indirectement le sol ; ils interviennent directement et immédiatement dans ses réseaux trophiques et ses cycles biogéochimiques.

À l’inverse, il devient très difficile de comprendre les institutions sociales humaines sans se référer aux pratiques agricoles dominantes d’une période historique et, en fin de compte, à la situation du sol à laquelle elles s’appliquent. La description que fait Hyams de toute communauté humaine en tant que « communauté du sol » est exacte ; historiquement, les types de sol et les changements technologiques agraires ont joué un rôle majeur, souvent décisif, en déterminant si la terre serait travaillée de manière coopérative ou individualiste - de manière conciliante ou exploitante - et cela, à son tour, a profondément affecté le système dominant de relations sociales. Les empires hautement centralisés du monde antique ont clairement été favorisés par les travaux d’irrigation nécessaires aux régions arides du Proche-Orient ; le village médiéval coopératif, par le système de bandes en plein champ et la charrue à versoirs. Lynn White, Jr., enracine en fait l’attitude coercitive occidentale envers la nature dès l’époque carolingienne, avec l’ascendant de la lourde charrue européenne et la tendance qui en découle d’attribuer les terres aux paysans non pas en fonction des besoins de subsistance de leur famille, mais « proportionnellement à leur contribution à la charrue ». [7] Ce changement d’attitude se reflète dans les efforts de Charlemagne pour renommer les mois en fonction des responsabilités professionnelles, révélant ainsi l’importance accordée au travail plutôt qu’à la nature ou aux divinités. « Les anciens calendriers romains montraient occasionnellement des scènes de l’activité humaine, mais la tradition dominante (qui s’est poursuivie à Byzance) consistait à représenter les mois comme des personnifications passives portant des symboles d’attributs. Les nouveaux calendriers carolingiens, qui ont servi de modèle au Moyen Âge, sont très différents : ils témoignent d’une attitude coercitive à l’égard des ressources naturelles. Ils sont certainement d’origine septentrionale car l’olive, qui occupait une place si importante dans les cycles romains, a aujourd’hui disparu. Les images se transforment en scènes de labour, de récolte, de coupe de bois, de récolte de glands pour nourrir les cochons, de l’abattage des porcs. L’homme et la nature sont désormais deux choses distinctes, et l’homme en est maître. » [8]

Pourtant, ce n’est qu’à l’ère du capitalisme moderne que l’humanité et la nature se séparent comme des ennemis presque absolus, et que la « maîtrise » de l’homme sur le monde naturel prend la forme d’une domination brutale, et non d’une simple classification hiérarchique. La rupture des liens corporatifs les plus vestigiaux qui unissaient autrefois les membres des clans, les membres des guildes et la fraternité de la polis dans un lien d’entraide ; la réduction de chacun à un acheteur ou à un vendeur antagoniste ; la règle de la compétition et de l’égoïsme dans tous les domaines de la vie économique et sociale – tout cela dissout complètement tout sentiment de communauté, que ce soit avec la nature ou dans la société. L’hypothèse traditionnelle selon laquelle la communauté est le lieu authentique de la vie s’efface si complètement de la conscience humaine qu’elle cesse d’être pertinente pour sa propre condition. Le nouveau point de départ d’une conception de la société ou de la psyché est l’homme isolé, atomisé, livré à lui-même dans une jungle concurrentielle. Les conséquences désastreuses de cette vision de la nature et de la société sont suffisamment évidentes dans un monde accablé par des antagonismes sociaux explosifs, une simplification écologique et une pollution généralisée.

L’agriculture radicale cherche à restaurer le sentiment de communauté de l’humanité : premièrement, en reconnaissant pleinement le sol en tant qu’écosystème, communauté biotique ; et deuxièmement, en considérant l’agriculture comme l’activité d’une communauté humaine naturelle , d’une société et d’une culture rurale. En effet, l’agriculture devient l’interface pratique et quotidienne entre le sol et les communautés humaines, le moyen par lequel les deux se rencontrent et se mêlent. Une telle rencontre et un tel mélange impliquent plusieurs présupposés clés. Le plus évident d’entre eux est que l’humanité fait partie du monde naturel et n’est pas au-dessus de lui en tant que « maître » ou en tant que « seigneur ». Il est indéniable que la conscience humaine est unique par sa perspicacité et par son étendue, mais l’unicité ne justifie pas la domination et l’exploitation. À cet égard, l’agriculture radicale accepte le précepte écologique selon lequel la diversité ne doit pas être structurée selon des lignes hiérarchiques, comme nous avons tendance à le faire sous l’influence d’une société elle-même hiérarchique. Les choses et les relations qui profitent manifestement à la biosphère doivent être appréciées pour elles-mêmes, chacune étant unique en son genre et contribuant à l’ensemble, et non l’une au-dessus ou au-dessous de l’autre et pouvant faire l’objet d’une domination.

La diversité, tant dans la société que dans l’agriculture, loin d’être limitée, doit être promue comme une valeur positive. Nous ne savons désormais que trop bien que plus un écosystème est simplifié – et, dans l’agriculture, plus la variété des animaux domestiqués est limitée – plus l’écosystème risque de s’effondrer. Plus les réseaux trophiques sont complexes, plus la structure biotique est stable. Cette compréhension, que nous avons acquise au prix de si grands frais pour la biosphère et pour nous-mêmes, ne fait que refléter la dynamique séculaire de l’évolution. L’avancée du monde biotique se compose principalement de différenciation, de colonisation et de réseau croissant d’interdépendance des formes de vie sur une planète inorganique – un long processus qui a remodelé l’atmosphère et le paysage selon des lignes hospitalières pour des organismes complexes et de plus en plus intelligents. L’aspect le plus désastreux des méthodes agricoles actuelles, qui mettent l’accent sur la monoculture, les cultures hybrides et les produits chimiques, est la simplification qu’elles ont introduite dans la culture des aliments - une simplification qui se produit à une telle échelle qu’elle pourrait bien ramener la planète à un stade de l’évolution où elle ne pouvait supporter que des formes de vie plus simples.

Le respect de la diversité dans l’agriculture radicale implique le respect de la complexité d’une situation agricole équilibrée : les innombrables facteurs qui influencent la nutrition et le bien-être des plantes ; les relations diversifiées avec les sols qui existent d’une région à l’autre ; l’interaction complexe entre les facteurs climatiques, géologiques et biotiques qui déterminent les différences entre une étendue de terre et une autre ; et la variété des manières dont les cultures humaines réagissent à ces différences. En conséquence, l’agriculteur radical considère l’agriculture non seulement comme une science mais aussi comme un art. Le cultivateur de denrées alimentaires doit vivre en étroite collaboration avec une zone de terre donnée et développer une sensibilité à ses besoins particuliers - des besoins qu’aucune approche théorique ne peut englober. Le cultivateur doit faire partie d’une « communauté du sol », dans le sens où elle ou il appartient à un système biotique unique, ainsi qu’à un système social donné.

Pourtant, traiter ces questions uniquement en termes de technique ne constituerait qu’une légère amélioration par rapport à l’approche qui prévaut aujourd’hui dans l’agriculture. Être un connaisseur technique d’une approche « biologique » de l’agriculture n’est pas mieux que d’être un simple praticien d’une approche chimique. Nous ne devenons pas des « agriculteurs biologiques » simplement en sélectionnant les derniers magazines et manuels dans ce domaine, pas plus que nous ne devenons en bonne santé en consommant des aliments « biologiques » achetés dans le tout nouveau supermarché de banlieue. Ce qui différencie fondamentalement l’approche biologique de l’approche synthétique, c’est l’attitude et la pratique globales que le cultivateur d’aliments apporte au monde naturel dans son ensemble. À une époque où les aliments biologiques et l’environnementalisme sont devenus très à la mode, il peut être judicieux de distinguer la vision écologique de l’agriculture radicale de l’« environnementalisme » grossier qui est actuellement si répandu. L’environnementalisme considère le monde naturel simplement comme un habitat qui doit être aménagé avec un minimum de pollution pour répondre aux « besoins » de la société, aussi irrationnels ou artificiels que puissent être ces besoins. En revanche, une vision véritablement écologique considère le monde biotique comme une unité holistique dont l’humanité fait partie. En conséquence, dans ce monde, les besoins humains doivent être intégrés à ceux de la biosphère si l’on veut que l’espèce humaine survive. Cette intégration, comme nous l’avons déjà vu, implique un profond respect de la diversité naturelle, de la complexité des processus et des relations naturelles, ainsi que le développement d’une attitude mutualiste à l’égard de la biosphère. En bref, l’agriculture radicale implique non seulement de nouvelles techniques de culture alimentaire, mais aussi une nouvelle sensibilité non prométhéenne à l’égard de la terre et de la société dans son ensemble.

Pouvons-nous espérer réaliser pleinement cette nouvelle sensibilité uniquement en tant qu’individus, sans égard au monde social plus large qui nous entoure ?

L’agriculture radicale, je pense, serait obligée de rejeter une approche aussi isolée. Même si la pratique individuelle joue sans aucun doute un rôle inestimable dans le lancement d’un vaste mouvement de reconstruction sociale, nous ne parviendrons pas, en fin de compte, à une relation écologiquement viable avec le monde naturel sans une société écologique. Le capitalisme moderne est intrinsèquement antiécologique : la relation nucléaire à partir de laquelle il est constitué – la relation acheteur-vendeur – oppose les individus les uns aux autres et, à plus grande échelle, l’humanité à la nature. La loi de la vie du capital, d’expansion infinie, de « production pour le plaisir de produire » et de « consommation pour le plaisir de consommer », fait de la domination et de l’exploitation de la nature le « bien suprême » de la vie sociale et de l’épanouissement de l’homme. Même Marx succombe à cette mentalité intrinsèquement bourgeoise lorsqu’il accorde au capitalisme une « grande influence civilisatrice » pour réduire la nature « pour la première fois à un simple objet pour l’humanité, une pure question d’utilité... » La nature « cesse d’être reconnue comme une puissance à part entière ; et la connaissance théorique de ses lois indépendantes n’apparaît que comme un stratagème destiné à la soumettre aux exigences humaines.... » [9]

Contrairement à cette tradition, l’agriculture radicale est essentiellement libertaire dans la mesure où elle met l’accent sur la communauté et le mutualisme, plutôt que sur la concurrence, une sensibilité qui dérive des écrits de Pierre Kropotkine [10] et de William Morris. Cette sensibilité pourrait à juste titre être qualifiée d’écologique avant que le mot « écologie » ne devienne à la mode, voire avant qu’il ne soit inventé par Ernst Haeckel il y a un siècle. L’idée d’une fusion entre la ville et la campagne, d’une alternance entre les tâches spécifiquement urbaines et agricoles, avait été évoquée par des socialistes dits utopistes tels que Charles Fourier pendant la révolution industrielle. La variété et la diversité des activités quotidiennes de chacun – l’idéal hellénique de l’individu arrondi dans une société arrondie – trouvaient leur contrepartie physique dans un environnement varié qui n’était ni strictement urbain ni strictement rural, mais une synthèse des deux. L’écologie a validé cet idéal en révélant qu’il constituait la condition préalable non seulement au bien-être psychique et social de l’humanité, mais également au bien-être du monde naturel.

Notre époque est allée au-delà de cette approche visionnaire. Il y a un siècle, il était encore possible de rejoindre facilement la campagne, même depuis les plus grandes villes, et, si on le souhaitait, de quitter définitivement la ville pour vivre à la campagne. Le capitalisme n’avait pas complètement effacé l’héritage de l’humanité au point de manquer de preuves d’enclaves de quartier, de modes de vie et de personnalités pittoresques, de diversité architecturale et même de société villageoise. Aussi prédateur qu’ait été le nouveau système industriel, il n’avait pas complètement éliminé l’échelle humaine au point de laisser l’individu totalement sans visage et aliéné. En revanche, nous sommes désormais contraints d’occuper des zones quasi-rurales devenues essentiellement urbanisées, et sommes réduits à des séries de chiffres anonymes dans un appareil bureaucratique stupéfiant qui manque de personnalité, de pertinence humaine ou de compréhension individuelle. En termes de population, voire de taille physique, nos villes se comparent aux États-nations du siècle dernier. L’échelle humaine a été remplacée par une échelle inhumaine. Nous pouvons difficilement comprendre notre propre vie, et encore moins gérer la société ou notre environnement immédiat. Notre propre intégrité, aujourd’hui, est impliquée dans la réalisation de la vision que les utopistes et les libertaires radicaux défendaient il y a un siècle. En l’occurrence, nous luttons non seulement pour un meilleur mode de vie, mais aussi pour notre propre survie.

L’agriculture radicale offre une réponse significative à cette situation désespérée, non pas en termes de lutte fantaisiste vers un refuge agraire éloigné, mais en termes de recolonisation systématique de la terre selon des principes écologiques. Les villes doivent être décentralisées - ce qui n’est plus un fantasme utopique mais une nécessité visible que même la planification urbaine conventionnelle commence à reconnaître - et de nouvelles écocommunautés doivent être créées, adaptées artistiquement aux écosystèmes dans lesquelles elles se trouvent. Ces écocommunautés doivent être adaptées aux dimensions humaines, à la fois pour permettre le plus haut degré d’autogestion possible et de compréhension personnelle de la situation sociale. Ici, pas d’administration bureaucratique, manipulatrice et centralisée, mais un système volontariste dans lequel l’économie, la société et l’écologie d’une région sont administrées par la communauté dans son ensemble, et la répartition des moyens de subsistance est déterminée par les besoins plutôt que par le travail, le profit ou l’accumulation.

Mais l’agriculture radicale porte cette tradition plus loin : dans la technologie elle-même. Dans la pensée sociale contemporaine, la technologie a tendance à être polarisée entre, d’une part, des formes hautement centralisées à faible intensité de main-d’œuvre et, d’autre part, des formes décentralisées et artisanales à forte intensité de main-d’œuvre. L’agriculture radicale occupe le juste milieu établi par une écotechnologie : elle profite de la tendance à la miniaturisation et à la polyvalence, à une production de qualité et à une combinaison équilibrée de fabrication de masse et d’artisanat. Car parallèlement à la technologie massive et hautement spécialisée des combustibles fossiles utilisée aujourd’hui, nous commençons à voir l’émergence d’une nouvelle technologie, qui se prête au déploiement local de nombreuses ressources énergétiques à petite échelle (éolienne, solaire et géothermique) - qui offre une plus grande latitude dans l’utilisation de petites machines polyvalentes et qui peut facilement nous fournir les produits semi-finis de haute qualité que nous, en tant qu’individus, pouvons choisir de finir selon nos inclinaisons et nos goûts. Les écocommunautés arrondies du futur seraient ainsi soutenues par des écotechnologies arrondies. [11] Les habitants de ces communautés, vivant dans une société agricole et industrielle très diversifiée, seraient libres d’utiliser les technologies les plus sophistiquées sans subir les distorsions sociales qui ont dressé la ville contre la campagne, l’intelligence contre le travail, et l’humanité contre elle-même et le monde naturel.

L’agriculture radicale met en lumière toutes ces possibilités, car nous devons commencer par la terre, ne serait-ce que parce que les matériaux de base nécessaires à la vie proviennent d’elle. Il ne s’agit pas seulement d’une vérité écologique, mais aussi d’une vérité sociale. Le type de pratique agricole que nous adoptons immédiatement reflète et renforce l’approche que nous utiliserons dans toutes les sphères de la vie industrielle et sociale. Historiquement, le capitalisme a commencé par saper et par écraser la résistance du monde agraire traditionnel pour l’économie de marché ; il ne sera jamais complètement transcendée sans la création d’une nouvelle société sur la terre qui libère l’humanité au sens le plus large du terme et rétablisse l’équilibre entre la société et la nature.

Notes

[1voir sa brochure Listen, Marxist ! sortie en 1969

[2Les travaux de Peter Berg concernant la biorégion intéresseront particulièrement la nouvelle droite.

[3Internationale Situationniste

[4T.C. McLuhan, ed., Touch the Earth (New York : Outerbridge & Lazard, 1971), p.8.

[5Ibid., p. 56.

[6Edward Hyams, Soil and Cultivation (London : Thames & Hudson, 1952), pp 274, 276.

[7Lynn White, Jr., Medieval Technology and Social Change (New York : Oxford Univ. Press, 1962), p. 56.

[8Ibid., p. 57.

[9Karl Marx, Grundrisse, ed. and trans. David McLellan (New York ; Harper & Row, 1971), p. 94.

[10Voir P. Kropotkin, Fields, Factories and Workshops Tomorrow (New York : Harper & Row, 1974) ; Mutual Aid (Boston : Sargent Publishers, 1955), et aussi : Conquest of Bread (New York : New York University Press, 1972).

[11Voir Murray Bookchin, Post-Scarcity Anarchism (Berkeley : Ramparts Press, 1972).

Mots-clefs : agriculture | paysannerie

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