À Porte de la Chapelle le 2 avril 2019, une femme est morte de rue.
Elle a été retrouvée sous le pont de l’échangeur, près d’un matelas et d’une tente, sous une couverture.
Certain.es veulent nous faire croire que c’est le crack qui l’a tuée !
Elle était Somalienne, c’était une femme âgée. Elle était enfermée dehors, assignée à résidence dans la rue. Elle était gazée chaque matin par les flics, réveillée à coups de pied, usée par la file d’attente de Cergy, de Clignancourt, jouant à la loterie du logement à coups de jetons chez France Horizons tous les matins à 8h au métro Cité à 100 m de la préfecture, ou au « squat officiel » des Grands Voisins à Denfert Rochereau.
Elle était de la rue et dans la rue, là où par le froid, la faim et les talons qui claquent, l’État mène la chasse aux Noirs, aux Arabes, aux Rroms, à tout··es celles et ceux à la mélanine suspecte.
De la rue, on meurt à toutes les saisons.
Quand au printemps, saison de l’expulsion, on ferme des CHU comme celui de Jean Quarré, quand on arrache les portes des chambres d’hôtel comme de la mauvaise herbe.
En été, quand la préfecture lance la saison des rafles, que Mme Hidalgo coupe l’eau et l’accès aux bains publics et met en place un arrosage automatique dans les jardins de Villemin et d’Eole pour en chasser les migrant·e·s qui y dorment. À l’automne et en hiver, quand on trie les exilé·e·s, dans des gymnases ou des patinoires qui deviennent des dortoirs, pendant que les porcs déchirent les tentes au cutter et gardent les bouches d’aération.
Elle est morte de la main de cet État sexiste qui se dit « protecteur des femmes vulnérables », au nom d’un féminisme bourgeois et blanc face auquel l’exilée est mineure et muette.
Elle est morte des coups de cet État raciste qui se fait le chasseur des hommes agresseurs, en militarisant les quartiers de Barbès, la Chapelle ou Jaurès.
Cette femme a été assassinée par l’État français, et ses meurtriers sont organisés. Aujourd’hui sont coupables de son assassinat, comme l’année dernière de celui de Karim, Soudanais, et de tous les autres mort.es de rue :
Les juges de la rétention tels M. Papin ou Skurtis officiant dans la prison du Mesnil-Amelot, au-dessous des ballets d’avions qui déportent,
les avocat.es complices à 3 000 euros tels Mme Banoukepa et Mikano, tel M. Philippe Savoldi avocat de permanence au Mesnil-Amelot qui plaide toujours ivre.
Tous les flics et gardien·ne·s de prison, leurs coups et leurs humiliations,
la bouffe périmée, les cafards dans les éviers, les chambres surpeuplées dans des hôtels miteux gérés par ADOMA, EMMAÜS ou La Croix-Rouge,
Aurore ou FTDA dont les centres d’hébergement sont gardés par des chiens,
COALLIA qui ferme les salles de prière et de réunion et les cuisines collectives,
les files d’attente, et les coups de fil au 115,
les camions de la BAPSA jamais arrivés au milieu d’un désert urbain,
combien d’agents de la préfecture, de la RATP ou de l’OFPRA, leurs guichets leurs bureaux et leurs courriers
Les patrons négriers des boites d’intérim : ONET, Sodexo, GEPSA.
ISM Interprétariat qui ne traduit pas, mais ment pour tous ces bureaux.
Et tous les autres complices.
Tous sont armés du droit et c’est pourquoi aucun recours juridique ne la ressuscitera, puisqu’elle est morte de plein droit, tellement saturée de droit sous les coups d’arrêtés administratifs qui l’assignaient à l’illégalité, qu’elle en a étouffé sous une couverture imbibée de pisse et de pluie.
La justice dont ils parlent est un stigmate, ils l’écrivent dans la chair de toutes celles et tous ceux qui ne sont pas assez blanc·he·s pour avoir droit de cité. Leur justice tue comme leurs matraques, mais en silence, à la chaîne, sans spectacle, en taisant et en étouffant le nom de ses victimes.
Nous refusons de réclamer au droit quoi que ce soit, car c’est lui qui organise la mort des sans-papiers.
Nous ne voulons pas de « mise à l’abri », mais chasser la police de nos rues et que les maraudes deviennent toutes des brigades anti-rafles.. Nous voulons saboter les préfectures qui torturent, les CRA qui enferment, les aéroports qui déportent.
Cette femme était peut-être une sœur, une mère, une amie, et peut-être même aurait-elle pu être la nôtre. Cette femme aurait pu être notre camarade. Avec ou sans nom, elle ne restera pas anonyme. Car nous lui organisons une cérémonie pour que sa famille et ses ami·e·s puissent la pleurer dignement. Car nous lui montons une sépulture pour que personne ne puisse oublier le lieu du crime, en allant y monter sa tente comme on irait s’y recueillir.
Notre deuil est une lutte pour sa dignité, à elle et tous les autres anonymes assassiné·e·s en prison, dans les montagnes, aux frontières, dans les avions, dans les tribunaux, en Méditerranée.
Mais nous sommes aussi enragé·e·s.
Et par cette cérémonie funèbre, nous rendrons un coup. Pour comploter et nous organiser avec celles et ceux qui sont là, et avec l’armée de ces fantômes avec qui nous nous conjurerons dans nos luttes.
Rassemblons-nous pour une manifestation-enterrement, de deuil et de rage. Pour la liberté de circulation et d’installation. Prenons la rue pour qu’elle ne tue plus et pour dénoncer les assassins.
RENDEZ-VOUS DIMANCHE 21 AVRIL
14H00
À PORTE DE LA CHAPELLE