La vie en jaune

Un mouvement sans précédent. Par son ampleur, sa composition, ses modes d’action et d’organisation. De par son efficacité aussi : jusqu’au dernier épisode terroriste à Strasbourg la révolte des gilets jaunes saturait les médias. Ils ont effectivement commencé à grignoter la croissance, gripper un peu la grande machine, plomber le calendrier de l’avent ; ils ont retourné « la plus belle avenue du monde », fait chialer Alain Juppé et arraché à Macron les débuts d’un mea culpa plus une poignée de dollars (euh d’euros)… Sans compter que le mouvement a allègrement effacé, en deux semaines, les fameuses taxes sur les carburants qui avaient constitué son motif initial.

Extraits :

Auto-organisation.
On a tout dit de ce mouvement, notamment qu’il était très mal organisé. Pour un mouvement soi-disant informel, arriver à tenir jusqu’à des centaines de rond-points et faire des milliers d’actions chaque semaine, sans se baser sur des structures déjà existantes, mais sur les liens existants entre les gens localement, c’est plutôt pas mal. Il y a cette vitesse folle à laquelle les gens résolvent les problèmes matériels liés au mouvement. (Comment tenir un lieu, en faire un QG ? Comment dormir sur place et gérer l’approvisionnement ? Comment organiser les actions, les montées sur Paname ?) À Feyzin, les gilets jaunes organisent leurs propres maraudes pour apporter aux gens de la rue toute la nourriture et les couvertures qu’ils ont en trop. De fait, dès qu’une situation est suffisamment forte, elle crée de fait son organisation grâce aux gens qui se jettent à corps perdu dedans. Et se donnent tous les moyens . Micro-miracles de la lutte.
[...]

Moyens (se donner les).
On assiste en quelques semaines à la (re)découverte immédiate de toutes les soit-disant trouvailles radicales de ces quinze dernières années. Comme le mot d’ordre, issu du mouvement contre le CPE de 2006, « Bloquons tout », qui pour la première fois n’est plus seulement une invocation gauchiste mais tend à devenir réellement effectif. C’est d’ailleurs un des mérites de ce mouvement que d’avoir eu la certitude que c’est seulement en ayant une incidence sur les flux, qu’on pouvait réellement avoir une prise sur la situation. Ça a semblé évident pour tout le monde, dès le premier jour. Les occupations de rond-points ont rapidement pris des tournures de mini-zad ou de presidi [3] du mouvement No-Tav avec des bâches puis des cabanes, des brasero puis des cheminées. Sur plusieurs rond points on construit en dur ; à Meximieux ils ont fait un château en pneus… De plus en plus de monde descend en manif équipé : lunettes de piscines, masques à gaz, équipes médicales histoire d’être en capacité de faire face à la police.

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