Paris, le 26 août 2019
L’Amazonie brûle.
Face à l’inertie des États, les peuples autochtones résistent.
Le 15 avril 2019, une partie de la cathédrale Notre-Dame de Paris partait en fumée. À grands renforts de discours pompeux et de promesses de reconstruction fulgurante, le gouvernement français avait a cœur de s’ériger en bâtisseurs contemporains d’une charpente en bois vieille de plusieurs siècles, la « Forêt ». Quelle opportunité, pour les grandes fortunes de ce monde, élites et multinationales, d’absoudre et laver leurs pêchés, qui promettaient alors de débloquer pour ce projet faramineux plusieurs centaines de millions d’euros.
Quatre mois plus tard, une autre forêt brûle. Le poumon de la planète Terre, l’Amazonie. Mais, cette fois-ci, quid de jolies promesses ? L’Occident possède ses raisons que la raison ignore. La forêt amazonienne n’est pas un édifice touristique, d’elle ne dépend pas le PIB d’un État. Enfin, pas encore. De quoi ces incendies, dont a priori les causes semblent inconnues, sont-ils le nom ? Le président brésilien, Jair Bolsonaro, accuse les ONG et se défait de toutes implications ; le président français, Emmanuel Macron, met monsieur Bolsonaro au pied du mur, arguant de l’importance du sujet, des enjeux environnementaux que ce fléau emporte s’il n’est pas endigué, et que cette question doit être débattue lors de la rencontre du G7 au Pays basque ; monsieur Bolsonaro accuse de néocolonialiste le discours du président français. Ingérence, le mot est lancé, et il va s’en dire que si l’on ne cesse de dénoncer le fascisme porté par les politiques du gouvernement brésilien, il semble difficile de critiquer ce terme à l’aune de la déclaration d’Emmanuel Macron à Alger : « La colonisation est un crime contre l’humanité ».
Le président français est de surcroît mal placé pour dénoncer les crimes perpétrés en Amazonie, quand celui-ci a porté Montagne d’or, un mégaprojet de mine à ciel ouvert de la taille de plusieurs stades de France, mettant en péril la survie des peuples autochtones (Kali’na, Teko, Paykweneh, Wayana, Wayapi et Lokono-Arawaka) que la France à travers la Guyane continue à tenter de maintenir sous son joug. Alors oui, le projet a semble-t-il été abandonné. Pourtant, la réforme du code minier est, elle aussi, en marche, et plusieurs dizaines d’autorisations d’exploitations de mines viennent d’être signées. Comme l’a déclaré Christophe Yanuwana Pierre, Kali’na, porte-parole de Jeunesse autochtone de Guyane (JAG) et représentant du Grand Conseil coutumier de Guyane des Peuples amérindiens et Bushinengé le 23 août 2019 en réponse aux annonces du président Emmanuel Macron : « Avec Bruno Lemaire vous avez accordé 36 0000 hectares pour les mines… et vous osez dire “notre maison brûle”. M. le président, avant de donner des leçons au fou qui sert de président aux Brésiliens, pensez à mettre un terme à l’extractivisme en Amazonie “française” ».
Oui, quand l’État ne peut pas rentrer par la porte, il tente de rentrer par la fenêtre. Les peuples autochtones d’Amazonie ne le savent que trop bien, comme en témoigne le dernier communiqué de presse du 25 août 2019, du Grand Conseil coutumier de Guyane des Peuples amérindiens et Bushinengé, qui souligne « l’Amazonie est bien plus qu’une forêt, c’est notre “chez nous”. Elle est vivante et elle est en train de mourir par l’action de l’homme ».
Aux images mortifères et anxiogènes que diffusent les médias en appui à l’urgence de la situation, nous tenons à rappeler que l’Amazonie et ses peuples luttent depuis des dizaines d’années et continuent de le faire contre la dévastation de leurs terres dont leur survie dépend. Face à la volonté de Bolsonaro de faire toujours plus de profits et de satisfaire son électorat, constitué en grande partie des grands exploitants agricoles du territoire, et d’éliminer toutes celles et tous ceux sur son passage, les peuples autochtones et les femmes en particulier, demeurent en première ligne. C’est ce qu’illustrent le rassemblement « Terre libre » qui a eu lieu à Brasilia en avril dernier, et la première « Marche des femmes autochtones » du Brésil, il y a tout juste quelques jours.
En réponse aux accusations de néocolonialisme, Macron suspend la participation de la France à l’accord de libre-échange UE-Mercosur. Si une première victoire est à célébrer, la guerre n’est pas gagnée, et les peuples autochtones auxquels nous réaffirmons toute notre solidarité ne sont pas dupes.